Les discriminations dans l’accès au logement restent un fléau trop répandu en France. Chaque année, des milliers de candidats locataires en font les frais. En 2024, le Défenseur des droits — autorité indépendante prévue par la Constitution — a recensé comme principaux motifs de discrimination le handicap (33 %) et l’origine (26 %). Pour y remédier, un guide pratique co-construit avec les professionnels du secteur propose huit étapes concrètes pour faire reculer ces pratiques dans le parc privé. Dans un contexte de crise du logement où les personnes vulnérables peinent davantage à se loger, ces recommandations visent à professionnaliser les pratiques des agents immobiliers et à garantir un véritable accès égalitaire au logement.
Sommaire :
- Comprendre les discriminations dans le logement
- Les huit étapes pour louer sans discriminer
- Application pratique de la lutte contre les discriminations
- Sanctions et recours contre les discriminations
- Source
- FAQ – Discriminations dans le logement
Comprendre les mécanismes des discriminations dans le logement
Définition juridique et critères protégés
La discrimination dans l’accès au logement repose sur un traitement inégal entre candidats à la location, fondé sur des critères pourtant strictement interdits par la loi. En France, plus de 25 motifs sont reconnus comme discriminatoires par l’article 225-1 du Code pénal et la loi du 27 mai 2008. Ces critères se répartissent en trois grandes familles :
- Les caractéristiques personnelles — telles que l’origine, le sexe, l’orientation sexuelle, l’identité de genre, le handicap ou encore l’âge.
- Les libertés individuelles — incluant les opinions politiques, religieuses ou philosophiques, ainsi que l’engagement syndical.
- Les situations particulières — comme l’état de santé, la grossesse, la situation familiale, le lieu de résidence ou encore la précarité économique.
Dans un marché tendu, ces pratiques illégales renforcent les inégalités et excluent injustement de nombreux ménages du droit fondamental à se loger.
Les quatre formes de discrimination identifiées
Le Défenseur des droits distingue quatre types de discriminations dans le logement selon la loi n°2008-496.
- La discrimination directe se manifeste par un traitement inégal ouvertement fondé sur un critère illégal. Exemple marquant : un refus de colocation justifié par la volonté “d’éviter le mélange de cultures différentes”, sanctionné dans la décision 2023-211 du 19 octobre 2023.
- La discrimination indirecte est plus insidieuse. Elle repose sur une règle en apparence neutre, mais qui défavorise certains publics. C’est le cas du refus systématique d’assurance en garantie loyers impayés (GLI) aux allocataires de prestations handicap, comme le souligne la décision 2017-056 du 2 mars 2017.
- Le harcèlement discriminatoire regroupe les comportements répétés qui portent atteinte à la dignité d’une personne, souvent dans un contexte de dépendance au logement.
- L’injonction à discriminer, enfin, consiste à demander à autrui d’agir de manière discriminatoire. La justice rappelle, via un arrêt de la Cour de cassation du 7 juin 2005, que l’auteur de l’ordre et celui qui l’exécute engagent tous deux leur responsabilité.
Les huit étapes essentielles contre les discriminations dans le logement
1. Définir l’engagement de non-discrimination
Avant même de publier une annonce, il est essentiel de poser un cadre clair avec le bailleur. Selon l’article 3 du décret n°2015-1090, les professionnels de l’immobilier doivent définir des critères de sélection objectifs et les consigner dans le mandat.
Pour éviter tout dérapage, il est conseillé d’intégrer une clause type : « Les parties s’engagent à ne refuser aucun candidat sur un motif discriminatoire, tel que défini à l’article 225-1 du Code pénal. »
Cette précaution juridique permet aussi de désamorcer les stéréotypes. Aux éventuelles remarques sensibles, une réponse factuelle et ferme suffit : « Nous sélectionnons les locataires selon leur solvabilité. Ne pas discriminer fait partie de notre professionnalisme. »
2. Proposer un logement digne et conforme à la loi
Lutter contre les discriminations, c’est aussi garantir à chacun un logement décent et énergétiquement performant. Depuis 2023, un bien consommant plus de 450 kWh/m²/an ne peut plus être loué. Et, d’ici 2025, les logements classés G seront également interdits à la location, puis les F en 2028 et les E en 2034. Ces seuils sont fixés par les lois « Énergie et Climat » (2019) et « Climat et Résilience » (2021).
Cette exigence est loin d’être anecdotique. Les publics les plus fragiles, souvent victimes de discriminations, sont aussi les plus exposés à la précarité énergétique. Selon l’Observatoire national, 21,2 % des locataires du privé déclarent des difficultés à se chauffer, contre 8,4 % des propriétaires.
Les professionnels doivent donc :
- Vérifier systématiquement la performance énergétique du bien,
- Informer les candidats sur les aides disponibles (comme VISALE, garantie gratuite proposée par Action Logement),
- Et utiliser une fiche standardisée présentant de manière équitable les conditions de location pour tous les candidats.
3. Respecter scrupuleusement la liste des justificatifs autorisés
La transparence n’exclut pas la rigueur. Pour éviter toute discrimination dans le logement, la demande de pièces justificatives doit respecter un cadre strict, fixé par le décret n°2015-1437 du 5 novembre 2015. En effet, seules quatre catégories de documents peuvent être exigées d’un candidat locataire :
- Une pièce d’identité,
- Un justificatif de domicile,
- Un document attestant l’activité professionnelle,
- Une preuve des ressources.
Toute exigence hors de cette liste expose le professionnel à une amende de 15 000 €. Il est donc impératif de remettre systématiquement aux candidats une liste-type des pièces autorisées, identique pour tous.
Refuser un dossier parce que le garant réside à l’étranger ou dans les DOM-TOM est illégal. Pour rappel, l’article 22-1 alinéa 3 de la loi du 6 juillet 1989 interdit explicitement cette pratique. De même, exiger un titre de séjour n’est pas recevable si la personne fournit un passeport ou une carte d’identité, comme l’a rappelé le Défenseur des droits à plusieurs reprises (décisions 2023-079 et 2018-212).
Par ailleurs, l’interdiction de discriminer ne concerne pas que les locataires. Elle s’applique aussi à leurs garants. Et, cela, notamment pour éviter les refus fondés sur la nationalité ou le lieu de résidence. La conformité au droit, c’est aussi l’égalité de traitement.
4. Encadrer l’ensemble des acteurs impliqués dans la location
Garantir une location équitable ne dépend pas uniquement de l’agent immobilier. Chaque intervenant du processus locatif — propriétaires, assureurs, syndics — doit faire l’objet d’une surveillance stricte afin d’éliminer les risques de discrimination.
Les campagnes d’appels mystères menées par SOS Racisme en 2019 et 2022 sont édifiantes. Près d’une agence immobilière sur deux (48,5?%) accepte encore des consignes discriminatoires. Une réalité préoccupante qui impose aux professionnels de refuser clairement tout tri illégal des candidatures, même lorsqu’il est demandé par un propriétaire.
Autres zones de vigilance :
- Les assurances loyers impayés (GLI) qui pénalisent certains profils, en ne prenant en compte que 30 % des revenus liés à l’AAH ou aux pensions d’invalidité.
- Les règlements de copropriété qui tenteraient d’imposer des clauses restrictives à l’entrée dans les lieux. D’ailleurs, sur ce point, la Cour de cassation a tranché dans un arrêt du 23 novembre 2017. Ainsi, une clause “d’habitation bourgeoise” ne saurait justifier l’exclusion de catégories socioprofessionnelles.
Le rôle du professionnel est donc aussi d’éduquer et de recadrer ses partenaires, en rappelant que nul n’est au-dessus de la loi. Accompagner un propriétaire, c’est aussi lui faire comprendre que la non-discrimination fait partie intégrante d’un service professionnel de qualité.
Application pratique de la lutte contre les discriminations dans le logement
5. Publier des annonces neutres et conformes à la loi
La discrimination dans le logement commence parfois dès la publication de l’annonce. C’est pourquoi, les professionnels de l’immobilier doivent s’assurer que seules les conditions strictement nécessaires à l’exécution du bail figurent dans les offres publiées.
Exemple concret : réserver un logement étudiant aux moins de 30 ans constitue une discrimination illégale fondée sur l’âge. C’est ce qu’a rappelé la décision 2024-159 du 29 octobre 2024 du Défenseur des droits. Aucun critère ne peut être imposé s’il ne repose pas sur des justifications objectives et légales.
Les plateformes numériques jouent également un rôle central. Selon la décision-cadre 2017-036 du 26 janvier 2017, elles doivent :
- Intégrer un motif spécifique de signalement pour les discriminations dans les annonces.
- Mettre en place un filtrage automatique des contenus suspects.
- Surveiller les comptes des utilisateurs déjà signalés pour comportements discriminatoires.
Concrètement, cela signifie que chaque annonce publiée doit être relue avec rigueur : pas d’âge limite, pas de critères flous ou ambigus, pas d’exclusion implicite. Une annonce bien rédigée reflète le professionnalisme de l’agence et respecte les droits fondamentaux des candidats.
6. Garantir un traitement équitable de tous les candidats
Pour éviter toute forme de discrimination dans le logement, chaque candidat doit recevoir le même niveau d’information et se voir demander des justificatifs comparables. Cette exigence, posée par le référentiel CNIL du 6 mai 2021, s’applique à toutes les étapes de la gestion locative.
Même règles, mêmes documents : tous les dossiers doivent être évalués sur des bases strictement identiques. Il est interdit de demander plus de pièces à un candidat qu’à un autre, ou de fournir des informations privilégiées à certains.
Ainsi, que la réponse soit positive ou négative, le délai de réponse doit être le même pour tous. Cela évite les suspicions de traitement différencié ou de favoritisme.
Par ailleurs, la mise en place d’une documentation complète constitue un pilier essentiel de la prévention des discriminations dans le logement. Les professionnels doivent s’appuyer sur des outils de suivi rigoureux qui assurent la traçabilité de chaque étape du processus locatif. Et, cela, depuis le premier contact avec les candidats jusqu’à la signature du bail. En effet, ces tableaux de bord permettent d’enregistrer systématiquement les échanges, les documents demandés, les délais de réponse et les critères de sélection appliqués. Ainsi, en cas de contestation ou de réclamation auprès du Défenseur des droits, cette documentation objective devient un élément probant pour justifier les décisions prises.
Durée de conservation des données :
- 3 mois pour les données liées à l’appréciation de la solvabilité.
- 3 ans en cas d’usage pour la prospection commerciale.
- Jusqu’à 6 ans si un contentieux lié à une discrimination est en cours.
En respectant ces règles, les professionnels de l’immobilier renforcent la transparence de leurs pratiques et limitent les risques juridiques. C’est aussi une manière concrète de bâtir la confiance avec tous les candidats, sans distinction.
7. Instruire les dossiers selon des critères objectifs et inclusifs
La sélection des locataires doit impérativement s’appuyer sur des critères objectifs, transparents et juridiquement fondés, exclusivement liés à la capacité à payer le loyer.
Les professionnels doivent s’appuyer sur une grille d’analyse commune. Cette dernière repose uniquement sur des garanties financières pertinentes : stabilité des ressources, taux d’effort raisonnable, présence de garants ou d’assurances.
Exemple à proscrire : refuser un dossier au motif que les ressources ne proviennent pas d’un emploi salarié. Ce critère écarte injustement les bénéficiaires d’allocations, notamment les personnes handicapées, et constitue une discrimination avérée (décision 2017-056 du Défenseur des droits).
Les aides publiques doivent être pleinement intégrées à l’analyse financière des dossiers, au même titre qu’un contrat de travail :
- VISALE (Action Logement) : pour les jeunes, les salariés précaires ou en mobilité.
- CLÉ : pour les étudiants sans garants.
- FSL : pour les personnes en situation de précarité.
- Intermédiation locative (ex. Solibail) : pour les publics en transition, avec encadrement par un organisme tiers.
Ces dispositifs offrent souvent des garanties de paiement supérieures à celles du droit commun. De fait, leur exclusion automatique relève d’une méconnaissance juridique autant que d’un biais discriminatoire.
8. Sécuriser la relation locative avec des contrats-types conformes
La dernière étape d’un processus locatif non discriminatoire repose sur l’usage rigoureux de contrats-types normalisés, conformément au décret n°2015-587 du 29 mai 2015. Cette exigence permet d’assurer une égalité de traitement entre tous les locataires, quels que soient leur profil ou leur statut.
L’obligation de non-discrimination ne s’arrête pas à la sélection du locataire. En effet, elle s’applique à l’ensemble de la relation contractuelle, y compris aux baux régis par le Code civil (articles 1713 et suivants). Notons qu’ils sont souvent utilisés dans le cadre de locations meublées ou de conventions spécifiques. Cette protection découle directement de la loi n°2008-496 du 27 mai 2008, qui interdit toute différenciation injustifiée dans l’accès ou les conditions du logement.
L’usage de contrats-types validés par l’État garantit :
- Une conformité réglementaire constante,
- Une protection contre les clauses abusives ou discriminatoires,
- Une traçabilité des conditions de location en cas de litige.
Sanctions et recours contre les discriminations dans le logement

Les discriminations dans le logement exposent les professionnels à de lourdes sanctions pénales selon l’article 225-2 du Code pénal. En effet, ils encourent jusqu’à trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende. Quant aux personnes morales, elles risquent 225 000 euros d’amende et une interdiction d’exercer selon l’article 9-21° de la loi n°70-9 du 2 janvier 1970.
Le Défenseur des droits est accessible gratuitement via le 39 28 ou la plateforme AntiDiscriminations.fr. Il peut proposer des règlements amiables, formuler des recommandations ou présenter des observations en justice.

La lutte contre les discriminations dans le logement constitue désormais un enjeu de professionnalisation incontournable. L’application rigoureuse de ces huit étapes permet aux professionnels de l’immobilier de sécuriser leurs pratiques tout en garantissant l’égalité d’accès au logement pour tous les candidats.
Source
Cet article s’appuie exclusivement sur les publications officielles du Défenseur des droits, autorité constitutionnelle indépendante spécialisée dans la lutte contre les discriminations.
Les informations proviennent principalement de deux publications de référence :
- “Louer sans discriminer – Un guide pour professionnaliser ses pratiques”, Défenseur des droits, 3ème édition, 2025, 71 pages.
- “8 étapes pour louer sans discriminer – Fiche pratique pour les professionnels“, Défenseur des droits, 2025, 2 pages.
FAQ – Discriminations dans le logement
Qu’est-ce qui constitue une discrimination dans le logement selon la loi ?
Une discrimination dans le logement se caractérise par un traitement différent entre candidats locataires fondé sur l’un des 25 critères protégés par la loi (origine, handicap, âge, sexe, situation familiale, etc.). Selon l’article 225-1 du Code pénal, il est interdit de refuser la location d’un logement pour ces motifs. La discrimination peut être directe (refus explicite) ou indirecte (critères apparemment neutres, mais désavantageux pour certains groupes).
Quels sont les principaux motifs de discrimination observés en 2024 ?
D’après les données du Défenseur des droits, le handicap représente 33% des discriminations signalées, suivi de l’origine (26%). Les autres motifs incluent la particulière vulnérabilité économique (6%), l’âge (4%), la nationalité (4%) et l’état de santé (3%). Ces statistiques révèlent la persistance des préjugés concernant la solvabilité présumée de certaines catégories de candidats.
Quelles sanctions risquent les professionnels qui discriminent ?
Les sanctions sont particulièrement lourdes : jusqu’à 3 ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende pour les personnes physiques selon l’article 225-2 du Code pénal. Les personnes morales (agences) risquent 225 000 euros d’amende. Les professionnels de l’immobilier peuvent également perdre leur carte professionnelle et être frappés d’interdiction d’exercer. Toute pièce justificative non autorisée par le décret de 2015 expose à 15 000 euros d’amende.
Comment un professionnel peut-il se prémunir contre les risques de discrimination ?
Le guide du Défenseur des droits recommande huit étapes essentielles : définir un engagement de non-discrimination avec clause au mandat, proposer des logements décents, respecter la liste légale des justificatifs, contrôler tous les intervenants du processus, rédiger des annonces neutres, garantir l’égalité de traitement, sélectionner selon des critères objectifs, et établir des baux conformes. De plus, l’utilisation de procédures-types et de tableaux de bord assure la traçabilité nécessaire.
Que faire en cas de suspicion de discrimination dans le logement ?
Les victimes peuvent saisir gratuitement le Défenseur des droits via le 39 28, la plateforme AntiDiscriminations.fr, ou l’un des 620 délégués territoriaux. L’institution propose différentes solutions : règlements amiables (31,7% des cas résolus), recommandations, observations en justice, ou transmission au parquet. Les professionnels peuvent également consulter l’ANIL pour des conseils juridiques préventifs et s’assurer de la conformité de leurs pratiques.