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Immobilier résidentiel : pourquoi la construction neuve ralentit-elle ?

Immobilier résidentiel : pourquoi la construction neuve ralentit-elle ?

Le rapport AEW Research Residential France publié en mars 2025 révèle une tendance préoccupante. En effet, la construction de logements neufs stagne, voire recule dans plusieurs pays européens. À partir de données comparatives entre 2007 et 2024, le document met en lumière les disparités en matière d’immobilier résidentiel, notamment entre la France, les Pays-Bas ou encore l’Espagne. L’indice de mises en chantier ou de livraisons affiche une baisse continue, en particulier depuis la crise de 2008. Ce ralentissement interroge : pénurie de foncier, hausse des coûts, encadrement réglementaire… quelles sont les vraies causes ? Et, surtout, quelles réponses envisager pour relancer l’immobilier résidentiel en Europe ?

Sommaire :

Un secteur en perte de vitesse depuis 2007

Une stagnation persistante de la construction neuve

Le rapport AEW Research Residential France, publié en mars 2025, tire la sonnette d’alarme. L’immobilier résidentiel traverse une crise durable. En effet, la production de logements neufs reste largement inférieure à son niveau d’avant-crise. En prenant 2007 comme base 100, le rapport montre que l’indice tombe à 75 pour la France et à 25 pour l’Espagne.

« Depuis la crise financière de 2008, la plupart des marchés résidentiels européens n’ont jamais retrouvé leur rythme de production initial » (AEW, 2025).

Cette tendance ne semble pas passagère. Les tentatives de relance post-Covid n’ont pas suffi à inverser la dynamique. Malgré la croissance démographique et l’urbanisation croissante, l’offre de logements reste insuffisante, aggravant la pression sur le parc immobilier existant. L’immobilier résidentiel peine à répondre à la demande, notamment dans les métropoles.

Des écarts marquants entre les pays européens

Les Pays-Bas, un modèle de dynamisme

Alors que la France semble figée, d’autres pays européens affichent des trajectoires très contrastées. Les Pays-Bas constituent un exemple à suivre. Leur indice de livraisons dépasse les 200 en 2024. Ce qui traduit une politique publique efficace et volontariste. En effet, le gouvernement néerlandais fixe des objectifs clairs et alloue des ressources massives à la production de logements, avec des procédures simplifiées et des partenariats structurés.

« Les Pays-Bas démontrent qu’un pilotage public fort peut faire toute la différence en matière d’immobilier résidentiel » (AEW, 2025).

L’Espagne et le Royaume-Uni, toujours en convalescence

À l’inverse, l’Espagne illustre une incapacité à rebondir depuis la crise de 2008. L’activité de construction neuve reste faible et peine à s’adapter aux besoins actuels. Le Royaume-Uni ne fait guère mieux, affecté par l’instabilité liée au Brexit et des politiques foncières peu incitatives. En comparaison, l’Allemagne connaît une croissance plus soutenue, portée par une planification urbaine solide et un marché du logement plus stable.

Évolution de la construction de logements en Europe (base 100 = 2007)
Évolution de la construction de logements en Europe (base 100 = 2007)

La France entre immobilisme et contraintes structurelles

La France, quant à elle, adopte une posture intermédiaire. Elle évite le décrochage total, mais ne parvient pas à redynamiser l’immobilier résidentiel. Et, cela, malgré les dispositifs de soutien comme le Pinel+ ou le prêt à taux zéro. En outre, ce manque de dynamisme alimente les tensions sur le marché locatif, notamment en Île-de-France, où la production recule de manière préoccupante.

« La stagnation du secteur résidentiel en France s’explique aussi par le recul des investisseurs institutionnels et la complexité du cadre réglementaire » (AEW, 2025).

Comprendre les freins à la production de logements

Le poids croissant des coûts de construction

Plusieurs obstacles structurels expliquent le ralentissement de l’immobilier résidentiel. En premier lieu, les coûts de construction connaissent une inflation continue. Ainsi, entre 2019 et 2023, le coût moyen d’un logement neuf augmente de 17 %, selon l’INSEE. Cette hausse résulte de la flambée des prix des matériaux, des difficultés d’approvisionnement post-pandémie et de la revalorisation des salaires dans le bâtiment. Elle réduit directement les marges des promoteurs. En conséquence, cette dynamique pèse fortement sur la faisabilité des projets de logements neufs.

« Les coûts de production limitent fortement les marges des opérateurs, particulièrement dans les zones urbaines tendues » (AEW, 2025).

Une réglementation de plus en plus contraignante

Les normes réglementaires pèsent également sur le secteur. Depuis janvier 2022, la norme RE2020 impose des standards élevés en matière de performance énergétique et d’empreinte carbone. Or, ces nouvelles exigences environnementales rallongent les délais de chantier et augmentent les coûts. Ces règles, bien qu’essentielles pour la transition écologique, compliquent la viabilité économique des projets.

« La RE2020 ajoute une couche de complexité aux projets résidentiels, sans qu’un mécanisme de compensation économique soit proposé » (AEW, 2025).

En parallèle, la loi ZAN (Zéro Artificialisation Nette), complique aussi la libération de foncier, notamment en périphérie des villes.

La pression foncière dans les zones urbaines

Le foncier, justement, représente un autre frein majeur. En Île-de-France, il constitue jusqu’à 40 % du prix total d’un logement neuf. Cette rareté renchérit les opérations, réduit la rentabilité et ralentit les mises en chantier. Le manque de terrains disponibles, combiné à des documents d’urbanisme peu flexibles, empêche l’adaptation rapide aux besoins locaux.

Immobilier résidentiel - La pression foncière dans les zones urbaines

Rendements locatifs et encadrement : un équilibre fragile

Les rendements de l’immobilier résidentiel sous pression

Le rapport AEW observe une baisse continue des rendements dans l’immobilier résidentiel. En 2024, le rendement net résidentiel à Paris atteint 3,0 %, contre 4,2 % à Berlin. Cette compression résulte d’une forte demande d’actifs sûrs et d’une valorisation accrue, notamment dans les capitales.

« Les rendements nets du résidentiel sont en repli dans la majorité des marchés matures, sous l’effet conjugué de la valorisation et de la régulation locative » (AEW, 2025).

Rendements nets de l'immobilier résidentiel en Europe (2024)
Rendements nets de l’immobilier résidentiel en Europe (2024)

L’encadrement des loyers, facteur dissuasif

Dans plusieurs métropoles européennes, des politiques d’encadrement des loyers sont mises en place pour freiner la hausse des prix. Bien que socialement justifiées, ces mesures limitent la capacité à rentabiliser les investissements immobiliers.

« Les mesures de régulation pèsent sur les flux de revenus futurs et complexifient l’équation financière des opérations » (AEW, 2025).

À Paris, Barcelone ou Amsterdam, ces dispositifs dissuadent certains investisseurs et freinent l’émergence de nouveaux projets.

Régimes d’encadrement des loyers dans les grandes villes européennes (2024)
Régimes d’encadrement des loyers dans les grandes villes européennes (2024)

Une recomposition des stratégies d’investissement

Face à cette situation, les stratégies évoluent. Le Build-to-Rent, les baux de courte durée et les logements étudiants apparaissent comme des alternatives. De plus, certains investisseurs déplacent leur capital vers des marchés moins régulés. Ils acceptent alors un risque plus élevé en échange d’un rendement supérieur.

« Le résidentiel reste un actif défensif, mais les investisseurs arbitrent de plus en plus en fonction du cadre réglementaire et fiscal » (AEW, 2025).

Quelles solutions pour relancer l’immobilier résidentiel ?

Pour redonner de l’élan à la construction de logements, plusieurs pistes sont explorées.

Alléger et simplifier les procédures

L’amélioration de l’efficacité administrative reste une priorité. En effet, la réduction des délais pour obtenir un permis de construire, notamment via la numérisation des démarches et la simplification des règles d’urbanisme, pourrait fluidifier le processus. À cet effet, AEW recommande l’automatisation des processus d’urbanisme et une simplification réglementaire.

« Le temps administratif pèse autant que le coût financier. Un choc de simplification est nécessaire pour débloquer la production » (AEW, 2025).

Mobiliser le foncier public et encadrer le prix des terrains

Par ailleurs, le rapport AEW insiste sur la nécessité de mobiliser les terrains publics disponibles, via des outils comme les établissements publics fonciers ou les foncières de portage. Ainsi, en mettant à disposition des terrains à prix maîtrisés, les collectivités peuvent stimuler les projets en zones tendues. L’exemple des Pays-Bas montre qu’un pilotage étatique fort, appuyé par des partenariats publics-privés, est capable de transformer la dynamique de l’immobilier résidentiel.

Favoriser l’innovation constructive

L’innovation technologique offre également des perspectives intéressantes. La construction modulaire, l’impression 3D et l’utilisation du BIM (maquette numérique) permettent de raccourcir les délais et de réduire les coûts tout en maintenant une haute qualité. Plusieurs expérimentations en France, menées notamment par Bouygues Immobilier et les bailleurs sociaux, montrent que ces solutions peuvent être déployées à grande échelle.

« La digitalisation et la préfabrication représentent une réponse crédible aux défis du logement de demain » (AEW, 2025).

Redonner confiance aux investisseurs

Enfin, le retour des investisseurs institutionnels dans le logement résidentiel est essentiel. Le rapport AEW préconise de créer un cadre fiscal stable et attractif pour ces acteurs, afin de sécuriser des volumes de production plus ambitieux et mieux adaptés à la demande. En effet, ces acteurs peuvent porter des projets d’envergure, à la fois abordables et durables.

Isabelle DAHAN

Isabelle DAHAN

Rédactrice en chef de Monimmeuble.com. Isabelle DAHAN est consultante dans les domaines de l'Internet et du Marketing immobilier depuis 10 ans. Elle est membre de l’AJIBAT www.ajibat.com, l’association des journalistes de l'habitat et de la ville. Elle a créé le site www.monimmeuble.com en avril 2000.

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