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Copropriété

Succession et héritiers : quelles obligations et recours en cas de dettes ?

Succession et héritiers : quelles obligations et recours en cas de dettes ?

Lorsqu’une succession s’ouvre, les héritiers doivent faire un choix crucial : accepter l’héritage, y renoncer ou l’accepter à concurrence de l’actif net. Mais, que se passe-t-il lorsqu’ils tardent à se prononcer ou qu’une dette importante pèse sur la succession ? Une récente décision de la Cour de cassation du 5 février 2025 clarifie les obligations des héritiers face aux dettes du défunt. En s’appuyant sur les articles 771 et 772 du Code civil, elle rappelle qu’un héritier sommé d’opter et restant silencieux est réputé acceptant pur et simple. Ce qui l’engage alors à régler les dettes successorales, même contre son gré. Cette décision soulève des questions essentielles sur les droits et responsabilités des héritiers en matière de succession. Quels sont les recours possibles en cas de dettes importantes ? Comment éviter d’être contraint à payer des charges imprévues ?

Sommaire :

Les règles de l’option successorale

Les trois choix possibles pour les héritiers

Lorsqu’un décès survient, les héritiers disposent de trois options prévues par l’article 768 du Code civil :

  • Accepter purement et simplement. Ils héritent de tous les biens, mais également des dettes du défunt.
  • Accepter à concurrence de l’actif net. Les héritiers ne paieront les dettes que dans la limite des biens transmis, ce qui protège leur patrimoine personnel.
  • Renoncer à la succession. Ils ne reçoivent rien, ni actif ni passif.

Succession et héritiers : quelles obligations et recours en cas de dettes ?

L’obligation de se prononcer sous sommation

Par ailleurs, l’article 771 du Code civil prévoit qu’un héritier ne peut être contraint à opter avant l’expiration d’un délai de quatre mois à compter de l’ouverture de la succession. Une fois ce délai passé, un créancier, un cohéritier ou même l’État peut lui adresser une sommation d’opter par acte extrajudiciaire, généralement via un huissier.

Quant à l’article 772 du Code civil, il précise que l’héritier sommé d’opter dispose d’un délai de deux mois pour prendre sa décision. À défaut de réponse dans ce délai, il est réputé acceptant pur et simple. Ce qui signifie qu’il devient pleinement responsable des dettes du défunt, même si celles-ci dépassent l’actif successoral.

Cette disposition vise à éviter les blocages successoraux et protéger les créanciers qui pourraient attendre indéfiniment le règlement des dettes.

“La loi accorde ainsi à l’héritier un délai qui, globalement, ne peut être inférieur à six mois et qui lui permet d’abord de prendre une exacte connaissance de la composition active et passive de la succession […], puis de réfléchir au meilleur parti à prendre.” – Mme LION, Conseillère Référendaire.

Les conséquences de l’acceptation forcée

L’héritier contraint de payer les dettes du défunt

L’arrêt rendu par la Cour de cassation du 5 février 2025 (1ère Civ., Pourvoi 22-22.618) illustre parfaitement le principe selon lequel le silence d’un héritier face à une sommation d’opter équivaut à une acceptation pure et simple de la succession.

Dans cette affaire, un syndicat de copropriété réclamait aux héritiers le règlement d’une dette de 91 545,25 euros, correspondant à des charges de copropriété impayées par le défunt. Afin d’obtenir un règlement rapide, le syndicat avait formellement sommé les héritiers de se prononcer sur leur choix successoral, conformément aux articles 771 et 772 du Code civil. Toutefois, ces derniers n’ont pas répondu dans le délai légal de deux mois, imposé après une sommation d’opter.
L’héritier contraint de payer les dettes du défunt
En conséquence, les héritiers ont été automatiquement réputés acceptants purs et simples, comme le prévoit l’article 772 du Code civil. Cette acceptation forcée les a rendus solidairement responsables du paiement des dettes successorales, y compris celles excédant l’actif de la succession.

L’arrêt de la Cour de cassation apporte également une clarification essentielle. Même si les héritiers ont tenté de renoncer à la succession après coup, cette démarche n’avait plus aucune valeur juridique. Une fois le délai écoulé, leur renonciation devenait inopérante et ne les dégageait plus de leur responsabilité financière.

“À défaut d’avoir pris parti à l’expiration du délai de deux mois, les héritiers ont perdu le droit de renoncer à la succession. Les actes de renonciation établis postérieurement étaient donc inopérants.” – Mme LION, Conseillère Référendaire.

Cet arrêt souligne ainsi l’importance, pour les héritiers, de réagir rapidement en cas de succession avec des dettes. Ainsi, un simple manque de diligence peut les contraindre à assumer des engagements financiers lourds, avec peu de recours possibles une fois le délai expiré.

Succession et héritiers
Un risque financier important pour les héritiers

Les recours possibles pour les héritiers

Demander un délai supplémentaire

Demander un délai supplémentaire
Notons que l’article 772 du Code civil permet aux héritiers de solliciter un délai supplémentaire auprès du juge s’ils justifient d’un motif sérieux et légitime :

  • Inventaire de la succession en cours,
  • Litige successoral,
  • Complexité du passif successoral.

Si cette demande est acceptée, le délai de deux mois est suspendu jusqu’à la décision du juge.

Prendre l’initiative de renoncer à la succession

Lorsqu’une succession s’ouvre, il est parfois préférable de ne pas accepter l’héritage, notamment en cas de passif successoral important. En effet, si le défunt laisse derrière lui des dettes supérieures aux actifs, les héritiers risquent de devoir les payer sur leurs propres fonds s’ils acceptent la succession sans précaution. Pour éviter une telle situation, la renonciation à la succession est une option prévue par le Code civil.

Une démarche encadrée par la loi

Les articles 804 et suivants du Code civil encadrent strictement la renonciation à la succession. Les héritiers doivent formaliser cette décision par une déclaration officielle et la déposer auprès du greffe du tribunal judiciaire du lieu d’ouverture de la succession. Ils doivent également respecter un formalisme précis, sous peine de voir leur renonciation contestée.

“L’héritier manifeste sa volonté de renoncer à la succession par une déclaration au greffe du tribunal judiciaire du lieu d’ouverture de la succession ou par acte notarié.” – Article 804 du Code civil.

Un effet immédiat et irrévocable

Une fois la renonciation enregistrée, l’héritier est considéré comme n’ayant jamais hérité. Cela signifie qu’il ne recevra aucun bien. Mais, il ne sera pas non plus responsable des dettes du défunt. Ce choix est définitif. Ainsi, les héritiers ne peuvent pas révoquer leur renonciation, sauf en cas de vice du consentement (erreur, dol, violence) ou si de nouveaux actifs apparaissent après coup. Si tous les héritiers renoncent, le tribunal considère alors la succession comme vacante et désigne un curateur pour la gérer (C. civ., art. 810-4).

Quels délais pour renoncer à une succession ?

Les héritiers disposent d’un délai légal de dix ans pour faire connaître leur choix (Code civil, art. 780). Cependant, en cas de sommation d’opter (notamment par un créancier), ce délai est réduit à deux mois. Passé ce délai, ils seront automatiquement réputés acceptants purs et simples (Code civil, art. 772).

“L’héritier qui n’a pas pris parti dans ce délai est réputé renonçant.” – Article 780 du Code civil.

Conséquences sur la transmission des dettes

Lorsqu’un héritier renonce, sa part ne disparaît pas. Elle est alors transmise aux autres héritiers selon l’ordre successoral. Si tous renoncent, la succession revient aux héritiers de rang subséquent (exemple : petits-enfants du défunt). À défaut, c’est l’État qui devient l’héritier en dernier recours, mais il ne paiera les dettes qu’à concurrence de l’actif successoral (Code civil, art. 810-1).

Ainsi, la renonciation à une succession est une solution efficace pour éviter des difficultés financières. Toutefois, cette décision ne doit pas être prise à la légère. Il est essentiel de l’envisager avec prudence, car elle est définitive et peut avoir des conséquences sur les autres héritiers. Pour éviter toute erreur, il est recommandé de se faire accompagner par un notaire. Ce professionnel pourra analyser en détail la situation et évaluer précisément les actifs et passifs du défunt. Ainsi, l’héritier pourra prendre une décision éclairée et adaptée à ses intérêts.

Faire appel à un mandataire successoral

En cas de conflit entre héritiers ou de situation successorale complexe, l’article 813-1 du Code civil permet aux créanciers ou aux héritiers de demander la nomination d’un mandataire successoral. Ce dernier aura pour mission d’administrer provisoirement la succession afin d’éviter tout blocage dans le règlement des biens et des dettes du défunt.

Lorsque personne ne se présente pour réclamer la succession et qu’elle est déclarée vacante, un curateur est alors désigné par le tribunal. Toutefois, son rôle est limité à l’actif successoral : il ne pourra régler les dettes du défunt que dans la limite des fonds disponibles (Code civil, art. 810-4).

Par ailleurs, le syndicat des copropriétaires, s’il est créancier du défunt, peut prendre l’initiative de demander la désignation d’un curateur à la succession (Code civil, art. 809-1). De même, en cas de passivité des héritiers, de mésentente ou d’opposition d’intérêts, le syndicat peut demander la nomination d’un mandataire successoral afin de garantir la gestion des dettes et éviter toute complication juridique (Code civil, art. 813-1).

Ces dispositions permettent ainsi aux héritiers, dans leur propre intérêt, d’être fixés dans des délais précis sur leurs intentions respectives relatives à la succession, en évitant les aléas et incertitudes résultant d’une instance judiciaire.” – Mme LION, Conseillère Référendaire.

Conclusion : un cadre strict pour protéger les créanciers

L’arrêt de la Cour de cassation du 5 février 2025 rappelle aux héritiers l’importance de réagir rapidement face à une succession. Ne pas répondre à une sommation d’opter peut entraîner une acceptation forcée et les contraindre à assumer des dettes lourdes. Ainsi, pour éviter ces désagréments, il est essentiel de bien s’informer et de consulter un notaire ou un avocat spécialisé en droit successoral.

Isabelle DAHAN

Isabelle DAHAN

Rédactrice en chef de Monimmeuble.com. Isabelle DAHAN est consultante dans les domaines de l'Internet et du Marketing immobilier depuis 10 ans. Elle est membre de l’AJIBAT www.ajibat.com, l’association des journalistes de l'habitat et de la ville. Elle a créé le site www.monimmeuble.com en avril 2000.

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