La transition énergétique du parc immobilier français se heurte à un obstacle majeur : le financement. Les contraintes normatives qui encadrent l’octroi de crédits empêchent, en effet, cet accompagnement. Cette problématique invite les banques à réfléchir à de nouvelles formes de financement, en considérant la valeur verte, la localisation et les coûts engendrés par le bien immobilier. Elles ont alors tout intérêt à étendre leur analyse au DPE des biens immobiliers et non plus seulement au profil d’un emprunteur. Dans ce contexte, peut-on envisager la création d’un taux d’usure vert majoré pour encourager le financement de la transition énergétique ?
Taux d’usure et transition énergétique : un levier de rationalisation du parc immobilier ?
Impact du taux d’usure sur les primo accédants
Le taux d’usure révisé mensuellement a atteint 3,87 % pour les prêts de moins de 20 ans. Et, il est à 4% pour les prêts de 20 ans et plus. Notons que la méthode de calcul du taux d’usure est inchangée depuis 1935. En effet, elle s’établit à partir de la moyenne des taux pratiqués sur les crédits décaissés par les banques le trimestre précédent, plus un tiers supplémentaire.
Cependant, avec des taux nominaux supérieurs à 3 % pour les prêts de plus de 20 ans, cette méthode de calcul met les emprunteurs en difficulté. En particulier, les primo-accédants avec peu d’apport et les personnes de plus de 45 ans, dont le coût de l’assurance est plus élevé.
Certes, le Gouverneur de la Banque de France a opté pour une approche prudente. Puisqu’il a choisi de maintenir cette méthode de calcul. Mais, faut-il réfléchir à une manière d’utiliser le taux d’usure ? Après tout, 8 français sur 10 recourent à un prêt immobilier pour acheter leur résidence principale. De fait, la distribution de crédits immobiliers a un rôle crucial à jouer. Or, les contraintes normatives entravent la transition énergétique.
Comment surmonter les contraintes normatives d’encadrement des crédits ?
Les principales difficultés pour accompagner les emprunteurs sont les normes en matière de taux d’usure et sa méthode de calcul inadaptée. De même, les règles édictées par le Haut Conseil de la Stabilité Financière limite l’endettement des ménages à 35%.
Résultat : 30 % des demandes de crédit immobilier ont été refusées en 2021. Le 1er janvier 2023, les biens les plus énergivores ne peuvent plus être mis en location. 2 millions de biens sont concernés, dont 1,7 million dans le parc privé.
La conséquence se fait également ressentir sur les financements de la transition énergétique du parc immobilier français. Ils restent insuffisants alors que l’on compte 4,8 millions de passoires thermiques. En 2021, seuls 57 117 biens ont bénéficié d’une rénovation énergétique globale.
En cela, précisons que les banques demandent une épargne résiduelle entre 10 % et 20 % du montant des travaux. Mais, par ailleurs, la baisse des factures d’énergie n’est pas estimée pour le calcul de l’endettement. MaPrimeRénov’ et les certificats d’économies d’énergie ne permettent pas de réduire suffisamment le reste à charge pour les ménages. Il est en moyenne de 53% après application des aides.
Mettre en place des règles incitatives qui favoriseront la transition énergétique
La transition énergétique des logements en France est un sujet crucial pour la lutte contre le changement climatique. Mais elle se heurte à un obstacle majeur : le financement. Les banques sont, en effet, limitées par les contraintes normatives qui encadrent l’octroi de crédits pour les rénovations énergétiques. Ce qui entrave la transition. Toutefois, des solutions innovantes existent pour encourager le financement durable de la transition énergétique.
Selon Sophie Ho Thong, Directrice Juridique et de la Stratégie de Finance Conseil, nous devons atteindre l’objectif de neutralité carbone projeté par le gouvernement d’ici 2050. Pour cela, il devient urgent de mettre en place des règles incitatives qui favoriseront la transition énergétique.
“Je propose la création d’un taux d’usure vert majoré pour le financement de l’achat des biens dont le DPE est noté A, B ou C. Mais également pour des biens dont les travaux de rénovation énergétique sont inclus dans le plan de financement. Toutefois, les emprunteurs devront s’engager à les réaliser dans un délai de 18 mois.” -Sophie Ho Thong.
Cela ouvre la voie à un cercle vertueux. On stimule ainsi l’achat de bien à faible consommation énergétique et la rénovation des biens énergivores. Le coût des dépenses contraintes en énergie peut être multiplié par six entre un bien énergivore et un bien à faible consommation. Un tel impact sur la solvabilité de l’emprunteur est considérable. Les banques ont donc tout intérêt à s’engager dans cette démarche. Elles pourraient alors étendre leur analyse au DPE des biens immobiliers et non plus uniquement au profil d’un emprunteur.
Considérer la valeur verte du bien dans l’octroi d’un crédit immobilier
Deux mesures conjuguées pourraient nous permettre d’atteindre notre objectif :
- les établissements bancaires pourraient offrir un taux préférentiel pour le crédit.
- le taux d’usure vert majoré s’appliquerait pour l’achat d’un bien à faible consommation énergétique. Ou lorsque l’acquéreur s’engage à réaliser des travaux dans un délai limité pour atteindre la note A ou B.
“ La prise en compte de la valeur verte du bien dans l’octroi d’un crédit immobilier permettrait ainsi de favoriser la vente de biens à faible dépense énergétique. Et donc inciterait la rénovation des biens par les propriétaires.” – Sophie Ho Thong.
De plus, cela permettra également de réguler les prix de l’immobilier en orientant la demande vers des biens à basse consommation ou des biens à rénover. L’objectif étant d’atteindre la note A, B ou C. Les établissements de crédit doivent être au cœur de la régulation des prix de l’immobilier et de la rénovation énergétique. En cela, un accompagnement de l’État par la création d’un taux d’usure vert majoré est plus que nécessaire pour devenir une nation verte.
La transition énergétique au cœur des préoccupations du développement durable
La transition énergétique de l’habitat français est au cœur des préoccupations du développement durable. Cependant, le financement est un obstacle majeur à cette transformation. Les contraintes normatives freinent les banques dans leur accompagnement. Face à cette problématique, les établissements financiers sont appelés à réfléchir à de nouvelles formes de financement pour encourager la transition énergétique.
La ville de Paris, en référence à son engagement climatique, participe activement à la préparation de solutions pour avancer dans cette direction. L’agence parisienne du climat organise un événement dédié à la transition énergétique des copropriétés le mercredi 12 avril prochain, au sein de l’Hôtel de Ville.
Le Forum Habiter Durable 2023 est le rendez-vous de référence pour la rénovation des copropriétés sur le territoire de la Métropole du Grand Paris. L’accueil est ouvert à tous. De plus, un programme riche et varié est proposé : conférences, salons, forums, ateliers, etc. Des références en matière de gestion de l’énergie et d’aménagement du territoire seront présentes pour présenter les pratiques d’une ville plus durable. Les agences de gestion d’immeubles, les CAUE, et les bureaux d’études seront présents pour partager leurs compétences en matière d’urbanisme et d’aménagement du territoire.
Pour participer à cet événement, il est possible de s’inscrire gratuitement sur le site Eventbrite.