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Vie pratique

Déménagement en France : l’Ouest et le périurbain plébiscités

Déménagement en France : l’Ouest et le périurbain plébiscités

Les Français déménagent de moins en moins. Selon l’enquête Insee Première n°2073 publié en septembre 2025, le taux de mobilité résidentielle a chuté de 10,8% à 8,8% entre 2013 et 2023. Soit une baisse de 15% en dix ans. Pourtant, derrière ce recul se cache une révolution géographique majeure. Paris se vide au profit de l’Ouest de la France, les métropoles perdent des habitants tandis que les espaces périurbains explosent. La Bretagne, l’Occitanie et la Nouvelle-Aquitaine captent massivement de nouveaux résidents, alors que l’Île-de-France perd chaque année près de 8 habitants sur 1 000 à cause des déménagements. Télétravail, quête de qualité de vie, prix de l’immobilier : quels sont les vrais moteurs du déménagement en France ?


Sommaire :


À retenir – Déménagement en France

  • Le nombre de déménagements chute de 6,95 millions en 2013 à 5,91 millions en 2023.
  • Les régions Bretagne, Occitanie et Nouvelle-Aquitaine gagnent plus de 5 habitants pour 1 000.
  • L’Île-de-France perd 8 habitants pour 1 000 en moyenne sur dix ans.
  • La distance médiane de déménagement passe de 17 km avant 2019 à 18,8 km en 2023.
  • Les plus de 65 ans, moins mobiles (moins de 3%), représentent 14% de la baisse globale des déménagements sur la décennie.

Pourquoi les Français déménagent-ils moins qu’avant ?

Le déménagement en France enregistre un recul historique. En dix ans, le nombre de personnes changeant de résidence principale a fortement diminué. En 2023, seules 5,9 millions de personnes ont déménagé, contre près de 7 millions en 2013, selon les enquêtes annuelles de recensement de la population de l’Insee (2014 et 2024).

Cette baisse concerne avant tout les déménagements de proximité. Les mobilités au sein d’une même commune chutent de 20,9 %, passant de 2,497 millions à 1,974 million de personnes. Les déménagements entre communes d’un même département reculent de 13,3% (de 2,564 millions à 2,222 millions). Tandis que ceux vers un autre département diminuent de 9,3% (de 1,890 million à 1,715 million).

Le taux de mobilité résidentielle suit la même tendance. Entre 2013 et 2023, il passe de 3,9% à 2,9% à l’intérieur des communes. Il est de 4,0% à 3,3% entre communes d’un même département, et de 2,9% à 2,5% entre départements différents.

Ces données, issues du document Insee Première n° 2073 publié en septembre 2025, dressent un constat clair. En effet, la mobilité résidentielle des Français se contracte sur l’ensemble du territoire, hors Mayotte, confirmant une tendance durable à la sédentarisation.

Baisse généralisée du déménagement en France sur dix ans
Baisse généralisée des déménagements en France sur dix ans

La crise sanitaire a-t-elle modifié les habitudes de déménagement ?

Contrairement aux idées reçues, la crise sanitaire n’a pas interrompu la baisse continue des déménagements en France. En revanche, elle a modifié leur nature, en augmentant la distance parcourue lors des changements de logement. Avant 2019, la distance médiane entre les communes de départ et d’arrivée se situait autour de 17 km. Elle passe à 18,6 km en 2021, puis à 18,8 km en 2023, selon les données de l’Insee. Cette évolution traduit un éloignement progressif des ménages lors du déménagement.

Pour un quart des personnes changeant de commune (troisième quartile), la distance franchie dépasse désormais 105 km en 2021, contre 88 km seulement en 2019. Ce bond illustre la montée en puissance des déménagements longue distance. Le développement du télétravail et l’essor des modes de vie hybrides ont offert aux Français une plus grande liberté géographique. Ils peuvent désormais s’éloigner de leur bassin d’emploi tout en conservant leur activité. Cette tendance s’observe dans toutes les catégories : actifs, chômeurs, retraités ou inactifs.

Pour autant, la crise sanitaire n’a pas inversé la tendance baissière des mobilités de proximité. Le taux de mobilité infra-communale poursuit sa baisse entamée depuis 2015, tout comme celui des déménagements intra-départementaux, en recul depuis 2017.

Distance médiane des déménagements entre communes (2019-2023) - déménagement en France
Distance médiane des déménagements entre communes (2019-2023)

Qui sont les personnes qui déménagent le plus ?

Les chômeurs restent, de loin, les plus mobiles selon l’enquête annuelle de recensement 2024. Leur taux de déménagement dépasse nettement celui des actifs occupés.

De même, les personnes vivant seules continuent également à changer plus souvent de logement. En 2023, 11,2% d’entre elles ont déménagé, contre 13,4% en 2013. Ce recul illustre une tendance générale à la sédentarisation, même dans les profils historiquement mobiles.

La composition du ménage joue un rôle déterminant. Le desserrement des ménages – c’est-à-dire la baisse du nombre de personnes par foyer – influence directement la mobilité résidentielle. Les couples sans enfants affichent un taux de 8,1% en 2023, contre 6,9% pour les couples avec enfants. En effet, la naissance d’un enfant demeure un déclencheur majeur. Ainsi, 17,3% des adultes vivant dans un foyer ayant accueilli un bébé né après le 1er janvier 2023 ont déménagé au cours de l’année. Les adultes de familles monoparentales se montrent également plus mobiles que la moyenne nationale.

Globalement, la baisse du taux de mobilité résidentielle entre 2013 et 2023 touche tous les types de ménages. Cependant, elle reste moins marquée pour les couples sans enfants, dont la mobilité s’était temporairement renforcée pendant la pandémie, avant de revenir à un niveau proche de la période pré-Covid.

Taux de mobilité selon le type de ménage (2013 vs 2023)
Taux de mobilité selon le type de ménage (2013 vs 2023)

Quelles régions attirent le plus de nouveaux habitants ?

L’arc atlantique et le Grand Ouest confirment leur fort pouvoir d’attraction. Entre 2013 et 2023, les régions Bretagne, Occitanie et Nouvelle-Aquitaine enregistrent les plus forts gains de population liés aux flux migratoires internes. Selon l’Insee, ces territoires gagnent plus de 5 habitants pour 1 000 résidents chaque année grâce aux mobilités résidentielles. Cette dynamique démographique traduit une attirance durable pour les régions de l’Ouest et du Sud-Ouest.

La Bretagne illustre particulièrement cette tendance. Depuis 2013, la Bretagne, l’Occitanie et la Nouvelle-Aquitaine n’ont jamais perdu de population du fait des mobilités internes. Ainsi, chaque année, le nombre d’arrivées dépasse celui des départs, sans aucun essoufflement observé.

Les Pays de la Loire affichent également un solde migratoire positif sur dix ans. Toutefois, leur attractivité s’est légèrement érodée depuis la crise sanitaire.

Dans l’ensemble, cette préférence pour la façade atlantique et le Sud-Ouest s’inscrit dans une tendance structurelle de long terme, amorcée depuis plusieurs décennies. Elle confirme le rééquilibrage géographique durable du peuplement français au profit des régions littorales et ensoleillées.

Impact des mobilités résidentielles sur la population par région (2013-2023)
Impact des mobilités résidentielles sur la population par région (2013-2023)

Pourquoi l’Île-de-France perd-elle autant d’habitants ?

L’Île-de-France subit une véritable hémorragie démographique liée aux mobilités résidentielles. En 2013, la région perdait déjà 4 habitants pour 1 000 résidents du fait des départs vers d’autres régions. Au plus fort de la crise sanitaire, en 2021, cette perte atteint un niveau record de 13 pour 1 000. En 2023, la situation s’améliore légèrement, mais le solde migratoire demeure négatif, autour de –8 pour 1 000, soit un retour au niveau de 2019.

Sur la période 2013–2023, l’Île-de-France enregistre chaque année un déficit moyen de -8,4 habitants pour 1 000 résidents du fait des mobilités internes. Cette fuite s’explique par une combinaison de facteurs structurels : tension immobilière, prix élevés, densité urbaine et quête d’une meilleure qualité de vie. En effet, les prix immobiliers franciliens, parmi les plus élevés d’Europe, agissent comme un frein majeur à l’accession à la propriété. Ce facteur accentue encore la fuite des ménages modestes et des classes moyennes vers des territoires plus abordables.

De plus en plus de ménages choisissent de quitter la capitale pour s’installer dans la couronne francilienne ou dans des régions plus éloignées, où le coût du logement et le cadre de vie se révèlent plus attractifs. Les Hauts-de-France subissent eux aussi une perte démographique, bien que moins marquée que celle observée en Île-de-France. Les régions d’outre-mer, notamment la Guyane, voient également leur solde migratoire interne se dégrader au fil de la décennie.

Quelles régions voient leur attractivité progresser ?

En dix ans, deux régions françaises changent radicalement de trajectoire démographique. La Bourgogne-Franche-Comté, qui affichait un solde migratoire négatif en 2013 (-1,0 pour 1 000 habitants), présente désormais un solde positif de +3,5 pour 1 000 en 2023. Ce retournement s’explique avant tout par une baisse marquée des départs vers d’autres régions.

La Normandie suit la même tendance. Son attractivité résidentielle s’est nettement renforcée : l’effet des mobilités passe de –1,4 ‰ en 2013 à +1,6 ‰ en 2023, selon l’analyse tendancielle par régression linéaire réalisée par l’Insee.

Ces régions en reconquête démographique tirent profit de leur proximité avec l’Île-de-France et de leur marché immobilier plus accessible. Ainsi, elles attirent de plus en plus de primo-accédants en quête d’un cadre de vie équilibré et de prix abordables.

La périurbanisation s’accélère-t-elle vraiment ?

Les espaces périurbains et les couronnes urbaines sortent grands gagnants des mobilités résidentielles. En 2023, ces territoires gagnent 6,9 habitants pour 1 000, soit 2,9 de plus qu’en 2013.

Cette dynamique démographique confirme un gradient de densité inversé, favorable aux zones de moindre densité. En d’autres termes, plus on s’éloigne des grands centres urbains, plus la croissance démographique s’intensifie. Les grandes villes denses et les pôles d’emploi subissent, à l’inverse, une perte continue de population au profit de leur périphérie résidentielle. Le pôle de Paris illustre ce mouvement. Puisque son déficit migratoire s’est creusé, passant de -5,0 pour 1 000 habitants en 2013 à -10,2 pour 1 000 en 2023.

Les autres pôles urbains majeursLyon, Lille ou Tours – suivent une trajectoire similaire. Leur solde migratoire passe de -2,3 pour 1 000 à -4,7 pour 1 000, avec un point bas en 2021 à -6,8 pour 1 000.

Fait notable : près d’un quart des mobilités entre communes s’effectuent entre zones urbaines denses. Cependant, malgré ces échanges internes, ces communes perdent globalement de la population au profit des espaces périurbains. Ce mouvement confirme le phénomène de périurbanisation observé depuis la fin des années 1960. Il traduit une recomposition silencieuse du territoire français, où la quête d’espace, de nature et de logement abordable redessine la géographie résidentielle du pays.

Impact des mobilités selon la densité des territoires (2013 vs 2023)
Impact des mobilités selon la densité des territoires (2013 vs 2023)

Les villes moyennes résistent-elles mieux ?

Les pôles urbains de densité intermédiaire, comme Avignon, Saint-Nazaire, Cholet ou Lannion, renversent la tendance. En 2013, ils perdaient davantage d’habitants que les grandes métropoles (-6,3 pour 1 000 contre -2,3 pour 1 000 pour les pôles urbains denses hors Paris). Depuis 2019, leur attractivité territoriale s’améliore nettement. Leur solde migratoire devient même positif en 2022 (+1,4 pour 1 000), avant de redevenir légèrement négatif en 2023 (-1,7 pour 1 000).

Cette inversion de tendance montre que les territoires du continuum urbain-rural moins densément peuplés affichent désormais des soldes migratoires plus élevés que les pôles les plus denses. Ces villes moyennes offrent un compromis attractif entre services urbains et cadre de vie de qualité. Ainsi, elles répondent aux nouvelles stratégies résidentielles des Français en matière de déménagement.

Vers quels types de territoires les Français déménagent-ils ?

En 2013 comme en 2023, plus de la moitié des déménagements entre communes s’effectuent vers des territoires de densité équivalente. Toutefois, la part des mobilités vers des communes moins denses progresse sensiblement. Entre 2013 et 2019, cette part gagne 0,5 point, avant de s’accélérer pendant la crise sanitaire pour atteindre 27,2% en 2023, soit 1,6 point de plus qu’en 2013. Cette évolution traduit un désir croissant de cadre de vie plus aéré, particulièrement marqué depuis la pandémie.

En 2023, 499 000 personnes quittent une zone rurale ou intermédiaire pour s’installer dans un pôle urbain dense (dont Paris). Elles étaient 618 000 en 2013, soit une baisse proche de 20%. À l’inverse, 449 000 personnes déménagent d’une commune urbaine vers une commune rurale périurbaine, soit une diminution limitée à 1,5% sur dix ans. Dans le même temps, 276 000 habitants quittent un pôle urbain dense pour s’installer dans une couronne urbaine, soit une baisse de seulement 3,8% par rapport à 2013.

Ainsi, même si les mobilités résidentielles entre communes reculent globalement, les déménagements vers des zones moins denses résistent mieux que ceux à destination des centres urbains. Ce mouvement confirme une préférence durable pour les territoires périurbains et ruraux.

L’âge influence-t-il encore le déménagement en France ?

Les jeunes de 19 ans constituent une exception notable dans l’évolution des mobilités résidentielles. Ils sont les seuls à ne pas connaître de baisse de leur taux de mobilité entre 2013 et 2023. L’année du baccalauréat et de l’entrée dans l’enseignement supérieur marque un pic de décohabitation. Ainsi, en 2023, 16,9% des jeunes de cet âge ont déménagé vers une autre commune. Ce mouvement s’observe particulièrement dans les zones moins denses.

La mobilité des jeunes adultes se poursuit ensuite autour de 25 ans. En 2023, 18,1% d’entre eux changent de commune, contre 20,1% en 2013. Cette phase correspond à la fin des études et à l’entrée sur le marché du travail. En effet, ces déménagements sont souvent dictés par la recherche d’un emploi, parfois éloigné du lieu de formation. Ils sont en revanche facilités par la hausse du niveau de vie liée à l’insertion professionnelle, surtout après des études longues.

Le taux de mobilité résidentielle atteint son maximum à 25 ans, avant de diminuer progressivement jusqu’à la retraite, où il connaît un léger rebond. Ce rebond intervient plus tardivement en 2023 qu’en 2013, en raison de l’allongement de la durée d’activité et de l’élévation de l’âge moyen de départ à la retraite.

Le vieillissement de la population explique-t-il la baisse globale ?

Le vieillissement démographique explique à lui seul 14% de la baisse totale des mobilités résidentielles observée entre 2013 et 2023. Les séniors de 65 ans et plus affichent un taux de mobilité inférieur à 3%. Leur poids croissant dans la population fait donc mécaniquement reculer le taux global de déménagement en France.

Cependant, cette baisse de la mobilité ne concerne pas uniquement les plus âgés. Elle touche toutes les classes d’âge, à l’exception des lycéens de 19 ans. Plusieurs facteurs structurels expliquent cette tendance : contraintes financières des ménages, tension immobilière persistante, et baisse de la natalité, qui réduit les situations de décohabitation ou d’agrandissement de logement.

Isabelle DAHAN

Isabelle DAHAN

Rédactrice en chef de Monimmeuble.com. Isabelle DAHAN est consultante dans les domaines de l'Internet et du Marketing immobilier depuis 10 ans. Elle est membre de l’AJIBAT www.ajibat.com, l’association des journalistes de l'habitat et de la ville. Elle a créé le site www.monimmeuble.com en avril 2000.

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