La Banque centrale européenne (BCE) a créé la surprise en abaissant son principal taux directeur à 0% afin lutter contre la déflation dans la zone euro. Une mesure exceptionnelle qui devrait inciter les banques à prêter davantage mais c’est sans compter le renforcement des contraintes de fonds propres imposé par le Comité de Bâle.
Alors qu’on ne s’y attendait pas, la BCE a abaissé son principal taux directeur de 0,05 point à 0%, un niveau jamais atteint. Elle a également abaissé de 0,10 point son taux de dépôts qui tombe ainsi à -0,40% afin d’inciter les banques à prêter au lieu de placer leurs liquidités au sein de l’Institution.
La BCE a également annoncé le renforcement son programme de rachat d’actifs (Quantitative Easing) le portant à 80 milliards par mois. Cette action forte et inattendue confirme ainsi la volonté de Mario Draghi, président de la BCE, d’agir face au risque de déflation dans la zone euro et de faciliter la reprise économique en Europe en relançant le crédit, mais pourrait à terme peser sur la rentabilité des banques.
« Théoriquement, cette nouvelle baisse généralisée des taux de la Banque centrale européenne est une très bonne nouvelle qui devrait conduire à de nouvelles baisses des taux de crédit. Mais dans les faits, ces mesures pourraient peser sur la rentabilité des banques : en effet, si dans un contexte de taux très bas les banques parviennent à dégager des marges convenables via le crédit en refinançant les prêts qu’elles accordent à des taux nuls, elles ont de plus en plus de mal à gagner de l’argent avec les liquidités de leurs clients qu’elles replacent, tout en rémunérant cette épargne à des taux plus élevés…», explique Jérôme Robin, président et fondateur de Vousfinancer.com.
Si les mesures exceptionnelles prises par la BCE devraient inciter les banques à prêter davantage, l’impact de celles-ci pourraient être affaibli par les recommandations du Comité de Bale qui pourraient réduire les marges de manœuvre des banques en matière de distribution de crédits.
En effet, le Comité de Bale, organisme régulant le système bancaire européen, souhaiterait contraindre les banques à renforcer leurs fonds propres pour limiter les risques liés à l’octroi des prêts les plus « tendus » – c’est-à-dire avec peu ou pas d’apport – ce qui augmenterait le coût de ces crédits pour les banques, les incitant à en réduire la distribution. « Les recommandations du comité de Bâle vont, à l’inverse, dans le sens d’une dégradation de la distribution de crédit en raison de l’alourdissement des contraintes imposées aux banques et du coût ainsi engendré », explique Sandrine Allonier, directrice des relations banques de Vousfinancer.com.
En outre, ce contexte de taux de refinancement très bas relance le débat sur la possible disparition du modèle de distribution français à taux fixes. Le Comité de Bâle préconise en effet une distribution de crédit à taux variables afin de transférer le risque de remontée des taux à l’emprunteur et non plus aux seules banques. Or compte tenu de l’aversion des Français pour les prêts à taux variables, la distribution de crédit serait fortement impactée par un tel bouleversement.
Les primo-accédants aux revenus modestes et les jeunes ménages seraient donc les principaux concernés et « victimes » de cette nouvelle norme de même que les opérations locatives en défiscalisation sans apport. Cette recommandation pourrait dissuader les banques françaises de distribuer ce type de prêts et pénaliserait une relance durable du logement en France.
Selon Philippe Taboret, Président de l’APIC : « l’enjeu de Bâle IV est ni plus ni moins d’aligner la pratique bancaire française sur celle des pays anglo-saxons, Etats-Unis et Grande-Bretagne en tête. Les banques françaises n’ont pourtant pas à rougir de leurs pratiques, elles qui connaissent un taux de défaillance des emprunteurs presque dix fois inférieur à celui constaté aux Etats-Unis. C’est sur la capacité de remboursement de l’emprunteur que le prêteur se fonde avant tout, la valeur du bien financé ne venant qu’en second rang. Tout le contraire de la pratique anglo-saxonne ! »
« Bien que les banques françaises côtoient les banques anglo-saxonnes et européennes, cette spécificité française perdure. « Cela démontre donc bien deux choses : la volonté des Français de conserver leur bien et de rembourser leurs échéances coûte que coûte et un risque maîtrisé en amont par les banques, avec un monde bancaire extrêmement bien structuré et en avance sur son temps. Pourquoi dans ces conditions émettre une recommandation auprès des banques de l’Hexagone, qui ont toutes anticipé la chose ? », Commente Sylvain Lefèvre, Président de La Centrale de Financement.
« Malgré des taux de refinancement nuls, les banques doivent actuellement résoudre une équation compliquée : prêter davantage mais avec des contraintes prudentielles qui pourraient être renforcées, capter davantage d’épargne à un coût relativement élevé et maintenir une rentabilité garantissant la pérennité de leur activité tout en restant compétitives », conclut Sandrine Allonier.
De leur côté, Les Fédérations professionnelles LCA-FFB, FNAIM, FPI ont souhaité alerter les Pouvoirs publics sur les conséquences que de nouvelles normes prudentielles pourraient avoir sur la relance du logement en France. Elles invitent instamment les Autorités françaises à soutenir la spécificité du financement du logement en France afin qu’il ne soit pas pénalisé par ce projet de recommandation du Comité de Bâle. Il en va de la poursuite d’une relance durable du logement, indispensable pour satisfaire les besoins en logement de nos concitoyens et pour la reprise de l’économie ainsi que celle de l’emploi.