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Comment renforcer la lutte contre les baux frauduleux en France ?

Comment renforcer la lutte contre les baux frauduleux en France ?

Depuis 2022, une expérimentation conduite dans les Pyrénées-Atlantiques met en lumière un levier concret pour la lutte contre les baux frauduleux. Saisie par le député Lionel Causse, l’Assemblée nationale a publié la question écrite n° 5012 (JO du 18 mars 2025) et la réponse du ministère du Logement (JO du 10 juin 2025), qui cadrent les options. En effet, il est question d’élargir les commissions départementales de conciliation (CDC) ou encourager la duplication de comités territoriaux. L’objectif affiché : protéger les locataires et accélérer le traitement des fraudes, sans alourdir la machine administrative.


Sommaire :


Pourquoi la lutte contre les baux frauduleux devient une urgence nationale ?

Baux frauduleux : un fléau aux multiples visages

La lutte contre les baux frauduleux cible un large éventail de pratiques abusives. Parmi, celles-ci, on observe :

  • des clauses illégales insérées dans le contrat,
  • un loyer manifestement excessif,
  • un logement indécent proposé à prix fort,
  • ou encore des baux déguisés destinés à contourner les règles en vigueur.

Dans une question adressée à la ministre déléguée au Logement, Lionel Causse insiste sur la nécessité de renforcer la lutte contre les baux frauduleux. À cet effet, il avance deux pistes concrètes :

  • Étendre les compétences des Commissions Départementales de Conciliation (CDC) via la modification du décret n° 2001-653.
  • Créer des comités territoriaux dans chaque département, sur le modèle déjà expérimenté dans les Pyrénées-Atlantiques.

Objectif affiché : traiter plus efficacement les litiges et mieux protéger les locataires victimes de bailleurs indélicats.

Pourquoi la lutte contre les baux frauduleux devient une urgence nationale ?

Accélérer la détection et la résolution des litiges

Cette montée en puissance répond à un constat préoccupant. En effet, les victimes se trouvent souvent démunies face aux abus, et les procédures judiciaires restent longues et complexes.
Or, pour être réellement efficace, la lutte contre les baux frauduleux doit donc s’appuyer sur :

  • Une détection rapide des infractions,
  • Une orientation claire des dossiers vers les instances compétentes,
  • Une coordination renforcée entre les acteurs locaux.

C’est précisément ce que l’expérimentation menée dans les Pyrénées-Atlantiques a cherché à démontrer. Puisqu’elle visait à centraliser les signalements, fluidifier les échanges entre services et agir rapidement pour limiter les préjudices subis par les locataires.

Quels enseignements tirer de l’expérimentation des Pyrénées-Atlantiques ?

Une chaîne opérationnelle courte et inter-acteurs

Le comité territorial associe services de l’État, parquet et acteurs locaux (associations, professionnels), ce qui raccourcit le circuit de traitement : signalement, qualification, action.

Le député Lionel Causse affirme : « L’expérimentation menée dans les Pyrénées-Atlantiques a permis de traiter efficacement plusieurs cas de fraudes. Son bilan, particulièrement encourageant, démontre que la lutte contre les baux frauduleux gagne en réactivité lorsqu’elle est pilotée au plus près du terrain. »

Un feu vert… mais pas de modèle imposé

Côté gouvernement, la réponse salue l’initiative : le succès du comité territorial démontre qu’il est possible d’obtenir des résultats sans cadre légal spécifique. Cependant, le ministère précise vouloir accompagner plutôt que décréter : la création descendante pourrait être perçue comme une « complexification malvenue ». Concrètement, le ministère encourage plutôt la lutte contre les baux frauduleux via des comités là où les acteurs s’engagent, au lieu d’imposer un moule uniforme.

Faut-il élargir les missions des commissions départementales de conciliation (CDC) ?

Ce que dit la loi aujourd’hui

L’article 20 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 prévoit la création, dans chaque département, d’une Commission Départementale de Conciliation (CDC). Sa mission première : faciliter le dialogue entre bailleur et locataire afin de régler un litige locatif sans passer par la voie judiciaire.

À cet effet, la mission des CDC est strictement encadrée par la loi. Pour qu’elles puissent traiter les baux frauduleux en tant que tels, il serait nécessaire d’ajuster ce cadre juridique. En outre, cette évolution permettrait d’intégrer à leur compétence les situations impliquant clauses abusives, loyers illégaux ou logements indécents.

Composées à parité de représentants des locataires et de représentants des bailleurs, les CDC ne rendent pas de décision en droit. Leur rôle est donc d’aider les parties à trouver un accord en équité. C’est-à-dire en recherchant une solution équilibrée et pragmatique qui satisfasse les deux camps. Ainsi, en élargissant leur champ d’action, les CDC pourraient devenir un levier de prévention et de résolution rapide dans la lutte contre les baux frauduleux.

La compétence exclusive du juge pour qualifier un bail frauduleux

La réponse ministérielle ne laisse aucune ambiguïté : « L’analyse juridique des termes du contrat de bail relève du travail du juge ». Seul ce dernier est habilité à apprécier la nature frauduleuse d’un bail et à statuer sur les sanctions éventuelles. En clair, même si leurs compétences venaient à être élargies, les Commissions Départementales de Conciliation resteraient des instances de médiation locative. Et, leur mission continuerait de se limiter à faciliter un accord à l’amiable entre bailleur et locataire, sans pouvoir rendre de décision juridique contraignante.

La qualification d’un bail frauduleux demeurerait ainsi de la compétence exclusive du tribunal judiciaire, garant du respect du droit et de l’équité dans les litiges locatifs.

Ajuster le décret de 2001 : quels effets concrets ?

La proposition parlementaire vise donc à une modification du décret n° 2001-653 afin d’intégrer explicitement les litiges liés aux baux frauduleux dans le champ des CDC. Ce qui conduirait à un pré-tri plus fin des dossiers, une conciliation plus précoce sur les clauses litigieuses et une orientation rapide vers le juge quand la fraude est plausible.

Comparaison CDC et comité territorial - lutte contre les baux frauduleux
Comparaison CDC et comité territorial

Vers une méthode nationale souple pour la lutte contre les baux frauduleux ?

Deux leviers complémentaires, une même finalité

Le cœur de la stratégie tient donc en deux leviers :

  1. Étendre les compétences des CDC (par la loi / le décret) pour cadrer la conciliation des litiges renvoyant à des baux frauduleux ;
  2. Favoriser la création de comités territoriaux à l’initiative des acteurs, sans les imposer, pour consolider la coordination justice-administration-terrain.

Gouverner par la preuve

Le ministère invite donc à laisser l’appréciation aux acteurs de terrain et à accompagner ce qui fonctionne. C’est une logique de gouvernance par l’évidence. On documente les résultats (délais, taux d’accord, orientation vers le juge), puis on essaime. Pour que la lutte contre les baux frauduleux y gagne en efficacité et en lisibilité pour l’usager : qui fait quoi, à quel moment, avec quelle issue ?

Leviers et effets attendus
Leviers et effets attendus

Le message gouvernemental est cohérent : encourager ce qui marche, éviter d’ajouter des normes qui ralentiraient l’action, et réaffirmer la place du juge dès qu’il s’agit de qualifier la fraude.


Sources

Isabelle DAHAN

Isabelle DAHAN

Rédactrice en chef de Monimmeuble.com. Isabelle DAHAN est consultante dans les domaines de l'Internet et du Marketing immobilier depuis 10 ans. Elle est membre de l’AJIBAT www.ajibat.com, l’association des journalistes de l'habitat et de la ville. Elle a créé le site www.monimmeuble.com en avril 2000.

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