L’arrêt de la Cour de cassation du 16 octobre 2025 (pourvoi n° 23-19.843) apporte une clarification majeure sur les droits des copropriétaires. Un propriétaire peut-il agir seul en justice sans l’accord du syndic ? Cette question divise régulièrement les copropriétés françaises. L’affaire oppose des copropriétaires grenoblois victimes de nuisances causées par des locations meublées de courte durée. Les demandeurs contestaient la recevabilité de l’action individuelle d’un copropriétaire menée sans information préalable du syndic. La troisième chambre civile tranche définitivement cette controverse procédurale. Cette décision redéfinit l’équilibre entre autonomie individuelle et gestion collective en copropriété. Elle offre une sécurité juridique précieuse aux copropriétaires souhaitant défendre leurs droits rapidement.
Sommaire :
- Que dit la loi sur l’action individuelle d’un copropriétaire ?
- Quelles sont les conséquences d’une absence d’information du syndic ?
- Pourquoi cette décision protège-t-elle les copropriétaires ?
- Quels troubles de jouissance justifient une action individuelle ?
- Comment exercer efficacement son action individuelle de copropriétaire ?
Que dit la loi sur l’action individuelle d’un copropriétaire ?
Le cadre juridique de l’article 15 de la loi de 1965
L’action individuelle du copropriétaire trouve son fondement juridique dans l’article 15 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965, texte fondateur du statut de la copropriété. Cet article reconnaît expressément à chaque copropriétaire le droit d’agir seul pour toutes les actions relatives à son lot privatif, sans nécessiter l’autorisation préalable de l’assemblée générale.
Notons que cette prérogative individuelle couvre à la fois la défense de la propriété et la jouissance du bien. Le législateur a ainsi souhaité garantir l’autonomie juridique du copropriétaire face à la collectivité, tout en maintenant le principe d’équilibre entre droits individuels et intérêt commun.
Adoptée en 1965, cette loi — qui encadre aujourd’hui près de 9 millions de logements en copropriété en France — pose dès l’origine un principe fondamental : chaque copropriétaire peut agir seul en justice pour protéger ses droits, sans passer par une décision collective.
L’obligation d’information du syndic
L’article 15 prévoit toutefois une obligation procédurale essentielle. Lorsqu’un copropriétaire agit seul en justice, il doit informer le syndic de copropriété de son action. Cette formalité n’est pas anodine. Puisqu’elle garantit une bonne coordination entre les actions individuelles et la gestion collective de l’immeuble. En étant informé, le syndic peut suivre les contentieux en cours, prévenir les doublons ou éviter les démarches contradictoires entre différents copropriétaires. Ainsi, la loi établit un équilibre clair entre autonomie personnelle et cohésion de la gestion commune.
Quelles sont les conséquences d’une absence d’information du syndic ?
La position des demandeurs au pourvoi
Dans l’affaire jugée par la Cour de cassation le 16 octobre 2025 (pourvoi n° 23-19.843), plusieurs copropriétaires soutenaient que l’absence d’information du syndic devait entraîner l’irrecevabilité automatique de l’action individuelle d’un copropriétaire. En cela, ils invoquaient une lecture rigoureuse de la loi. Ainsi, le pourvoi n° U 23-19.843 formé contre l’arrêt de la cour d’appel de Grenoble du 23 mai 2023 reposait sur quatre moyens de cassation, dont le premier concernait spécifiquement cette question de recevabilité.
La réponse de la Cour de cassation
La troisième chambre civile de la Cour de cassation rejette cette interprétation stricte dans son arrêt n° 483 FS-B du 16 octobre 2025. L’arrêt énonce clairement que “si le copropriétaire, qui agit seul pour la défense de la propriété ou de la jouissance de son lot, doit en informer le syndic, en application de l’article 15 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965, cette formalité n’est pas requise à peine d’irrecevabilité de la demande.”
Cette décision s’inscrit dans une jurisprudence constante sur le sujet. La Cour distingue ainsi l’obligation procédurale de la sanction de l’irrecevabilité. L’action individuelle d’un copropriétaire reste donc recevable même sans information préalable du syndic. La Cour applique l’article 1014, alinéa 2, du Code de procédure civile pour écarter les autres moyens du pourvoi.
Pourquoi cette décision protège-t-elle les copropriétaires ?
Cette jurisprudence consacre un principe essentiel : le droit effectif d’accès au juge pour chaque copropriétaire. L’action individuelle ne peut être paralysée par un simple oubli procédural ou par une irrégularité de forme mineure. Cette position des tribunaux préserve le droit fondamental d’ester en justice, garanti par l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme.
Pour rappel, cette décision affirme qu’un vice de forme, comme par exemple l’omission d’informer le syndic, ne doit pas empêcher l’examen du fond du litige. Grâce à cette interprétation, les copropriétaires victimes de troubles ou de préjudices personnels peuvent désormais faire valoir leurs droits plus rapidement, sans craindre une irrecevabilité purement technique. En privilégiant ainsi la défense des droits réels plutôt qu’une rigidité procédurale, la justice garantit une protection plus équilibrée et plus effective des copropriétaires.
Quels troubles de jouissance justifient une action individuelle ?
Le cas des locations meublées de courte durée
L’affaire examinée par la Cour portait sur des nuisances spécifiques liées à des locations de type Airbnb. M. [X] et Mme [Z], résidant à Grenoble, se plaignaient des troubles répétés causés par un appartement voisin loué en meublé de courte durée, accueillant en permanence une clientèle de passage. Ces locations successives engendraient des bruits, allées et venues incessantes et un sentiment d’insécurité, perturbant la jouissance paisible de l’immeuble, soumis au statut de la copropriété.
Dans ce contexte, l’action individuelle d’un copropriétaire se révèle parfaitement adaptée. Elle permet d’agir rapidement pour faire cesser des nuisances directes qui affectent la qualité de vie et portent atteinte à la tranquillité des lieux. Cette affaire illustre de manière concrète l’utilité du droit d’agir seul reconnu par la loi de 1965. Il offre aux copropriétaires un outil juridique efficace pour défendre leurs intérêts personnels, sans attendre une décision collective parfois longue à obtenir.
Les autres fondements d’une action individuelle
L’action individuelle d’un copropriétaire peut viser diverses atteintes à la propriété ou à la jouissance du lot. Les nuisances sonores répétées constituent un motif fréquent d’action en justice. Les dégradations causées à son lot ou aux parties communes adjacentes justifient également une action individuelle d’un copropriétaire. Les troubles de voisinage liés à des activités commerciales non autorisées peuvent aussi fonder une action. Chaque copropriétaire dispose ainsi d’un arsenal juridique pour défendre ses droits, conformément à l’article 9 du Code civil sur le respect de la propriété privée.
Comment exercer efficacement son action individuelle de copropriétaire ?
Les démarches préalables recommandées
Avant d’engager une action individuelle, le copropriétaire doit suivre plusieurs étapes de prudence afin de préserver le dialogue et d’assurer la solidité de sa démarche. La résolution amiable du conflit constitue toujours la première voie à privilégier. Ainsi, il est recommandé d’adresser une lettre recommandée avec accusé de réception au copropriétaire fautif, afin de formaliser les griefs de manière claire et officielle. Cette démarche permet souvent de rétablir la communication et d’éviter une procédure judiciaire coûteuse.
Par ailleurs, même si la Cour de cassation, dans son arrêt du 16 octobre 2025, a jugé que l’omission d’informer le syndic ne rend pas l’action irrecevable, cette information reste fortement conseillée. Elle favorise une coordination efficace entre les acteurs de la copropriété et préserve la transparence dans la gestion des litiges. En outre, le respect de cette formalité démontre la bonne foi du copropriétaire agissant et renforce la crédibilité de sa démarche en cas de contentieux ultérieur.
La stratégie contentieuse adaptée
L’action individuelle d’un copropriétaire exige une préparation juridique rigoureuse et une stratégie probatoire solide. Avant toute démarche, il est indispensable de rassembler des éléments concrets permettant de démontrer la réalité et la gravité des troubles subis. La constitution de preuves joue ici un rôle déterminant. Les témoignages de voisins, les constats d’huissier de justice ou encore les courriers échangés entre les parties constituent autant de pièces essentielles pour convaincre le juge.
Le choix de la procédure dépend ensuite de la nature et de l’urgence de la situation :
- le référé s’impose en cas de troubles manifestement illicites ou urgents,
- tandis qu’une action au fond s’adapte mieux aux litiges complexes ou durables.
L’assistance d’un avocat spécialisé en droit immobilier et droit de la copropriété reste vivement recommandée. Elle permet d’évaluer la stratégie la plus pertinente et d’optimiser les chances de succès de l’action. L’échec du pourvoi illustre clairement l’importance d’une analyse juridique approfondie avant d’engager une procédure de cassation, où les marges de manœuvre sont limitées et les conditions de recevabilité strictement encadrées.

