Le Groupe de Recherche sur la Copropriété (GRECCO) apporte des éclaircissements pratiques sur la cession de parties communes spéciales en copropriété. Ce sujet soulève de nombreuses interrogations. Notamment sur qui prend la décision, ce qui est cédé, les modalités de cession et ses conséquences. Le GRECCO répond à ces questions dans une préconisation détaillée, tout en suggérant une modification législative pour simplifier la procédure. Cet avis tant attendu est une véritable bouffée d’air frais pour les professionnels de l’immobilier aux prises avec les complexités de ces transactions en copropriété.
Sommaire :
- Cession de parties communes spéciales : comprendre le processus et les implications
- Objet de la cession de parties communes spéciales
- L’opposabilité aux tiers de la cession d’une partie commune
- Implications de la cession de parties communes spéciales
- Ce qu’il faut retenir sur la cession des parties communes spéciales
- Proposition du GRECCO : la nécessité d’une modification législative
Cession de parties communes spéciales : comprendre le processus et les implications
Il y a cession de parties communes lorsque la propriété d’une “partie commune” est transférée par les propriétaires indivis de cette partie de l’immeuble à un copropriétaire ou à un tiers. Notons que les parties communes sont générales ou spéciales. Cet article se concentre sur la cession des parties communes spéciales bâties, un sujet complexe pour les copropriétés. Retrouvez dans le détail la préconisation n° 17 du 5 avril 2024.
Cadre juridique et décision de cession
En vertu de l’article 6-2 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965, modifiée par l’ordonnance n° 2019-1101 du 30 octobre 2019, les parties communes spéciales sont définies comme celles “affectées à l’usage ou à l’utilité de plusieurs copropriétaires”. Ces derniers en sont alors les propriétaires indivis.
Mais, avant de procéder à la cession d’une telle partie, il est essentiel de vérifier si la portion concernée est classée comme partie commune générale ou spéciale dans le règlement de copropriété.
Par ailleurs, la décision de céder des parties communes spéciales doit être prise collectivement par les copropriétaires concernés, lors d’une assemblée spéciale ou générale. Ainsi, seuls les copropriétaires affectés par ces parties communes ont le droit de vote. Cette démarche est régie par des conditions de majorité strictes, détaillées dans les articles 26 et 26-1 de la loi du 10 juillet 1965.
Rôles du cédant et du cessionnaire
Le syndicat des copropriétaires, représentant les propriétaires, a le pouvoir de passer l’acte d’aliénation. Toutefois, cette décision doit être validée par une majorité des copropriétaires directement concernés par les parties communes spéciales. Il s’agit d’un vote important. Aussi, il nécessite une majorité des deux tiers des voix du syndicat, comme stipulé par l’article 26.
Quant au cessionnaire, il est généralement un copropriétaire ou un tiers. Ce dernier doit exprimer clairement son intention d’acheter. Cette intention peut être préalable à l’assemblée. Elle peut intervenir sous forme d’une offre formelle, ou suite à la décision de l’assemblée. En cas de désaccord sur la cession ou ses modalités, le cessionnaire a le droit de contester la décision. Bien que cela ne soit pas automatique.
La cession de parties communes spéciales bâties peut avoir des répercussions significatives sur la gestion et l’usage de l’immeuble. C’est pourquoi, toutes les parties impliquées doivent comprendre et accepter tous les aspects de la cession.
Objet de la cession de parties communes spéciales
Lors d’une cession de parties communes spéciales, la définition claire de l’objet de la vente est cruciale. Pour que la vente soit valide, il est nécessaire que la partie commune à céder soit déterminée ou déterminable. Or, cela soulève une interrogation importante. Doit-on constituer un lot spécifique comprenant la partie privative et la quote-part des parties communes avant de procéder à la cession ?
Selon un arrêt de la Cour de cassation du 22 septembre 2010, la constitution préalable d’un lot n’est pas requise pour valider la vente. De fait, la partie commune peut être définie de manière suffisante par la résolution de cession elle-même. Et, cela, à travers des éléments comme un plan ou une description adéquate.
Processus de cession et modifications règlementaires
Une fois la décision de cession prise, la vente est considérée comme parfaite. Cette étape marque le début d’un processus où le règlement de copropriété peut être modifié. Ensuite, la quote-part des parties communes est déterminée par la création d’un nouveau lot. Cette phase peut survenir après la décision initiale de cession.
Dès lors, les copropriétaires détenant des droits indivis sur la partie commune spéciale à céder doivent prendre une décision collective concernant la cession. Toutefois, précisons qu’ils ne sont pas tenus de décider de la création d’un lot au préalable. Cependant, la formalisation d’un lot reste nécessaire pour rendre la cession opposable aux tiers. Puisque cela sécurise ainsi les droits de toutes les parties impliquées.
L’opposabilité aux tiers de la cession d’une partie commune
La cession de parties communes spéciales n’est opposable aux tiers que lorsque les formalités de publicité foncière sont respectées. Selon l’article 710-1 du Code civil, une telle cession doit être formalisée par un acte authentique. Ce procédé assure la transparence et la légalité de la transaction devant les autorités et les parties tierces.
Les détails relatifs à la désignation des fractions de propriété sont régis par les articles du décret n° 55-22 du 4 janvier 1955 et à l’article 76 du décret n° 55-1350 du 14 octobre 1955. En effet, ces textes précisent que l’acte doit inclure la désignation des fractions concernées. Mais, aussi, celle de l’immeuble entier, souvent complétée par des descriptions détaillées et la quote-part de parties communes.
Création d’un lot pour la cession
Pour que la cession soit pleinement effective et opposable aux tiers, il est indispensable de créer un lot. Ce dernier comprend la partie privative et une quote-part des parties communes. Cette création de lot est stipulée par l’article 1er de la loi du 10 juillet 1965. Elle doit être réalisée avant la signature de l’acte authentique.
La création du lot et la modification de l’état descriptif de division sont généralement effectuées par les copropriétaires concernés ou par l’assemblée des copropriétaires. De même, la décision de modifier l’état descriptif de division doit suivre les procédures définies par l’article 71-10 du décret de 1955.
Méthodes de modification de la quote-part
- Méthode par retranchement. Cette méthode implique de retirer une quote-part des lots existants pour l’intégrer au nouveau lot. De fait, elle affecte seulement les propriétaires des parties communes spéciales concernées. Pour autant, une telle décision doit être approuvée par une assemblée spéciale des copropriétaires concernés.
- Méthode par adjonction. Elle augmente la somme des tantièmes de propriété de l’immeuble. C’est pourquoi, elle nécessite l’approbation de l’AG de tous les copropriétaires.
Risques et responsabilités
En dépit de la perfection de la vente dès la décision de cession, le syndicat des copropriétaires pourrait voir sa responsabilité engagée. C’est le cas si les modifications nécessaires à la publicité foncière ne sont pas approuvées. Dès lors, les conflits peuvent mener à des actions en exécution forcée. Ce qui souligne l’importance d’une majorité adéquate lors de l’approbation de l’état descriptif de division modificatif.
Pour rappel, la majorité requise pour approuver l’état descriptif de division modificatif ne correspond pas à celle de l’article 24 de la loi du 10 juillet 1965. Mais, elle doit suivre la même majorité nécessaire pour une décision de cession, conformément aux articles 26 et 26-1. Ainsi, il existe un risque que l’approbation de l’état descriptif de division soit bloquée. Ce blocage peut survenir faute d’un nombre suffisant de propriétaires présents ou représentés, ou ayant voté par correspondance.
Implications de la cession de parties communes spéciales
Répartition du prix de vente
L’article 16-1 de la loi du 10 juillet 1965 stipule que le prix des parties communes cédées se divise automatiquement entre les copropriétaires concernés. Cette répartition est proportionnelle à la quote-part de ces parties dans chaque lot. Quant au syndic, il se charge de remettre à chaque copropriétaire sa part du prix, après avoir déduit les sommes dues au syndicat des copropriétaires.
Seuls les copropriétaires possédant des droits indivis sur la partie commune spéciale cédée reçoivent une part du prix. Cette précision assure une distribution équitable des revenus de la vente.
Modifications réglementaires et charges
Tous les copropriétaires participent au vote concernant la modification de la répartition des charges dans le règlement de copropriété. Cette étape est essentielle pour adapter les charges aux nouvelles réalités de la copropriété après la cession.
Selon l’article 11 de la loi du 10 juillet 1965, la modification de la répartition des charges ne peut se faire qu’à l’unanimité. Sauf dans certains cas. Comme ceux où des travaux ou des cessions nécessitent une nouvelle répartition des charges. Le vote pourra alors s’effectuer à la majorité spécifiée dans les articles 26 et 26-1 de la même loi.
Enfin, il est également nécessaire de retirer de la documentation officielle toute mention de la partie commune spéciale cédée. Par exemple, lorsqu’il s’agit d’une loge de gardien ou d’un local de chaufferie, ces derniers sont spécifiquement identifiés dans le règlement.
Solutions en cas de blocage
Le principal défi reste le risque que l’assemblée générale des copropriétaires refuse ou ne parvienne pas à prendre une décision en raison d’une participation insuffisante. Toutefois, en cas de non-modification des charges par l’assemblée générale, tout copropriétaire peut intenter une action en justice. À cet effet, l’article 11, alinéa 3, de la loi de 1965 permet de saisir le tribunal judiciaire pour obtenir une répartition des charges adaptée aux nouvelles conditions.
Ce qu’il faut retenir sur la cession des parties communes spéciales
- Seuls les copropriétaires possédant des droits indivis sur une partie commune spéciale peuvent décider de son aliénation. Ce droit exclusif centralise la prise de décision auprès de ceux directement concernés par la partie commune.
- La vente devient parfaite dès que la partie d’immeuble à céder est clairement déterminée et qu’un accord entre les parties est établi. Cette conclusion s’applique indépendamment de la nécessité de créer un lot formel.
- Vous devez faire approuver par une assemblée les modifications de l’état descriptif de division dues à la création d’un lot. Cette étape est essentielle pour la légalité et l’opposabilité de la cession.
- Selon la méthode par adjonction, il est nécessaire d’obtenir l’approbation de l’assemblée générale de tous les copropriétaires. En revanche, avec la méthode par retrait, seuls les copropriétaires ayant des droits indivis dans la partie commune spéciale doivent voter.
- La modification des charges et du règlement de copropriété qui suit la cession doit être décidée par l’assemblée générale de tous les copropriétaires. C’est une mesure qui vise à ajuster la gestion de l’immeuble aux nouvelles réalités post-cession.
- Si l’assemblée générale échoue à adopter les modifications nécessaires, tout copropriétaire est en droit de saisir le tribunal. Le but de cette démarche judiciaire est de faire établir une nouvelle répartition des charges conforme aux modifications structurelles de l’immeuble.
Proposition du GRECCO : la nécessité d’une modification législative
Face aux défis pratiques observés, le GRECCO propose une modification de l’article 6-2 de la loi du 10 juillet 1965. Cette proposition vise à clarifier la gestion des parties communes spéciales. En effet, le GRECCO suggère d’ajouter que les décisions concernant uniquement les parties communes spéciales peuvent se prendre lors d’une assemblée spéciale ou de l’assemblée générale de tous les copropriétaires. Ainsi, seuls les copropriétaires directement concernés par ces parties communes spéciales auraient le droit de voter.
Dès lors, la nouvelle disposition permettrait que toute décision relative à la cession d’une partie commune spéciale et les modifications nécessaires de l’état descriptif de division soient prises uniquement par les copropriétaires ayant des droits indivis sur ces parties.
Au sujet des modifications des charges résultant de la cession d’une partie commune spéciale, la proposition exige l’approbation par l’assemblée générale de tous les copropriétaires. Cette décision devrait être prise à la majorité prévue à l’article 24.
Si l’assemblée générale échoue à modifier les bases de répartition des charges comme requis, tout copropriétaire aura le droit de saisir le tribunal judiciaire. Cette action judiciaire serait alors nécessaire pour procéder à la nouvelle répartition des charges exigée par les modifications structurelles de la copropriété.
Cette modification législative clarifierait les processus décisionnels. En outre, elle responsabiliserait les parties concernées. Par conséquent, cela pourrait grandement simplifier la gestion des parties communes spéciales. Enfin, cela réduirait les conflits et les blocages dans les copropriétés.
> Consulter une autre recommandation du GRECCO : “Conseil syndical : propositions du GRECCO relatives à son organisation”