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Copropriété

Rémunération du président de conseil syndical : une pratique interdite

Rémunération du président de conseil syndical : une pratique interdite

Le Tribunal judiciaire de Paris vient de trancher une question sensible en copropriété. Dans un jugement rendu le 13 novembre 2025 (RG n°23/11205), les magistrats ont annulé une résolution votée en assemblée générale qui prévoyait le versement de 2 200 euros au président du conseil syndical. Initialement qualifiée de “rétribution exceptionnelle”, cette somme avait été rebaptisée “geste de sympathie” lors du vote pour contourner l’interdiction légale. Le tribunal a balayé cet artifice. La décision rappelle avec fermeté le principe de gratuité du mandat : les fonctions de président et de membre du conseil syndical ne donnent lieu à aucune rémunération, conformément à l’article 27 du décret du 17 mars 1967. Cette jurisprudence récente clarifie les limites des assemblées générales et éclaire les copropriétaires sur ce qui est légalement permis ou prohibé. Elle précise également que modifier une résolution en cours d’assemblée pour en changer la nature constitue une dénaturation illégale de l’ordre du jour.


?Sommaire :


À retenir – Interdiction de rémunération du président du conseil syndical

  • L’article 27 du décret du 17 mars 1967 interdit toute rémunération des présidents et membres du conseil syndical.
  • Un “geste de sympathie” ou une “manifestation de soutien” reste une rémunération illicite.
  • Modifier une résolution en assemblée générale pour en changer la nature viole l’article 13 du décret de 1967.
  • Le syndicat a été condamné à payer 3 000 euros plus les entiers dépens au copropriétaire demandeur.
  • La complexité d’une copropriété ne justifie aucune dérogation au principe de gratuité du mandat.

Que dit la loi sur la rémunération du président du conseil syndical ?

En matière de copropriété, le principe est clair et sans ambiguïté. L’article 27, alinéa 1er, du décret du 17 mars 1967 pose une règle absolue : « les fonctions de président et de membre du conseil syndical ne donnent pas lieu à rémunération ». Autrement dit, ces mandats sont par nature bénévoles.

Cette interdiction poursuit un double objectif. D’une part, elle préserve l’équilibre financier de la copropriété en évitant toute charge supplémentaire. D’autre part, elle garantit le caractère désintéressé de l’engagement des conseillers syndicaux, dont le rôle est d’assister et de contrôler le syndic dans l’intérêt collectif. Toutefois, la loi prévoit une nuance importante. Les membres du conseil syndical peuvent obtenir le remboursement des frais réellement engagés dans l’exercice de leur mandat. Encore faut-il que ces dépenses soient justifiées et présentent une utilité directe pour la copropriété. Il ne s’agit donc en aucun cas d’une rémunération déguisée.

Cette lecture stricte du texte a été fermement confirmée par la jurisprudence. Dans un arrêt du 24 mai 2017 (n° 15/06288), la Cour d’appel de Paris a rappelé que toute forme de rémunération, quelle que soit sa dénomination, est prohibée.

Quels frais peuvent être remboursés ?

La jurisprudence autorise uniquement le remboursement de dépenses exposées dans l’intérêt collectif des copropriétaires. Les exemples incluent les frais de déplacement pour rencontrer des prestataires ou les frais de reproduction de documents. En revanche, le temps passé, les économies réalisées ou l’efficacité du travail accompli ne justifient aucun versement. La Cour d’appel de Versailles a précisé le 23 janvier 2013 (n° 11/03793) que les dépenses doivent avoir été engagées conformément au règlement de copropriété.

Comment cette affaire a-t-elle débuté ?

L’affaire prend naissance dans une copropriété située dans le 3? arrondissement de Paris. Tout commence lorsque Monsieur [H] [M], propriétaire d’un appartement au quatrième étage, décide de contester une résolution adoptée lors de l’assemblée générale du 14 juin 2023.

Cependant, le contexte de cette copropriété est loin d’être ordinaire. En effet, l’immeuble fait partie d’un ensemble immobilier complexe, placé sous la gestion d’une association syndicale libre (ASL). Cette organisation spécifique entraîne, dans la pratique, une charge de travail particulièrement lourde pour le conseil syndical et, plus encore, pour son président, Monsieur [F] [Y].

C’est précisément face à cet investissement jugé exceptionnel qu’une copropriétaire, Madame [O], prend l’initiative d’inscrire une résolution inédite à l’ordre du jour. Elle propose le versement d’une somme de 2 200 euros au président du conseil syndical. Selon elle, cette somme se justifie par « les efforts réalisés, le temps énorme passé sur les affaires de la copropriété, les résultats obtenus et les sommes conséquentes économisées ».

Ainsi, la résolution n°32 est formulée sans détour. Son intitulé ne laisse aucune place au doute : « Demande de Madame [O] – RÉTRIBUTION EXCEPTIONNELLE ENVERS MONSIEUR [Y] ». Autrement dit, il s’agit bien d’une tentative assumée de rémunération, présentée comme exceptionnelle, mais directement liée à l’exercice du mandat de président du conseil syndical.

Un vote qui tourne à la manipulation juridique

L’assemblée générale du 14 juin 2023 connaît un rebondissement inattendu. Au moment du vote, le texte de la résolution subit des modifications manuscrites. Le terme “rétribution” est barré et remplacé par “geste de sympathie”. Le verbe “rétribuer” devient “manifestation de soutien”. Une mention manuscrite est ajoutée : “Le président de séance indique qu’il ne s’agit pas de rétribution mais d’un geste de sympathie, de ce fait l’assemblée générale prend bonne note”.

Que dit la loi sur la rémunération du président du conseil syndical ?

Or, le président de séance n’est autre que Monsieur [Y] lui-même, celui-là même qui doit recevoir les 2 200 euros. Malgré ce conflit d’intérêts évident, il dirige le débat et fait modifier le texte. Par prudence, il s’abstient lors du vote. La résolution modifiée est adoptée à une courte majorité : 20 copropriétaires sur 38, représentant 3 521 tantièmes sur 6 161. Monsieur [M] vote contre. Le procès-verbal est notifié aux copropriétaires le 9 juillet 2023.

Résultats du vote de l'assemblée générale - rémunération du président de conseil syndical
Résultats du vote de l’assemblée générale

L’assignation en justice

Monsieur [M] ne se laisse pas abuser par ces artifices de langage. Le 4 septembre 2023, il fait assigner le syndicat des copropriétaires devant le Tribunal judiciaire de Paris. Il invoque deux fondements juridiques. D’abord, la violation de l’article 27 alinéa 1er du décret de 1967 qui interdit toute rémunération. Ensuite, subsidiairement, la violation de l’article 13 du même décret : les modifications manuscrites ont dénaturé la résolution inscrite à l’ordre du jour, transformant une “rétribution” en “geste de sympathie”. L’affaire est enregistrée sous le numéro RG 23/11205 et confiée à la 8ème chambre 2ème section.

Pourquoi le tribunal a-t-il annulé cette résolution ?

Après plus d’un an de procédure, l’ordonnance de clôture est prononcée le 1er octobre 2024. L’affaire est plaidée le 18 septembre 2025. Le 13 novembre 2025, le Tribunal judiciaire de Paris rend son jugement. Les magistrats annulent purement et simplement la résolution n°32. Leur décision repose sur deux piliers juridiques solides qui démontent méthodiquement l’argumentation du syndicat.

Premier motif : un “geste de sympathie” reste une rémunération interdite

Le tribunal refuse de se laisser berner par le changement de vocabulaire. Les juges analysent la substance juridique de l’opération. Ils constatent que “la somme de 2 200 € envisagée serait versée en raison de son activité de président du conseil syndical et en contrepartie de l’exécution de ce mandat, ce qui constitue donc une rémunération illicite”.

Peu importe qu’on l’appelle “geste de sympathie”, “manifestation de soutien” ou “remerciement”. La réalité demeure : c’est une contrepartie financière pour un mandat exercé.

Le tribunal démonte ensuite l’argument des économies réalisées. Il rappelle que “les économies réalisées ne sauraient constituer des frais remboursables”. Aucune pièce ne prouve que Monsieur [Y] a engagé des dépenses personnelles justifiant un remboursement de 2 200 euros.

À cet effet, les juges citent un arrêt de la Cour d’appel de Versailles du 29 septembre 2020 (n° 18/02440) qui confirme cette analyse. Le syndicat avait tenté de justifier le versement par la complexité de la copropriété, membre d’une ASL. Le tribunal balaie cet argument : “la situation particulière du syndicat des copropriétaires dans une association syndicale libre (ASL), si elle peut entraîner un alourdissement des charges du président et des membres du conseil syndical, ne saurait constituer une dérogation à l’interdiction posée par l’article 27 du décret du 17 mars 1967”. La règle de gratuité ne souffre aucune exception.

Second motif : une dénaturation illégale de l’ordre du jour

Le tribunal examine ensuite les modifications manuscrites apportées en séance. L’article 13 du décret du 17 mars 1967 dispose que “l’assemblée générale ne prend de décision valide que sur les questions inscrites à l’ordre du jour”.

La Cour de cassation a précisé le 16 septembre 2015 (n° 14-14.518) que les copropriétaires disposent d’un pouvoir d’amendement lors de l’assemblée, mais que toute modification ne doit pas entraîner une “dénaturation du sens d’un projet de résolution porté à l’ordre du jour”.

En l’espèce, la résolution proposée prévoyait explicitement une “rétribution”. Après modifications, elle devient un “geste de sympathie” ou une “manifestation de soutien”. Pour le tribunal, “ces modifications dénaturant la résolution inscrite à l’ordre du jour de l’assemblée générale des copropriétaires sont donc contraires aux dispositions précitées de l’article 13 du décret du 17 mars 1967”. L’objet initial (rémunérer) a été transformé en un objet nouveau (gratifier ou faire une donation). Cette transformation excède le simple pouvoir d’amendement reconnu aux copropriétaires.

Les arguments du syndicat rejetés un à un

Pour sa défense, le syndicat des copropriétaires avait produit plusieurs attestations émanant de copropriétaires. Tous affirmaient qu’il ne s’agissait que d’un simple geste de reconnaissance, destiné à « remercier » Monsieur [Y] pour son investissement. Toutefois, le tribunal balaie cet argument sans ambiguïté. Il rappelle que « l’intention louable des copropriétaires ne modifie pas la nature juridique du versement ». Autrement dit, la finalité morale invoquée ne saurait neutraliser l’interdiction légale.

De surcroît, le syndicat soutenait que Monsieur [Y] s’était abstenu lors du vote et qu’il n’était pas à l’initiative de la résolution litigieuse. Là encore, les juges écartent fermement cette ligne de défense. Ils précisent qu’« il importe peu que Monsieur [Y] se soit abstenu lors du vote, qu’il soit ou non à l’origine de la résolution, ou que celle-ci ait été inscrite à l’ordre du jour dans les termes proposés par Madame [D] ». L’illégalité de la décision existe indépendamment de ces circonstances.

Pire encore, le tribunal relève un élément aggravant. En tant que président de séance, Monsieur [Y] a dirigé les débats et fait modifier le texte de la résolution. Cette intervention active est interprétée comme une tentative manifeste de contournement de la loi, renforçant ainsi le caractère illicite de la décision.

En définitive, ni la bonne foi affichée des copropriétaires, ni l’abstention formelle du bénéficiaire, ni l’origine prétendument externe de la résolution ne permettent de sauver une décision qui viole frontalement le principe de non-rémunération des membres du conseil syndical.

Quelles conséquences financières pour le syndicat ?

La sanction prononcée à l’encontre du syndicat des copropriétaires est particulièrement lourde. En effet, celui-ci est condamné à supporter l’intégralité des dépens de la procédure. À cela s’ajoute le versement de 3 000 euros à Monsieur [M] au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

Par ailleurs, le demandeur est expressément dispensé de toute participation financière à cette procédure. Conformément à l’article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965, la charge de ces frais sera donc répartie entre l’ensemble des autres copropriétaires, à l’exclusion de Monsieur [M].

En outre, la décision bénéficie de l’exécution provisoire de droit, en application de l’article 514 du Code de procédure civile. Autrement dit, même si le syndicat conserve la faculté de faire appel, le jugement s’applique immédiatement.

Au-delà de ses conséquences financières, cette décision délivre un message sans ambiguïté. Les copropriétaires ne peuvent pas contourner la loi par des artifices de langage. Quelle que soit la qualification retenue — gratification, indemnité ou rétribution exceptionnelle — toute tentative de rémunération du président du conseil syndical est contraire à la loi. Les juridictions veillent strictement au respect de ce principe et n’hésitent pas à annuler les résolutions qui cherchent à s’en affranchir.

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Isabelle DAHAN

Rédactrice en chef de Monimmeuble.com. Isabelle DAHAN est consultante dans les domaines de l'Internet et du Marketing immobilier depuis 10 ans. Elle est membre de l’AJIBAT www.ajibat.com, l’association des journalistes de l'habitat et de la ville. Elle a créé le site www.monimmeuble.com en avril 2000.

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