Dans un arrêt du 20 novembre 2025, la Cour de cassation clarifie les conditions du recouvrement des charges de copropriété. Le syndicat de copropriété réclamait 15 600 euros de provisions impayées pour les exercices 2018 à 2021 via la procédure accélérée. La décision tranche : impossible de réclamer des arriérés d’exercices antérieurs sans approbation préalable des comptes. Cette jurisprudence redéfinit les règles du jeu entre syndicats et copropriétaires défaillants.
Sommaire :
- Quelles sont les conditions de la procédure accélérée ?
- Pourquoi l’approbation des comptes est-elle indispensable ?
- Quelles sont les conséquences ?
- Comment appliquer cette jurisprudence en pratique ?
À retenir – Recouvrement des charges de copropriété
- L’approbation des comptes est obligatoire.
- La procédure accélérée reste possible pour l’année en cours.
- L’adoption du budget se distingue de l’approbation des comptes.
- Protection renforcée des copropriétaires.
- Déclaration d’appel précise exigée.
Quelles sont les conditions de la procédure accélérée de recouvrement des charges de copropriété ?
L’article 19-2 de la loi du 10 juillet 1965 instaure une procédure accélérée au bénéfice du syndicat des copropriétaires. Le président du tribunal judiciaire peut rendre rapidement une décision lorsque les charges ne sont plus payées. Concrètement, si une mise en demeure reste sans effet pendant 30 jours, le syndicat peut saisir le juge pour réclamer la provision impayée, mais aussi l’ensemble des provisions devenues exigibles, ainsi que les arriérés antérieurs. L’esprit du texte est clair : offrir à la copropriété un moyen simple, rapide et efficace de recouvrer les charges nécessaires au fonctionnement de l’immeuble, sans passer par une procédure contentieuse longue.

Dans son arrêt du 20 novembre 2025 (pourvoi n° 23-23.315), la Cour de cassation précise les contrôles que doit effectuer le président du tribunal judiciaire avant de faire droit à la demande. Ainsi, deux vérifications s’imposent :
- d’une part, s’assurer que le budget prévisionnel, les travaux ou les comptes annuels ont bien été approuvés par l’assemblée générale ;
- d’autre part, constater la défaillance réelle du copropriétaire.
Dans l’affaire examinée, le syndicat avait assigné M. et Mme O. le 28 décembre 2021 pour obtenir 15 600 € de charges restées impayées entre 2018 et 2021.
L’article 14-1 impose aux copropriétaires de voter chaque année un budget prévisionnel couvrant les dépenses courantes, financé par des appels de provisions trimestrielles (sauf décision contraire). L’article 14-2 vise, quant à lui, les dépenses exceptionnelles liées aux travaux qui ne relèvent pas de ce budget. Enfin, l’article 45-1 du décret de 1967 rappelle un point essentiel : les provisions versées par les copropriétaires ont un caractère provisoire. Elles ne deviennent définitives qu’après l’approbation des comptes par l’assemblée générale, qui fixe alors le solde dû ou le trop-perçu.
Pourquoi l’approbation des comptes est-elle indispensable ?
La Cour de cassation pose un principe clair : dans le cadre de l’article 19-2, le syndicat réclame les provisions de l’exercice en cours et les arriérés des exercices dont les comptes ont été approuvés, mais il ne peut pas exiger les sommes liées à des exercices dont l’assemblée générale n’a pas encore validé les comptes.
Cette distinction découle directement de l’article 45-1 du décret de 1967. Tant que les comptes n’ont pas été approuvés, les sommes appelées demeurent de simples « provisions », destinées à être régularisées. Elles ne deviennent des « charges » définitives qu’après le vote de l’assemblée. La solution retenue s’inscrit dans la continuité d’un précédent rendu en 2010 (pourvoi n° 09-16.678), confirmant une jurisprudence désormais bien établie.
L’erreur fatale de la cour d’appel
La cour d’appel d’Orléans avait relevé que les budgets prévisionnels 2018 à 2021 avaient bien été votés lors des assemblées générales de juin 2019, janvier 2021 et juin 2021. Elle en avait alors conclu que la demande du syndicat était recevable. La Cour de cassation y voit pourtant une erreur manifeste : « sans rechercher si les comptes du syndicat pour les exercices 2018 à 2020 avaient été approuvés, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ».
Dans les faits, les comptes d’un exercice N ne sont généralement approuvés qu’au cours de l’assemblée de l’année N+1. Ce décalage crée un délai structurel entre le vote du budget et la possibilité, pour le syndicat, de récupérer les arriérés en utilisant la procédure accélérée de l’article 19-2.
Quelles sont les conséquences ?
La décision de la Cour de cassation du 20 novembre 2025 n’emporte qu’une cassation partielle. Le dossier est renvoyé devant la cour d’appel d’Angers, qui devra cette fois vérifier si les comptes des exercices 2018 à 2020 ont bien été approuvés. Le syndicat est, en outre, condamné aux dépens ainsi qu’à 1 500 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.
Pour les syndicats de copropriétaires, cette jurisprudence renforce l’exigence de rigueur. Avant d’engager une procédure de recouvrement sur des arriérés, ils vérifient impérativement que l’assemblée générale a validé les comptes correspondants. Cette étape préalable peut repousser de plusieurs mois l’action en justice et fragiliser la trésorerie de la copropriété.
Pour les copropriétaires, cette exigence offre une véritable garantie démocratique : le juge ne prononce aucune condamnation tant que l’assemblée générale n’a pas approuvé collectivement les comptes. Elle évite ainsi que des montants encore provisoires — de simples provisions — ne servent de base à une décision judiciaire définitive.
Comment appliquer cette jurisprudence en pratique ?
L’arrêt publié au Bulletin (ECLI:FR:CCASS:2025:C300557) s’impose à tous les syndicats de copropriétaires. Les syndics doivent distinguer deux situations selon la nature du recouvrement des charges de copropriété :
- Pour l’exercice en cours. La procédure de l’article 19-2 reste pleinement applicable dès l’adoption du budget prévisionnel et après mise en demeure de 30 jours.
- Pour les exercices clos. L’approbation des comptes devient indispensable. Sans elle, le syndicat doit emprunter d’autres voies : assignation ordinaire ou référé provision. Ces alternatives évitent la prescription mais allongent les délais.
Trois recommandations clés
- Organiser régulièrement les assemblées générales pour approuver rapidement les comptes de chaque exercice. Chaque mois de retard repousse d’autant la possibilité d’agir.
- Conserver soigneusement les procès-verbaux d’approbation des budgets et des comptes. Ces documents constituent les preuves indispensables de la recevabilité de l’action.
- Anticiper les délais de procédure en engageant rapidement les poursuites dès l’approbation des comptes pour limiter l’accumulation des impayés.

