Les loverooms, proposées dans le cadre de locations de meublés de tourisme, prolifèrent dans les copropriétés françaises. Cette question écrite n°3315 de l’Assemblée Nationale, posée par Mme Nathalie Colin-Oesterlé, révèle une problématique juridique complexe. Faut-il autoriser les locations meublées de tourisme au risque de voir s’installer des loverooms, ou les interdire totalement et perdre une opportunité économique ? La récente loi du 19 novembre 2024 apporte de nouveaux outils de régulation. Cependant, elle ne traite pas spécifiquement du cas des loverooms.
Sommaire :
- Comment réguler les loverooms en copropriété ?
- Quels sont les outils juridiques existants ?
- Est-il possible d’interdire spécifiquement les loverooms ?
- Quelles sont les perspectives d’évolution ?
À retenir – Réglementation des loverooms en copropriété
- La loi de novembre 2024 facilite l’interdiction des locations meublées en abaissant les seuils de majorité nécessaires pour modifier le règlement de copropriété.
- Les loverooms ne font l’objet d’aucun encadrement juridique spécifique malgré les nuisances qu’ils génèrent dans l’habitat collectif.
- Les copropriétaires peuvent agir via la modification du règlement à la majorité des deux tiers pour encadrer les troubles de voisinage excessifs.
- Un dilemme persiste entre interdiction totale et autorisation car les outils actuels ne permettent pas de distinguer loverooms et locations classiques.
- L’appréciation judiciaire reste nécessaire au cas par cas pour déterminer si les activités dépassent les inconvénients normaux du voisinage.
Comment réguler les loverooms en copropriété ?
Définition et enjeux des loverooms
Les loverooms s’imposent comme un phénomène émergent dans le secteur de l’hébergement.
Ils suscitent toutefois des préoccupations croissantes. Ces établissements proposent des chambres d’hôtels louées à l’heure, mais également dans le cadre des locations meublées de tourisme. Ils créent ainsi une nouvelle catégorie d’hébergement touristique atypique.
Or, ces activités génèrent des nuisances spécifiques et mesurables dans les immeubles. Elles provoquent un va-et-vient incessant d’une clientèle de passage. Elles entraînent aussi des nuisances sonores liées à cette rotation rapide. Enfin, elles nourrissent un sentiment d’insécurité pour les familles résidant dans l’immeuble.
Certes, les loverooms demeurent légales au regard du droit français actuel. Mais, elles perturbent fortement la vie familiale et la tranquillité résidentielle. L’impact sur les enfants est particulièrement préoccupant et pose des questions fondamentales en matière de sécurité et de tranquillité publique. Cette problématique touche directement l’équilibre entre l’usage commercial d’un bien privatif et le respect de la destination résidentielle d’un immeuble.
Quels sont les outils juridiques existants ?
La loi du 19 novembre 2024
La loi n° 2024-1039 du 19 novembre 2024 marque une avancée décisive dans le contrôle des locations meublées de tourisme. Elle introduit deux innovations majeures.
Premièrement, elle abaisse le seuil de majorité simple nécessaire pour modifier le règlement de copropriété. Désormais, les copropriétaires peuvent plus facilement adopter une interdiction des locations meublées de tourisme. Cette évolution allège considérablement la procédure et facilite la prise de décision collective. Deuxièmement, la loi impose à tout nouveau règlement de copropriété de se prononcer explicitement. Chaque texte doit préciser si la location en meublé de tourisme est autorisée ou interdite.
En outre, la réforme apporte une souplesse supplémentaire. Dans les copropriétés où le règlement interdit déjà toute activité commerciale dans les lots non dédiés à cet usage, les copropriétaires disposent d’une nouvelle faculté. Ils peuvent désormais voter, à la majorité des deux tiers, la modification du règlement pour autoriser ou interdire les locations meublées de tourisme.
Le cadre juridique général
Le cadre légal de la copropriété repose sur la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965. L’article 9 de ce texte établit un principe fondamental : chaque copropriétaire peut user et jouir librement de ses parties privatives et des parties communes. Cependant, cette liberté connaît une limite impérative. Elle ne doit pas porter atteinte aux droits des autres copropriétaires ni à la destination de l’immeuble.
De plus, l’article 8 de la même loi apporte une précision essentielle. Dans son deuxième alinéa, il stipule qu’une restriction aux droits des copropriétaires n’est légitime qu’en cas d’atteinte avérée à la destination de l’immeuble. Cette destination est définie par le règlement de copropriété. Ainsi, cette disposition fournit le fondement juridique pour encadrer les activités de loverooms lorsqu’elles contreviennent à la vocation résidentielle de l’immeuble.
Est-il possible d’interdire spécifiquement les loverooms ?
Les limites de la réglementation actuelle
La loi n’a pas prévu de règles spécifiques pour les loverooms. Cette absence d’encadrement place donc les copropriétés dans une véritable zone grise juridique. Pour autant, le droit actuel offre déjà des recours.
La jurisprudence constitue un appui solide. En effet, le principe des « inconvénients normaux du voisinage » s’applique directement aux loverooms. Les juges sanctionnent systématiquement les comportements qui dépassent ce seuil de tolérance. Cette notion, bien établie dans le droit français, permet d’évaluer au cas par cas les nuisances générées.
Le règlement de copropriété conserve également un rôle déterminant. Il peut fixer des conditions strictes d’usage des lots d’habitation. Il peut aussi imposer des exigences particulières pour encadrer les allées et venues fréquentes dans les parties communes, dès lors qu’elles provoquent des troubles de voisinage.
Solutions pratiques pour les copropriétés
La modification du règlement de copropriété constitue donc l’outil principal pour encadrer les loverooms.
Lorsqu’elle concerne la jouissance, l’usage ou l’administration des parties communes, cette modification peut être votée en assemblée générale.
L’article 26, b) de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixe la règle : une majorité des deux tiers suffit. Cette procédure évite donc l’exigence d’unanimité et rend la décision plus accessible aux copropriétés concernées.
Toutefois, l’appréciation des litiges demeure du ressort du juge. Celui-ci procède à une analyse in concreto, en tenant compte de chaque situation particulière. Il applique en parallèle les dispositions d’ordre public prévues par l’article 43 de la loi de 1965.
Quelles sont les perspectives d’évolution ?
Le dilemme des copropriétaires
Cette situation binaire oppose deux approches contradictoires : d’une part, autoriser globalement les locations meublées de tourisme au risque de voir s’installer des activités loverooms génératrices de nuisances ; d’autre part, interdire totalement ces locations pour éviter l’établissement de loverooms, privant ainsi les copropriétaires d’une opportunité économique encadrée et légitime.
Cette problématique révèle l’insuffisance des outils juridiques actuels face à la diversification des activités d’hébergement touristique. Les copropriétaires se trouvent contraints à des choix radicaux, faute de dispositions permettant une régulation nuancée et spécifique aux loverooms.
Vers une régulation spécifique ?
La proposition de Mme Colin-Oesterlé cherche une solution à la fois équilibrée et pragmatique. Ainsi, elle demande au Gouvernement d’autoriser les copropriétaires à distinguer deux situations. D’un côté, les locations meublées de tourisme classiques resteraient possibles. De l’autre, les loverooms pourraient être spécifiquement exclues du règlement de copropriété. Mais, cette exclusion ne devrait pas être considérée comme une clause nulle et non avenue.
Une telle approche différenciée offrirait une alternative intéressante. Puisqu’elle préserverait la qualité de vie des résidents tout en permettant une activité économique exercée dans des conditions respectueuses de l’environnement familial. Cependant, cette mesure suppose une évolution du droit.
En effet, elle nécessiterait une modification législative afin de créer une catégorie juridique distincte pour les loverooms au sein des locations meublées de tourisme. Et, ce n’est pas d’actualité.