À quelques mois des élections municipales, le 5e Baromètre de l’encadrement des loyers, publié en septembre 2025 par la Fondation pour le logement des défavorisés, révèle un chiffre alarmant : 32% des annonces de location dépassent les plafonds légaux en France. Si certaines grandes villes comme Montpellier ou Lyon enregistrent des progrès notables, d’autres territoires, notamment Plaine-Commune ou Grenoble, battent des records d’illégalité. Le baromètre met en lumière une application très inégale de l’encadrement des loyers, malgré son extension à près de 70 communes. Cette enquête dresse un état des lieux contrasté, soulève des interrogations sur l’efficacité des contrôles publics et appelle à une période de consolidation législative avant la fin de l’expérimentation prévue en 2026.
Sommaire :
- Encadrement des loyers : une progression encore trop inégale
- Quels territoires respectent le mieux l’encadrement des loyers ?
- Petits logements, meublés et passoires énergétiques : les cas les plus critiques
- Des outils, mais un contrôle encore trop lâche
- Que faire avant la fin de l’expérimentation en 2026 ?
À retenir – Encadrement des loyers en 2025 :
- 32% des annonces locatives dépassent les plafonds légaux en France, une hausse de 4 points en un an.
- Montpellier (12%), Lyon (24%) et Bordeaux (25%) se démarquent par une meilleure application de la loi.
- Plaine-Commune (59%) et Grenoble (45%) concentrent les records de dépassements illégaux.
- Les petits logements et les meublés sont les plus souvent hors-la-loi, pénalisant les locataires précaires.
- Sans nouvelle loi d’ici 2026, l’encadrement des loyers pourrait disparaître malgré son efficacité prouvée.
Encadrement des loyers : une progression encore trop inégale
En 2025, le baromètre de l’encadrement des loyers dresse un constat nuancé : si l’encadrement des loyers se diffuse à travers le territoire, son respect reste largement inégal. L’analyse de plus de 20 000 annonces entre août 2024 et août 2025 montre une moyenne nationale de 32% d’annonces non conformes à la loi. Cette moyenne est en hausse de 4 points par rapport à 2024.
À Paris, la situation stagne autour de 31% d’annonces au-dessus des plafonds. Ce chiffre était de 35% en 2021. Malgré des efforts de la Ville de Paris pour renforcer les contrôles, dont une plateforme de signalement en ligne, la tendance est inquiétante.
L’encadrement des loyers repose sur les lois ALUR (2014) et ELAN (2018), qui ont rendu ce dispositif possible de manière expérimentale, sur la base de loyers médians majorés définis par arrêté préfectoral. Depuis 2023, les annonces doivent mentionner le plafond applicable (article 140 de la loi Climat et Résilience), ce qui renforce la transparence pour les zones tendues. Le non-respect peut s’accompagner de compléments de loyer injustifiés.
Quels territoires respectent le mieux l’encadrement des loyers ?
Les villes les plus vertueuses sont celles qui ont investi dans la communication et le contrôle. Montpellier fait figure d’exemple : en quatre ans, les dépassements sont passés de 37% à 12%. Lille, où le dispositif est en place depuis 2017 (hors interruption 2018-2019), passe de 43% à 31% entre 2022 et 2025.
À Lyon-Villeurbanne, les efforts conjoints des collectivités locales et d’associations comme la Brigade Associative Inter-Locataires (BAIL) ont permis de contenir les dépassements à 24%. En deux ans, cette brigade a permis de récupérer 180 000 € pour les locataires abusés.
À l’inverse, Grenoble (45%) et le Pays Basque (38%) font figure de mauvais élèves. Biarritz (53% de dépassements) contraste fortement avec Bayonne (24%), où l’association Alda a accompagné 109 locataires, avec 41 066 € économisés via 17 baisses de loyers.
Dans les banlieues parisiennes, la situation est critique. En effet, l’Est-Ensemble atteint 38% et Plaine-Commune 59%, un record. Les communes de Saint-Ouen et Saint-Denis concentrent les pires résultats. En outre, le délai de réponse de l’État, parfois de huit mois avant sanction, est jugé trop lent.
Petits logements, meublés et passoires énergétiques : les cas les plus critiques
Les logements les plus modestes sont aussi les plus touchés. Selon le baromètre, 91% des logements de moins de 10 m² sont au-dessus des plafonds. Cela inclut de nombreuses chambres de service, logements étudiants ou logements de courte durée. En comparaison, seuls 24% des logements de plus de 75 m² dépassent les plafonds.
Les logements meublés, qui bénéficient d’un régime fiscal favorable (régime LMNP), dépassent les plafonds dans 41% des cas, contre 27% pour les logements vides. Cela malgré des plafonds de loyer supérieurs prévus pour les meublés. Les plateformes comme PAP (48%) ou Leboncoin concentrent plus d’annonces illégales que SeLoger (24%).
Depuis 2023, les passoires énergétiques classées F ou G au DPE ne peuvent légalement appliquer de compléments de loyer (article 6 de la loi Climat). Pourtant, 38% des logements classés G dépassent les plafonds. Un non-sens environnemental et juridique.
À Paris, les dépassements moyens atteignent 237 € par mois, soit plus de 2 800 € par an. À l’échelle nationale, le dépassement moyen est de 192 €/mois. Ces écarts constituent une ponction massive sur le budget des locataires les plus vulnérables.
Des outils, mais un contrôle encore trop lâche
La Fondation utilise l’extension “encadrement”, qui permet à chaque internaute de savoir si une annonce est conforme. Plus l’outil est utilisé, plus les données sont fiables. Ainsi, en 2025, plus de 20 000 annonces ont été analysées. Cependant, la charge de vérification repose encore trop sur les locataires.
À Paris, le dispositif de signalement en ligne a permis le remboursement de 3 300 € en moyenne à ceux ayant subi un dépassement injustifié. À Lyon, la métropole utilise le site Toodego pour les signalements. Ces cas sont transmis à la préfecture qui fait preuve de réactivité.
Mais, l’État reste encore trop passif dans de nombreuses zones. Des amendes administratives devraient être systématisées et leur montant rehaussé pour être dissuasif. Certaines agences immobilières sont plus respectueuses que les particuliers. Ainsi, on observe 29% de dépassements pour les agences contre 39% pour les particuliers.
Un simulateur de loyer devrait également être plus largement promu auprès des locataires, via les ADIL ou sites publics.
Que faire avant la fin de l’expérimentation en 2026 ?
L’encadrement des loyers est aujourd’hui un dispositif expérimental, prévu pour prendre fin en novembre 2026. Sans vote d’une nouvelle loi, il pourrait disparaître, malgré les résultats probants. Une étude de l’APUR (Atelier parisien d’urbanisme) montre que les locataires parisiens ont économisé 1 694 € en moyenne en 2024 grâce à l’encadrement.
La Fondation pour le logement appelle à :
- Pérenniser l’encadrement par une loi pérenne avant 2026.
- Obliger l’enregistrement des données des logements (loyer, surface, DPE).
- Étendre le dispositif à toutes les villes volontaires, y compris Marseille, Rennes ou Tours.
- Encadrer plus strictement les compléments de loyer (plafonnement, justification).
- Étendre le dispositif aux résidences étudiantes privées et aux baux de contournement.
- Augmenter les amendes et reverser leur montant aux collectivités.
- Réguler les meublés touristiques comme Airbnb pour éviter une fuite des logements du marché résidentiel.
- Renforcer la politique du logement par des moyens de contrôle accrus et des ressources humaines locales.