Le dernier rapport de Place des Énergies, publié le 15 avril 2025, révèle des tendances contrastées sur le marché de l’énergie européen. Le prix du gaz naturel poursuit sa baisse progressive depuis début avril, atteignant 32,36 €/MWh. Tandis que l’électricité affiche une volatilité accrue à 61,64 €/MWh. Cette analyse met en lumière deux défis majeurs du marché de l’énergie. L’assouplissement controversé des règles européennes de stockage du gaz et l’impact considérable de l’intelligence artificielle sur la consommation électrique future. Face à ces enjeux, l’Europe doit trouver un équilibre délicat entre sécurité énergétique et transition écologique.
Sommaire :
- Tendances actuelles du marché du gaz naturel
- Les implications de l’assouplissement des règles de stockage
- Évolution du marché de l’électricité
- Perspectives et enjeux futurs du marché de l’énergie
Tendances actuelles du marché du gaz naturel
Une baisse continue, mais fragile des prix
Le marché de l’énergie, particulièrement celui du gaz naturel, montre des signes encourageants de stabilisation. Selon les dernières données de l’EEX (European Energy Exchange), le prix PEG du gaz affiche une nouvelle baisse. En effet, cette tendance à la diminution se poursuit depuis plusieurs semaines déjà. Cette diminution s’est légèrement accentuée en ce début avril, avec un prix passant de 31,89 €/MWh le 9 avril à 31,82 €/MWh le 11 avril. Cependant, comme le souligne l’analyse de Place des Énergies, une remontée systématique est observée chaque lundi, le prix ayant atteint 32,36 €/MWh le 14 avril.
Une dynamique hebdomadaire révélatrice d’un marché en voie de stabilisation
La volatilité cyclique hebdomadaire, observée sur le marché du gaz naturel, représente aujourd’hui un signal intéressant pour les professionnels de l’énergie. En effet, cette instabilité récurrente semble traduire un rééquilibrage progressif du secteur. Ce phénomène survient après les fortes secousses traversées ces dernières années. Résultat : les acteurs du marché disposent désormais d’une meilleure lisibilité pour anticiper les évolutions à venir.
Cette tendance à la stabilisation se confirme également sur le segment des contrats à long terme, avec des prix qui s’installent dans une fourchette plus prévisible : 28,11 €/MWh pour 2027 (CAL 2027) et 24,65 €/MWh pour 2028 (CAL 2028), selon les données publiées par Place des Énergies.
Par ailleurs, ces niveaux de prix, plus contenus, traduisent une confiance retrouvée dans l’approvisionnement et une moindre sensibilité aux chocs extérieurs. Une bonne nouvelle pour les consommateurs industriels comme pour les gestionnaires de patrimoine énergétique. Puisqu’ils peuvent désormais envisager leurs stratégies d’achat avec davantage de visibilité.
Des stocks confortables qui soutiennent la stabilité du marché
Pour comprendre les mécanismes à l’origine de la stabilisation actuelle du marché gazier, un élément s’avère déterminant : le niveau des stocks en Europe. À ce sujet, les dernières données publiées par Gas Infrastructure Europe (GIE) apportent un éclairage précieux. En avril 2025, les installations de stockage affichaient un taux de remplissage moyen de 56 %. Un indicateur révélateur de la dynamique à l’œuvre sur le continent. Or, c’est un niveau considérablement supérieur à la moyenne des cinq dernières années pour la même période.
Cette réserve stratégique confortable constitue un facteur rassurant pour les marchés. Elle joue un rôle essentiel dans le fonctionnement du marché. Puisqu’elle permet d’atténuer les tensions saisonnières, de réduire les risques de pénurie, et exerce, par effet mécanique, une pression à la baisse sur les prix. Dans ce contexte favorable, la modération des cours observée actuellement s’explique en partie. Une tendance qui s’inscrit aussi bien à court terme qu’à long terme.
Les implications de l’assouplissement des règles de stockage du gaz sur le marché de l’énergie
Parmi les évolutions récentes susceptibles d’impacter le marché de l’énergie dans les mois à venir, figure la décision de l’Union européenne d’assouplir les règles de stockage du gaz. En effet, cette mesure stratégique, passée relativement inaperçue, permet désormais aux États membres de prolonger la période de remplissage de leurs stocks jusqu’au 1er décembre.
Autre point clé : en cas de conditions exceptionnelles ou de tensions d’approvisionnement, l’objectif de remplissage pourra être abaissé à 75 ou 80 %. Il faut rappeler que le règlement initial (UE) 2022/1032, adopté dans le sillage de la crise énergétique de 2022, fixait un objectif ambitieux. Il imposait, en effet, aux États membres d’atteindre un taux de remplissage de 90 % avant le début de la saison hivernale.
Ce gain de flexibilité réglementaire offre une marge de manœuvre bienvenue aux États. Mais cette évolution pourrait aussi entraîner de nouveaux ajustements sur les marchés. En particulier, elle pourrait influencer les stratégies d’achat et les capacités d’anticipation des besoins énergétiques. Reste une question centrale : comment les opérateurs intégreront-ils cette nouvelle marge de manœuvre dans leur planification ? Et, surtout, cette souplesse contribuera-t-elle à renforcer la tendance actuelle à la modération des prix, ou au contraire, à l’atténuer ?
Toutefois, si cette décision apporte une marge de manœuvre bienvenue pour certains pays du marché de l’énergie européen, elle n’est pas sans risques. Une réduction des volumes de gaz stockés à l’approche de l’hiver pourrait accroître la vulnérabilité du système énergétique européen. Et, cela, surtout en cas de vague de froid intense ou de perturbations dans l’approvisionnement. De plus, cette dépendance accrue aux importations spot, généralement plus onéreuses, pourrait engendrer une volatilité accrue des prix sur le marché de l’énergie.
La Commission de Régulation de l’Énergie (CRE) le rappelle clairement dans sa dernière évaluation du terme tarifaire de stockage, publiée au 1er avril 2025. La capacité de stockage demeure un levier essentiel, elle assure la stabilité des prix et garantit la sécurité d’approvisionnement énergétique.
Évolution du marché de l’électricité
Instabilité et tendance baissière
Contrairement au marché du gaz, celui de l’électricité se caractérise par une instabilité plus marquée. L’analyse du marché de l’énergie électrique sur l’EEX révèle des fluctuations importantes, bien que la tendance générale reste orientée à la baisse. Les données montrent un recul des prix de 62,87 €/MWh le 14 mars à 60,98 €/MWh le 11 avril. Néanmoins, suivant la même logique cyclique hebdomadaire que pour le gaz, le prix a rebondi à 61,64 €/MWh le lundi 14 avril.
La projection à plus long terme sur le marché de l’énergie électrique montre une situation contrastée avec des contrats CAL 2026 à 61,54 €/MWh, CAL 2027 à 59,17 €/MWh et une remontée pour CAL 2028 à 62,66 €/MWh. Cette courbe en “U” témoigne des incertitudes persistantes sur l’évolution des capacités de production et de la demande à moyen terme.
Une volatilité symptomatique d’un marché électrique en pleine mutation
La volatilité actuelle des prix de l’électricité n’est pas un phénomène isolé. Elle traduit la complexité croissante du marché de l’énergie électrique. Le marché du gaz est aujourd’hui influencé par une multitude de facteurs. Parmi eux : la variabilité des conditions météorologiques, la disponibilité des capacités de production, mais aussi la montée en puissance des énergies renouvelables. À cela s’ajoute l’évolution des usages de consommation, qui redessine peu à peu les équilibres traditionnels.
Le récent rapport de RTE sur les perspectives du système électrique européen à l’horizon 2025-2030 confirme cette lecture. Il insiste en particulier sur l’impact de la variabilité des sources renouvelables, comme l’éolien ou le solaire, dans la formation des prix de marché. En d’autres termes, l’intermittence inhérente à ces énergies, bien qu’indispensables à la transition, rend les prévisions plus incertaines et alimente les fluctuations tarifaires.
Dans ce contexte mouvant, deux leviers apparaissent comme stratégiques pour l’avenir du système énergétique. D’une part, la maîtrise des équilibres entre l’offre et la demande. D’autre part, le développement de capacités de flexibilité, indispensables pour garantir la stabilité du système électrique sur le long terme.
L’impact de l’IA sur la demande électrique future
L’un des défis majeurs qui se profile pour le marché de l’énergie électrique est l’explosion attendue de la demande liée au développement de l’intelligence artificielle. Selon les projections, la consommation électrique des centres de données en Europe pourrait augmenter de 66% d’ici 2030. Ce qui représente un volume supplémentaire pouvant atteindre 113 TWh.
Pour mieux mesurer l’ampleur des enjeux, un repère s’impose. Les 113 TWh évoqués équivalent, à peu de chose près, à la consommation annuelle des Pays-Bas, d’après les données d’Eurostat. Ce volume donne la pleine mesure du défi énergétique qui se profile, dans un contexte déjà tendu pour le marché européen de l’électricité.
Cette hausse significative de la demande intervient alors même que les États européens doivent accélérer la transition vers des énergies bas-carbone. Un virage qui implique des investissements colossaux dans les réseaux, les capacités de production et les systèmes de stockage. Autrement dit, il ne suffit pas de produire plus d’électricité. Il faut aussi adapter l’ensemble de l’écosystème énergétique pour absorber cette nouvelle consommation, sans compromettre la stabilité ni les objectifs climatiques.
Une pression croissante sur les réseaux face à l’explosion de la demande
Cette projection fait naître des inquiétudes légitimes quant à la capacité du système énergétique européen à absorber la hausse attendue de la demande. Et, la situation devient d’autant plus préoccupante que certains États prennent déjà des mesures radicales. C’est le cas de l’Irlande, qui a décidé de suspendre temporairement les nouveaux raccordements au réseau. D’autres pays, quant à eux, annoncent des délais pouvant aller jusqu’à sept ans pour intégrer de nouvelles installations.
Dans son rapport Digitalisation et Énergie, l’Agence Internationale de l’Énergie (AIE) alerte sur le rôle croissant que joueront les centres de données dans la hausse de la consommation électrique mondiale. Une tendance que confirme également Place des Énergies, tout en mettant en lumière les spécificités du marché européen, notamment la concentration des infrastructures et les contraintes réglementaires locales.
Face à cette pression, l’électricité bas-carbone, en particulier le nucléaire, pourrait devenir un levier de plus en plus sollicité. Mais, cette dépendance soulève de nouveaux défis. Car, moduler ou interrompre la production nucléaire selon les besoins du réseau n’est pas sans risque, ni sur le plan technique, ni économique. Le système électrique européen se retrouve ainsi confronté à un paradoxe de plus en plus tangible : réduire la consommation globale tout en alimentant des usages numériques toujours plus énergivores.
C’est l’un des grands défis de la décennie à venir. Il s’agira de concilier deux impératifs souvent perçus comme contradictoires : sobriété énergétique et développement technologique. Le tout, sans compromettre la sécurité d’approvisionnement, ni renoncer aux objectifs climatiques fixés à l’échelle européenne.
Perspectives et enjeux futurs du marché de l’énergie
L’équilibre délicat entre sécurité énergétique et transition écologique
Le marché de l’énergie européen se trouve aujourd’hui à la croisée des chemins, confronté à des objectifs parfois contradictoires. D’un côté, assurer la sécurité d’approvisionnement et maintenir des prix abordables. De l’autre, poursuivre la transition vers un mix énergétique plus durable.
L’assouplissement des règles de stockage de gaz illustre parfaitement ce dilemme. Il s’agit de soulager à court terme les États en difficulté, mais au risque de fragiliser la position de l’Europe face à d’éventuels chocs extérieurs. Cette stratégie de compromis, que Place des Énergies qualifie de ‘jeu avec les marges de sécurité’, reflète les tensions d’un marché en profonde mutation. Un marché qui cherche encore son nouvel équilibre.
Une directive européenne sous tension face à la montée des usages numériques
Dans ce contexte, la directive européenne (UE) 2023/1791 sur l’efficacité énergétique introduit un nouveau paramètre de complexité. Ce texte, adopté récemment, fixe un objectif contraignant de réduction de la consommation d’énergie de 11,7 % d’ici à 2030, en comparaison aux projections établies en 2020.
Mais, cet engagement ambitieux entre en friction directe avec la croissance exponentielle des besoins énergétiques liés à la numérisation, à la généralisation de l’intelligence artificielle et à l’essor des centres de données. En d’autres termes, l’Europe demande à ses États membres de consommer moins, alors même que ses infrastructures numériques exigent toujours plus d’électricité.
Cette tension entre sobriété énergétique et transition numérique révèle une contradiction profonde au cœur de la politique énergétique européenne. Elle constitue un défi stratégique de premier ordre pour les prochaines années, tant pour les gouvernements que pour les opérateurs du secteur. Comment concilier décarbonation, croissance technologique et sécurité énergétique dans un cadre réglementaire déjà très contraint ?
Le rôle ambivalent des nouvelles technologies
L’essor de l’intelligence artificielle présente un autre paradoxe pour le marché de l’énergie. Elle constitue également, par sa consommation croissante, un défi supplémentaire pour les infrastructures existantes.
Des études récentes, comme celle du Cambridge Centre for Alternative Finance, estiment que les algorithmes d’IA les plus sophistiqués peuvent nécessiter jusqu’à 500 fois plus d’énergie que le cerveau humain pour effectuer des tâches similaires. En outre, cette situation soulève des questions fondamentales sur les priorités à établir. Faut-il privilégier l’alimentation des besoins numériques ou garantir la progression de la transition énergétique ? Ces choix politiques structurants détermineront l’avenir du marché de l’énergie européen dans les prochaines décennies.
Le Pacte Vert européen (European Green Deal) vise une neutralité carbone d’ici 2050. Un objectif qui nécessite une transformation profonde du marché de l’énergie. La compatibilité de cette ambition avec l’explosion prévue de la consommation énergétique des centres de données et de l’IA reste une question ouverte.
Les décisions politiques et les investissements réalisés aujourd’hui façonneront le paysage énergétique européen pour les décennies futures. Dans ce contexte, les analyses et prévisions fournies par des observateurs comme Place des Énergies jouent un rôle essentiel pour éclairer les choix des acteurs publics et privés du marché de l’énergie.
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