Accéder à un coin de verdure en bas de chez soi ? Ce n’est pas gagné pour tout le monde. Selon une étude Insee publiée en avril 2025, un habitant sur deux des grandes villes françaises n’a aucun espace vert à moins de cinq minutes à pied. En effet, l’étude pointe de fortes inégalités selon les territoires. La forme des villes, leur densité ou encore leur mode d’aménagement expliquent en grande partie ces écarts. Dans un contexte de crise écologique et sanitaire, l’accès aux espaces verts urbains devient un enjeu majeur pour le bien-être des citadins. Et, un levier de plus en plus stratégique pour les politiques d’urbanisme.
Sommaire :
- L’inégal accès aux espaces verts urbains dans les grands centres
- Forêts publiques et parcs urbains : deux réalités complémentaires
- L’importance du temps de marche dans l’accès aux espaces verts urbains
- La disponibilité des espaces verts urbains par habitant
L’inégal accès aux espaces verts urbains dans les grands centres
L’étude de l’INSEE démontre que l’accessibilité aux espaces verts urbains varie considérablement d’une ville à l’autre. Seulement 50% des habitants des grands centres urbains disposent d’un espace vert à moins de cinq minutes à pied de leur domicile. Or, cette proportion fluctue fortement selon les territoires. Ainsi, à La Seyne-sur-Mer, seuls 12% des habitants bénéficient de cette proximité, tandis qu’à Creil, ce taux atteint 75%. Les grands centres urbains les plus peuplés (200 000 habitants ou plus) offrent généralement un meilleur accès. Puisque l’on compte 60% à Paris et 49% hors Paris, contre 34% dans les villes moins peuplées et moins denses. Cette disparité s’explique en partie par les configurations géographiques et les choix d’aménagement urbain historiques.
Précisons que cette accessibilité est mesurée en conservant les parcs et jardins d’au moins 0,1 hectare et les forêts publiques d’au moins 0,5 hectare. Par ailleurs, cette méthodologie respecte les recommandations de l’Organisation mondiale de la santé (OMS). En effet, dans son rapport de 2017, elle souligne que les espaces verts urbains sont indispensables pour des “villes saines et durables”. La topographie joue également un rôle déterminant, comme le montre l’exemple de La Seyne-sur-Mer où la bordure littorale explique en partie le moindre accès aux espaces verts urbains.
Forêts publiques et parcs urbains : deux réalités complémentaires
Les espaces verts urbains se divisent principalement en deux catégories : les forêts publiques et les parcs/jardins. Dans les 72 grands centres urbains étudiés, les forêts publiques représentent en moyenne 7% de la superficie des zones urbaines. Cependant, 20 grands centres en sont totalement dépourvus, tandis que d’autres, comme Fréjus, bénéficient d’une couverture exceptionnelle (43% grâce au massif de l’Estérel).
Les parcs et jardins, bien que moins étendus, jouent un rôle stratégique en milieu urbain dense. À Paris, les grands parcs de plus de 10 hectares constituent 76% de l’emprise totale des espaces verts urbains. Ces deux types d’espaces offrent des expériences complémentaires de nature en ville, mais leur accessibilité à pied varie considérablement.
D’après l’étude, 69% des espaces verts publics dans les grands centres urbains sont des forêts publiques. Cette proportion est particulièrement élevée dans les grands centres urbains de moins de 200 000 habitants peu denses (92%). Et, elle tend à diminuer à mesure que la population et la densité augmentent. L’éloignement des forêts publiques des centres-villes limite leur accessibilité. Puisque seuls 1,6% des habitants ont accès à une forêt publique à moins de 300 mètres de leur domicile, et 3,5% à moins de 900 mètres.

Les parcs de plus de 10 hectares contribuent aux deux tiers de la superficie des parcs et jardins urbains. Tandis que les parcs de 1 à 10 hectares représentent 26% de cette surface, et les squares et jardins de moins de 1 hectare, 8%. Ce maillage d’espaces verts de différentes tailles permet théoriquement de répondre à des besoins variés, des promenades quotidiennes aux activités de loisirs plus étendues.
L’importance du temps de marche dans l’accès aux espaces verts urbains
Si l’on étend le rayon d’accès à 15 minutes de marche (900 mètres), la proportion d’habitants ayant accès à un espace vert passe à 75%. Dans certaines villes comme Dijon, Grenoble ou Reims, 90% des habitants peuvent atteindre un espace vert en marchant 15 minutes. À l’inverse, à Quimper, Nîmes ou Bourges, moins de 40% des habitants y parviennent dans le même temps.
De plus, la diversité des choix s’accroît avec la distance : 23% des habitants ont accès à deux espaces verts en 15 minutes de marche, et 16% à trois espaces ou plus. Toutefois, même en marchant 15 minutes, 71% des habitants dans la moitié des grands centres urbains n’ont accès qu’à un seul, voire aucun espace vert.
La taille des espaces accessibles augmente également avec la distance : à moins de cinq minutes, 29% des citadins disposent d’espaces d’au moins 1 hectare. Alors qu’à quinze minutes, 32% de la population peut profiter d’espaces de 10 hectares ou plus. Cette observation est cruciale. Car, selon des études citées par l’OMS, les bienfaits des espaces verts urbains sur la santé augmentent avec leur taille. Les espaces verts dans les espaces urbains confirment leur rôle essentiel pour la santé publique, le renforcement des liens sociaux et l’écosystème urbain.
La disponibilité des espaces verts urbains par habitant
L’OMS recommande une disponibilité minimale de 10 m² d’espaces verts par habitant pour les parcs et jardins, et de 25 m² pour les forêts urbaines. Dans l’ensemble des grands centres urbains français, les habitants bénéficient en moyenne de 26 m² de forêts publiques et de 12 m² de parcs et jardins par personne. Cependant, ces moyennes cachent d’importantes disparités. En effet, plus des deux tiers des villes se situent en dessous du seuil recommandé pour les forêts urbaines, et une zone urbaine sur deux n’atteint pas celui des parcs et jardins.
Certaines villes se démarquent positivement, comme Valenciennes avec 192 m² de forêts par habitant, ou Bordeaux avec 29 m² de parcs par habitant. D’autres sont nettement en-dessous des recommandations, comme Marseille avec seulement 5 m² de parcs par habitant.
Ces chiffres prennent tout leur sens à la lumière de l’Agenda 2030 des Nations Unies, adopté en 2015. Ce dernier, fixe des objectifs pour l’accès de tous à des espaces verts. Plus récemment, le règlement européen de restauration de la nature adopté en 2024 vise une absence de perte des espaces verts urbains d’ici 2030 et une augmentation de leur surface d’ici 2050.
En France, cette préoccupation se traduit par plusieurs initiatives, notamment le Plan national Nature en ville (2024-2030) qui fait partie de la Stratégie nationale biodiversité 2030.
De nombreuses collectivités locales tentent d’améliorer l’accès aux espaces verts urbains en mettant en œuvre des concepts comme la règle du “3-30-300” (3 arbres visibles depuis chaque domicile, 30% de couverture arborée par quartier, espace vert à 300 m). Cette approche est particulièrement pertinente à la lumière des résultats de l’étude qui montrent que seuls quatre habitants sur dix ont actuellement accès à un espace vert d’au moins 0,5 hectare à moins de 300 mètres de leur domicile.