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Fiabilité du DPE : Pourquoi ce diagnostic énergétique fait débat ?

Fiabilité du DPE : Pourquoi ce diagnostic énergétique fait débat ?

Le Diagnostic de Performance Énergétique (DPE) est un outil clé dans la transition énergétique. Il classe les logements en fonction de leur consommation et de leurs émissions de CO2. Pourtant, la fiabilité du DPE est régulièrement remise en question. Un même bien peut obtenir des notes différentes selon le diagnostiqueur ou le logiciel utilisé, ce qui inquiète de nombreux propriétaires.

Ces incohérences ont été au cœur du webinaire “DPE : LE VRAI DU FAUX : Comment aider les Propriétaires ?”, réunissant trois experts : Henry Buzy-Cazaux, Président de l’IMSI, Christophe Demerson, Président de 35 Millions de Petits Propriétaires, et Jérémie Cachard, Gérant de VarDiag. Ils ont échangé sur les limites du DPE, ses erreurs de calcul et son impact sur les propriétaires. Alors, le DPE est-il réellement un outil fiable ?

Sommaire :

Le DPE, un outil sous le feu des critiques

Créé en 2006 et profondément réformé en 2021, le DPE est devenu un élément clé des transactions immobilières. Désormais, il conditionne les achats, les mises en location et affecte directement la valeur des biens. Cependant, de nombreux experts dénoncent son manque de fiabilité. En effet, un DPE peut donner des résultats différents pour un même logement selon le diagnostiqueur ou le logiciel utilisé.

D’après une étude menée en 2023 par l’UFC-Que Choisir, près de 60% des DPE réalisés sur un même bien présentaient des écarts de notation.

Christophe Demerson, président de 35 Millions de Petits Propriétaires, souligne une “psychose” autour du DPE : “Le problème, c’est que des propriétaires qui ont rénové leur logement et fait des efforts financiers se retrouvent toujours en classe F ou G, sans raison valable. Comment expliquer qu’un bien puisse être classé D chez un diagnostiqueur et F chez un autre ? Ces écarts sont inacceptables.”

Des méthodes de calcul contestées

Le DPE repose sur une méthode de calcul standardisée, appelée 3CL (Calcul de la Consommation Conventionnelle des Logements). Elle évalue la performance énergétique théorique d’un bien en fonction de critères techniques : isolation, système de chauffage, ventilation, etc.

“On ne peut pas dire aux gens : ‘faites des travaux, soyez vertueux’ et en même temps utiliser une méthode de calcul biaisée qui pénalise les logements chauffés à l’électricité.”, dénonce Henry Buzy-Cazaux, Président de l’IMSI.

Pourquoi ce calcul pose problème ?

  • Il ne tient pas compte des consommations réelles. Contrairement à d’autres pays, comme l’Allemagne, la France ne prend pas en compte les factures d’énergie des occupants.
  • Le coefficient d’énergie primaire pénalise l’électricité. Aujourd’hui, le calcul du DPE pénalise l’électricité avec un coefficient de 2,3, tandis qu’il attribue un coefficient de 1 au gaz et au bois. Résultat : un appartement chauffé à l’électricité sera systématiquement moins bien classé qu’un logement au gaz, même s’il est bien isolé.
  • Les bâtiments anciens sont mal évalués. Les immeubles haussmanniens ou les maisons en pierre ont souvent de mauvais classements, faute de prise en compte des matériaux spécifiques.

Christophe Demerson s’indigne : “Avec le coefficient 2,3, 50% des logements mal classés pourraient sortir de l’indécence si l’on passait à 1,9. C’est un problème politique, pas technique.”

De plus, certaines technologies récentes comme les isolants biosourcés ou les panneaux solaires ne sont pas bien intégrées dans l’algorithme du DPE. Jérémie Cachard explique que les logiciels actuels ne permettent pas toujours de valoriser correctement ces innovations, rendant certains travaux d’amélioration inefficaces en termes de notation.

Un impact injuste sur les petites surfaces et les logements en altitude

Les petites surfaces et les logements en montagne sont particulièrement touchés par les biais du DPE. En effet, un studio de moins de 30 m² est presque toujours classé F ou G, même avec une isolation performante. Pourquoi ? Parce que la production d’eau chaude sanitaire représente une part disproportionnée de la consommation d’énergie, faussant le résultat final.

Jérémie Cachard confirme ce problème : “On voit des studios rénovés classés en G simplement parce qu’ils ont un ballon d’eau chaude de 100 litres.”

Par ailleurs, les propriétaires de logements en montagne sont aussi victimes du mode de calcul du DPE. Les pompes à chaleur ne fonctionnent pas efficacement au-dessus de 800m d’altitude. Pour autant, elles restent fortement recommandées par le DPE. Résultat : des propriétaires remplacent leur chauffage par une pompe à chaleur inefficace, ce qui ne résout ni leurs factures ni leur classement énergétique.

Christophe Demerson : “On voit des gens en montagne avec des sèche-cheveux pour se réchauffer, car leur pompe à chaleur gèle en hiver.”

Des erreurs aux lourdes conséquences

Un mauvais classement DPE peut affecter les propriétaires de façon drastique.

Fiabilité du DPE : Pourquoi ce diagnostic énergétique fait débat ?
Un mauvais classement DPE peut avoir des impacts financiers importants pour les propriétaires. En outre, cette situation a poussé certains propriétaires à recourir à des pratiques douteuses, comme influencer les diagnostiqueurs pour obtenir une meilleure note. Comme l’a souligné Henry Buzy-Cazaux, “il y a toujours un risque de fraude, comme dans tous les métiers”.

Autre point soulevé : les diagnostiqueurs peu qualifiés. En effet, le secteur souffre d’un manque de régulation et de formation. Certains professionnels réalisent des DPE à la chaîne, parfois même à distance, ce qui pose un réel problème de fiabilité du DPE.

Henry Buzy-Cazaux met en garde : “Nous avons vu des propriétaires contraints de vendre à perte ou incapables de louer. Pour eux, c’est un drame économique. Le sujet serait le droit à la propriété. Il est gravement atteint avec un outil qui est discutable. Si l’outil de mesure était indiscutable, je serais le premier à dire : faites des travaux !”.

Jérémie Cachard, diagnostiqueur, ajoute : “Certains propriétaires se retrouvent avec une interdiction de location alors qu’ils ont investi dans l’isolation et le double vitrage. Le DPE ne reflète pas toujours la réalité.”

Le coût du DPE et le manque d’accompagnement

Le prix d’un DPE varie entre 100 et 300 euros, avec des disparités importantes selon les régions et les diagnostiqueurs. Cependant, la qualité n’est pas toujours au rendez-vous. Certains diagnostiqueurs pratiquent des DPE à prix cassés (50€), parfois réalisés sans visite réelle du bien.

“ Les propriétaires sont perdus. Beaucoup me demandent s’ils doivent vendre ou s’ils doivent faire des travaux, mais sans savoir où aller ni comment financer ces rénovations.”, explique Henry Buzy-Cazaux.

De plus, après un DPE mal classé, les propriétaires sont livrés à eux-mêmes. Il n’existe aucun suivi obligatoire pour les aider à réaliser les travaux nécessaires. Ainsi, les propriétaires sont souvent mal informés sur l’impact réel du DPE. Et, beaucoup découvrent trop tard que leur logement devient non louable.

Jérémie Cachard témoigne : “Beaucoup de propriétaires sont désemparés. Ils font un DPE sans comprendre que cela peut conditionner la valeur de leur bien pour les 10 prochaines années.”

Quelles solutions pour améliorer la fiabilité du DPE ?

Face à ces dysfonctionnements, plusieurs pistes d’amélioration sont évoquées :

  • Intégrer les consommations réelles. Actuellement, les factures d’énergie des occupants ne sont pas prises en compte. Certains experts proposent un DPE hybride, combinant données théoriques et historiques de consommation.
  • Réviser le coefficient d’énergie primaire. Le coefficient de 2,3 pour l’électricité est jugé injuste par les professionnels. Une révision à 1,9 permettrait à 50% des logements mal classés d’améliorer leur note, sans travaux supplémentaires.
  • Mieux encadrer la profession. Le métier manque de formation et de contrôle. La création d’un ordre des diagnostiqueurs ou d’un Haut Conseil du Diagnostic pourrait renforcer la qualité des évaluations et éviter les abus.
  • Adapter le DPE aux réalités du terrain. Modifier l’évaluation des bâtiments anciens et des petites surfaces. De même, les biens atypiques, comme les maisons anciennes ou les logements en montagne, sont mal évalués. Une approche plus souple et contextuelle éviterait des classements injustes.
  • Créer un accompagnement obligatoire après un DPE. Aider les propriétaires à comprendre comment améliorer leur note et financer les travaux. Développer des plateformes d’information et simplifier MaPrimeRénov’.

Conclusion

Le DPE joue un rôle clé dans la transition énergétique, mais son manque de fiabilité inquiète. Entre coefficient injuste, méthodes approximatives et conséquences lourdes, il devient urgent d’améliorer cet outil. Le webinaire “DPE : LE VRAI DU FAUX” a mis en lumière des solutions concrètes. Il appartient aux pouvoirs publics de corriger les failles pour garantir la fiabilité du DPE.

Isabelle DAHAN

Isabelle DAHAN

Rédactrice en chef de Monimmeuble.com. Isabelle DAHAN est consultante dans les domaines de l'Internet et du Marketing immobilier depuis 10 ans. Elle est membre de l’AJIBAT www.ajibat.com, l’association des journalistes de l'habitat et de la ville. Elle a créé le site www.monimmeuble.com en avril 2000.

1 commentaire pour “Fiabilité du DPE : Pourquoi ce diagnostic énergétique fait débat ?”

  1. En effet, vous avez soulevé les principaux problèmes liés à ces fameux DPE.
    Quand on a un outil aussi biaisé calculatoirement parlant, on ne devrait pas le rendre coercitif, mais simplement consultatif. Sachant que beaucoup d’améliorations suggérées par le logiciel sont contestables, probablement jamais économiquement rentables et qu’elles ne seront que rarement bénéficiaires à la planète.
    Le calendrier imposé ne tient pas compte des réalités physiques et économiques, de la disponibilité des maîtrises d’œuvre, des artisans, etc.
    Mais on est en France, et on aime bien se faire mal pour rien au mépris du bon sens. Nous mourrons guéris.

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