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Construction

Statut du bailleur privé : peut-il vraiment relancer le logement neuf ?

Statut du bailleur privé : peut-il vraiment relancer le logement neuf ?

Face à une crise du logement neuf qui s’approfondit chaque trimestre, la Fédération des Promoteurs Immobiliers (FPI) publie, dans son bilan du troisième trimestre 2025, un diagnostic sans appel. Les ventes chutent, les mises en chantier atteignent un niveau historiquement bas et l’investissement locatif s’est presque évaporé. Pour la fédération, l’absence d’un statut du bailleur privé explique en grande partie ce décrochage brutal. Ce dispositif, encore en débat dans le cadre du projet de loi de finances, est présenté comme l’outil indispensable pour relancer les investissements, réactiver les opérations et restaurer une production de logements capable de répondre à la demande. À travers les données, les analyses économiques et les prises de position de son président Pascal Boulanger, la FPI pose une question centrale : le statut du bailleur privé peut-il réellement devenir la clé de la relance du logement neuf ?


Sommaire :


À retenir – Le statut du bailleur privé

  • Le marché du logement neuf vit en 2025 une crise systémique qui affecte toute la chaîne de production, de l’investisseur particulier au logement social.
  • L’effondrement de l’investissement locatif, en baisse de plus de 55% selon les zones, met en péril la viabilité financière des programmes.
  • Le statut du bailleur privé est perçu par la FPI comme un outil de stabilisation indispensable pour redonner confiance aux ménages investisseurs.
  • Sans adoption rapide dans la loi de finances, la filière perdrait l’un de ses rares leviers pour relancer l’offre et répondre aux besoins de logement.

Pourquoi le marché du logement neuf s’effondre-t-il en 2025 ?

Une chute historique des réservations et des ventes

Le marché du logement neuf connaît en 2025 une contraction d’une ampleur rarement observée. Les chiffres publiés par la FPI pour le troisième trimestre sont sans équivoque. Ainsi, les ventes totales baissent de 20,4%, les ventes au détail chutent de 21,4%, et les ventes en bloc reculent de 18,9%. Pour les promoteurs, cette dégradation dépasse le cycle habituel des variations du marché. En cela, elle marque une rupture profonde des dynamiques commerciales.

La disparition des investisseurs particuliers constitue l’un des facteurs les plus déterminants. Depuis l’arrêt du dispositif Pinel, aucune mesure fiscale n’a pris le relais. Ce vide a produit un choc immédiat. Puisque les ménages qui investissaient dans le neuf ont disparu des statistiques. En 2024, ils représentaient plus d’un tiers des réservations. Alors qu’en 2025, ils tombent à 21%, et la baisse du segment locatif dépasse 55% selon les régions.

Dès lors, cette contraction du moteur locatif entraîne une cascade d’effets. On constate moins de préventes, moins de lancements, moins de logements sociaux intégrés dans les opérations. Le marché perd simultanément ses trois piliers : investisseurs, accédants et ventes en bloc. L’équation économique des programmes devient alors difficilement tenable.

Chute des ventes (T3 2024 - T3 2025)
Chute des ventes (T3 2024 – T3 2025)

L’investissement locatif s’évapore et met en danger la filière

La FPI insiste sur un point essentiel : l’investissement locatif constitue le « premier moteur » du marché. Sans ce moteur, les autres segments ne décollent pas.

Pascal Boulanger, président de la FPI, le résume dans une formule devenue emblématique : « Sans investisseurs particuliers, les opérations ne se lancent pas. Sans opérations, il n’y a ni logements sociaux, ni logements en accession. Le blocage est total. »

Le marché repose en effet sur un équilibre financier fragile. Les investisseurs particuliers représentent une part déterminante des préventes. Lorsque ces préventes disparaissent, les banques refusent de financer les chantiers. Le retrait des investisseurs agit alors comme un domino qui entraîne la suspension de nombreux projets.

L’effondrement du segment locatif explique aussi la baisse des ventes en bloc aux bailleurs sociaux. La chute atteint –19%, un signe que les bailleurs sociaux ne trouvent plus suffisamment d’opérations viables pour intervenir.

Un climat économique et politique qui renforce l’attentisme

On pourrait penser que les conditions macroéconomiques permettraient une reprise : inflation limitée (1%), taux stables (3,08%), croissance modérée (+0,5% au T3). Pourtant, ces signaux ne suffisent pas à réactiver la demande. La raison tient dans la montée de l’incertitude, à la fois économique, fiscale et politique.

L’OFCE (Observatoire Français des Conjonctures Économiques) estime que cette incertitude pèse pour 0,3 point sur la croissance annuelle du PIB, un chiffre significatif pour un marché aussi sensible que l’immobilier. Dans cet environnement instable, les ménages renoncent, reportent, ou se tournent vers des investissements jugés moins risqués. Pour la FPI, le statut du bailleur privé apparaît alors comme le signal politique capable d’inverser cette tendance.

En quoi le statut du bailleur privé serait-il un levier majeur pour relancer l’investissement ?

Un dispositif attendu pour remplacer le Pinel

Depuis la fin du Pinel, l’investissement locatif neuf évolue sans filet. La FPI insiste : aucune mesure n’a pris le relais, alors même que la demande locative reste élevée, notamment dans les zones tendues. Le marché évolue donc avec un vide réglementaire qui crée une situation inédite.

Le statut du bailleur privé répond à plusieurs attentes : il doit être lisible, stable, durable et incitatif. Contrairement aux dispositifs fiscaux temporaires, il s’inscrirait dans une logique structurelle. Les investisseurs, échaudés par la volatilité des dispositifs, sont désormais en quête de stabilité. C’est précisément ce que le statut ambitionne d’offrir.

Un impact direct sur les finances publiques et la production de logements

La FPI conteste l’idée selon laquelle un dispositif incitatif coûterait à l’État. Elle insiste au contraire sur ses externalités positives. Ainsi, la fédération affirme : « Ce statut permettra (…) d’augmenter les recettes de l’État. » Plus de logements construits, c’est plus de TVA, plus d’emplois, plus de taxes locales et plus de droits de mutation générés. Le statut aurait alors un effet multiplicateur sur l’économie, tout en permettant le maintien de la production de logements sociaux et intermédiaires.

Effondrement des investisseurs particuliers - statut du bailleur privé
Effondrement des investisseurs particuliers

Un instrument pour stabiliser un marché sous pression

Le marché ne souffre pas seulement d’un manque d’investisseurs. Les coûts augmentent, les normes se densifient, les marges s’érodent. Dans ce contexte, un signal fiscal stable pourrait sécuriser les acteurs et encourager la production de logements bas-carbone. La BCE introduit désormais un « facteur climat » dans sa grille d’analyse, ouvrant la voie à des financements avantageux pour des projets répondant aux objectifs environnementaux. Le statut du bailleur privé permettrait donc de mieux aligner incitations fiscales et transition écologique.

Comment la crise actuelle met-elle en lumière la nécessité d’un nouveau cadre législatif ?

Une année 2025 dramatique selon la FPI

La FPI qualifie 2025 « d’année dramatique ». Cette expression, rarement utilisée dans les publications institutionnelles, souligne la profondeur de la crise. Les chiffres des mises en chantier confirment cette gravité : seulement 139 154 logements collectifs ont été mis en chantier sur douze mois, contre plus de 200 000 avant 2019.

Pascal Boulanger résume la situation en des termes particulièrement alarmants : « L’heure est grave. Jamais le sort du logement neuf n’aura été aussi incertain. »

Les députés convergent, mais le calendrier législatif bloque

La dimension politique occupe une place centrale dans le dossier. Le statut du bailleur privé figure dans le projet de loi de finances 2026. Mais son adoption dépend d’un vote budgétaire de plus en plus incertain.

Pascal Boulanger met en garde : « S’il n’y a pas de loi de finances à la fin de l’année, il n’y aura pas de statut du bailleur privé. » Et il en appelle directement aux parlementaires : « Mesdames et Messieurs les parlementaires, ce sujet semble faire consensus. Soyez responsables ! »

Son message est clair : la filière retient son souffle, suspendue à un vote qui conditionnera la relance du logement neuf.

Les enjeux économiques, sociaux et environnementaux

La FPI insiste sur la nécessité d’une approche globale. Le logement ne peut plus être dissocié des enjeux de transition écologique, d’aménagement du territoire ou encore de cohésion sociale. En effet, la densité urbaine et la qualité des infrastructures restent essentielles pour réduire l’empreinte carbone et favoriser des modes de vie durables. Le statut du bailleur privé s’inscrit donc dans un cadre plus large : celui d’une stratégie nationale de production de logements alignée sur les défis contemporains.

Le statut du bailleur privé peut-il réellement relancer la production de logements ?

Un moteur conditionnel mais déterminant

Ce statut ne pourra fonctionner que s’il offre une réelle lisibilité et un engagement durable de l’État. La confiance des investisseurs repose sur des règles stables. Si le statut répond à cette attente, il pourrait enclencher un cercle vertueux. Pascal Boulanger alerte sur les conséquences d’un abandon : « Ce serait un échec collectif et une catastrophe pour tous nos concitoyens. » Il rappelle ainsi que le logement n’est pas un secteur comme un autre : il conditionne les équilibres sociaux, économiques et environnementaux du pays.

Un effet de levier sur toute la chaîne de valeur

La relance de l’investissement locatif permettrait de réactiver les préventes, les mises en chantier, et par ricochet la production de logements sociaux. Le marché du logement fonctionne comme un écosystème : lorsque l’un des moteurs s’arrête, c’est toute la chaîne qui se bloque. Le statut du bailleur privé pourrait donc avoir un effet de levier considérable, d’autant plus puissant qu’il viendrait stabiliser un cadre devenu trop mouvant pour les acteurs privés.

Un outil qui doit s’inscrire dans une stratégie plus large

La FPI reconnaît que le statut, aussi important soit-il, ne suffira pas à résoudre seul la crise. D’autres leviers devront être activés :

  • accélération des procédures d’urbanisme,
  • simplification normative,
  • réduction des coûts de construction,
  • accompagnement de la transition énergétique.

Mais, sans ce premier signal, aucune stratégie ne pourra s’appuyer sur une demande suffisamment solide pour enclencher une relance durable.

Isabelle DAHAN

Isabelle DAHAN

Rédactrice en chef de Monimmeuble.com. Isabelle DAHAN est consultante dans les domaines de l'Internet et du Marketing immobilier depuis 10 ans. Elle est membre de l’AJIBAT www.ajibat.com, l’association des journalistes de l'habitat et de la ville. Elle a créé le site www.monimmeuble.com en avril 2000.

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