L’étude “Tourisme 2.0 : anatomie de la France Airbnb”, publiée par l’Institut Terram en octobre 2025, lève le voile sur une révolution silencieuse. Celle-ci redessine en profondeur le paysage touristique français. En moins d’une décennie, Airbnb s’est imposée dans plus de 80% des communes françaises. Elle transforme ainsi un modèle hôtelier centenaire en une économie numérique hyper-localisée. À travers cartes, chiffres inédits et enquêtes de terrain, ce rapport interroge : Airbnb en France est-il un levier de dynamisation des territoires oubliés ou un facteur d’aggravation des fractures sociales et résidentielles ? La réponse se joue à l’échelle des villes, des villages et des politiques publiques.
Sommaire :
- Comment Airbnb redéfinit-elle la carte touristique de la France ?
- Quels impacts économiques pour les territoires ?
- Airbnb accentue-t-elle les fractures sociales ?
- Quels risques pour le logement permanent ?
- Vers quel avenir pour Airbnb en France ?
À retenir – Airbnb en France : menace ou opportunité pour nos territoires ?
- Airbnb est présent dans plus de 81% des communes françaises.
- Le volume de nuitées sur les plateformes a plus que doublé entre 2018 et 2024.
- Certaines zones littorales dépassent 70 000 nuitées par an pour 1 000 habitants.
- Airbnb a reversé 218 millions € de taxe de séjour à 25 700 communes en 2024.
- La régulation s’intensifie en 2025.
Comment Airbnb redéfinit-elle la carte touristique de la France ?
Une décennie d’expansion fulgurante (2013-2024)
En 2013, seules quelques stations de ski, métropoles et zones côtières utilisaient Airbnb en France. En 2024, plus de huit communes sur dix proposent au moins une offre via la plateforme. Cette montée en puissance s’est faite sans construction massive de nouveaux logements touristiques. Airbnb s’appuie donc principalement sur le parc résidentiel existant : résidences principales, secondaires, ou logements vacants.
Le nombre de nuitées réservées sur les plateformes a explosé : 85,5 millions en 2018, contre 192,4 millions en 2024. Cela dépasse largement la progression de l’hôtellerie traditionnelle, restée stable sur la même période. Ainsi, entre 2013 et 2024, les cartes de l’Institut Terram montrent une transition marquante. On est passé d’un modèle centré sur les grandes villes vers une diffusion généralisée à l’ensemble du territoire. Même les zones rurales et enclavées deviennent accessibles au tourisme de court séjour.

Les métropoles et littoraux en tête, mais aussi les zones rurales
À Paris, certains arrondissements comme le 1er, Montmartre ou les abords de l’Arc de Triomphe enregistrent plus de 15 000 nuitées pour 1 000 habitants. Marseille connaît aussi une forte dynamique post-Covid. Toutefois, cette attractivité n’est pas homogène. Des quartiers périphériques comme les Goudes ou l’Estaque bénéficient également de l’essor d’Airbnb, attirant un public en quête d’authenticité.
Sur la côte aquitaine, la commune de Moliets-et-Maa (Landes) atteint 70 676 nuitées pour 1 000 habitants, tandis que Lacanau (Gironde) enregistre 43 542 nuitées. Dans les campagnes, comme dans la vallée de la Vézère, certaines communes dépassent 15 000 nuitées. Ces données illustrent l’intérêt croissant pour le tourisme vert, durable et patrimonial.
Quels impacts économiques pour les territoires ?
Un effet de levier pour les petites communes
En France, seules 5 418 communes (15,6%) possèdent un hôtel. En revanche, 28 289 disposent d’au moins une offre Airbnb. Ce contraste est encore plus frappant dans les villages de moins de 500 habitants. Puisque 67% y accueillent un meublé de tourisme via Airbnb, contre 5% pour l’hôtellerie classique.
Par exemple, à Saint-Aignan (Loir-et-Cher), village de moins de 3 000 habitants, le Zooparc de Beauval attire un fort tourisme familial. Résultat : plus de 73 000 nuitées y sont comptabilisées annuellement. Cela soutient l’économie locale par la réouverture de commerces et la création d’emplois saisonniers.
De plus, les communes dépassant les 10 000 nuitées affichent une densité commerciale doublée par rapport aux autres. Ce phénomène s’explique par une meilleure fréquentation et une consommation locale accrue.
Des recettes fiscales en forte hausse
En 2024, Airbnb a reversé 218 millions € de taxe de séjour à 25 700 communes françaises. Cela représente une hausse de +16% par rapport à l’année précédente. Pas moins de 315 communes ont perçu chacune plus de 100 000 €.
Ces ressources permettent de financer des projets structurants : rénovation de monuments, ouverture de services culturels, ou encore amélioration de la signalétique touristique. Dans certains cas, elles compensent la baisse des dotations publiques.
Airbnb accentue-t-elle les fractures sociales ?
Vacances inégalitaires, arbitrages contraints
Aujourd’hui, 95% des Français estiment que le tourisme est devenu plus cher. Et 81% considèrent que partir en vacances est un luxe. Le logement constitue 36,3% du budget vacances. Chez les utilisateurs Airbnb, cette part grimpe à 38%. Les jeunes femmes et les familles monoparentales sont les plus impactées.
Airbnb peut offrir une solution d’adaptation à ces contraintes. Mais il ne gomme pas les inégalités d’accès. Il répond à une demande flexible, mais accentue parfois la segmentation sociale du tourisme.
Qui sont vraiment les utilisateurs d’Airbnb en France ?
Voici les principaux traits des usagers :
- 30% des Français utilisent régulièrement la plateforme.
- 39% ont moins de 35 ans.
- 74% sont actifs, 57% sont propriétaires.
- La durée moyenne de séjour est de 5 jours.
- Les principales motivations sont le prix (43%) et le confort (39%).
Airbnb touche une population diverse, mais reflète aussi des lignes de fracture entre vacanciers réguliers et précaires, entre propriétaires et locataires, entre zones attractives et périphéries désertées.
Quels risques pour le logement permanent ?
Un effet inflationniste sur le foncier et l’immobilier
Dans des communes comme Moliets-et-Maa, 80,6% des logements sont des résidences secondaires. La généralisation de la location courte durée retire des logements du marché résidentiel. En outre, cela provoque une envolée des loyers, y compris dans des villes moyennes. Cette tension foncière favorise la spéculation immobilière. Ainsi, elle pousse les habitants permanents hors des centres-villes, contribuant à une désertification résidentielle dans les zones touristiques.
Une régulation qui se durcit depuis 2018
Depuis 2019, les plateformes déclarent automatiquement les revenus locatifs aux impôts. En 2025, plus de 450 communes imposent un numéro d’enregistrement obligatoire. Certaines villes comme Paris, Bordeaux ou Lyon exigent une compensation logement. Les sanctions administratives s’élèvent jusqu’à 100 000 € par logement non déclaré. Ainsi, les collectivités renforcent leur arsenal pour encadrer les dérives du modèle.
Vers quel avenir pour Airbnb en France ?
L’événementiel comme levier de développement local
Lors de certains événements, l’offre Airbnb absorbe des pics touristiques importants. Le Festival de la BD d’Angoulême voit ses nuitées passer de 1 300 à 4 000 en une semaine. Aux 24H du Mans, on dénombre 16 000 nuitées en ville, et 10 000 supplémentaires dans un rayon de 15 km. Même en zone rurale, des festivals comme le Hellfest ou les Vieilles Charrues font bondir la demande au-delà des capacités hôtelières locales. Airbnb agit alors comme une soupape logistique.
Entre innovation et tension, une équation à résoudre
Airbnb constitue un amortisseur territorial utile dans les zones sous-dotées. Toutefois, sans régulation, il peut aggraver la précarité résidentielle. L’Institut Terram propose une gouvernance différenciée selon les territoires. Elle doit allier :
- Soutien au tourisme rural ;
- Protection du logement permanent ;
- Garantie du droit au départ pour tous.
La conciliation de ces objectifs suppose un cadre légal adapté et des outils fiscaux intelligents. Ainsi, Airbnb en France peut redevenir un levier plutôt qu’un fardeau.

