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Copropriété

Charges de copropriété impayées : le paiement tardif n’évite pas les frais

Charges de copropriété impayées : le paiement tardif n’évite pas les frais

Le Tribunal judiciaire de Paris a rendu, le 11 septembre 2025, une décision révélatrice concernant les charges de copropriété impayées (RG n° 24/01828). Ce jugement illustre une réalité souvent méconnue des copropriétaires défaillants. Régler sa dette après l’assignation ne suffit pas à éviter les sanctions financières. La SCI Le Plateau de Bouaflé en a fait l’expérience. Malgré le paiement intégral de son arriéré de 17 855,64 euros, elle a été condamnée à verser 1 500 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile. Cette affaire pose une question essentielle : quelles sont les véritables conséquences d’un retard de paiement des charges de copropriété impayées ? Le tribunal apporte des réponses claires sur la responsabilité financière du copropriétaire défaillant et les frais incompressibles liés à la procédure judiciaire.


Sommaire :


À retenir – Charges de copropriété impayées

  • Le paiement tardif ne dispense pas des frais de justice.
  • La procédure impose des étapes obligatoires.
  • L’article 768 du code de procédure civile exige une vigilance absolue.
  • L’exécution provisoire de droit s’applique automatiquement.
  • La représentation par avocat spécialisé maximise les chances de succès.

Pourquoi le paiement tardif des charges de copropriété impayées n’efface-t-il pas les frais de justice ?

Le principe juridique est sans ambiguïté. Lorsqu’un syndicat de copropriétaires engage une action en justice pour recouvrer des charges de copropriété impayées, le copropriétaire défaillant assume les conséquences de son retard.

Dans l’affaire jugée par le Tribunal judiciaire de Paris le 11 septembre 2025 (RG n° 24/01828), la SCI Le Plateau de Bouaflé a payé l’intégralité de sa dette de 17 855,64 euros après l’assignation du 31 janvier 2024. Le syndicat des copropriétaires de l’immeuble situé à Paris 16ème a alors déposé des conclusions de désistement concernant sa demande principale en paiement.

Toutefois, le tribunal a maintenu la condamnation aux dépens et aux frais irrépétibles. Cette décision s’appuie sur l’article 696 du Code de procédure civile. Ce texte stipule que “la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie”. L’article 700 du même code permet au juge de condamner la partie tenue aux dépens à verser une somme pour les frais exposés non compris dans les dépens.

Pourquoi le paiement tardif des charges de copropriété impayées n'efface-t-il pas les frais de justice ?

La juridiction parisienne a donc considéré que la SCI n’avait pas réglé ses charges de copropriété impayées malgré les relances et mises en demeure qui lui avaient été adressées. Selon les termes du jugement : “Le syndicat des copropriétaires a été contraint d’engager la présente procédure afin obtenir le paiement de sa créance”. or, cette contrainte justifie pleinement la condamnation de la SCI au paiement de 1 500 euros au titre de l’article 700, en plus des entiers dépens de l’instance.

Les fondements juridiques de la condamnation

L’article 768 du Code de procédure civile joue un rôle déterminant dans cette affaire. En effet, ce texte impose aux parties de reprendre dans leurs dernières conclusions l’ensemble de leurs prétentions et moyens.

Le texte précise : “les parties doivent reprendre dans leurs dernières conclusions les prétentions et moyens présentés ou invoqués dans leurs conclusions antérieures. À défaut, elles sont réputées les avoir abandonnés et le tribunal ne statue que sur les dernières conclusions déposées”.

Dans le cas présent, le syndicat avait initialement réclamé 3 000 euros de dommages et intérêts pour le préjudice causé par les charges de copropriété impayées. Or, comme le relève le jugement : “aux termes de ses dernières conclusions, le demandeur ne reprend ni ne développe aucun moyen de droit ou de fait au soutien de cette demande”. Le tribunal l’a donc débouté de sa réclamation en dommages et intérêts en application de l’article 768 du Code de procédure civile.

Cette décision illustre l’importance de la rigueur procédurale. Un syndicat doit impérativement reprendre et développer chacune de ses demandes dans ses conclusions finales, sous peine de voir celles-ci réputées abandonnées.

L’article 472 du Code de procédure civile encadre les situations où le défendeur ne comparaît pas. La SCI Le Plateau de Bouaflé, citée à personne morale, n’a pas constitué avocat durant toute la procédure. Selon cet article : “si le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond et le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l’estime régulière, recevable et bien fondée”. Cette règle protège les droits de la défense tout en permettant au syndicat d’obtenir une décision sur le fond de son litige concernant les charges de copropriété impayées.

Quelles sont les étapes de la procédure de recouvrement des charges de copropriété impayées ?

Lorsqu’un copropriétaire ne règle pas ses charges, le syndic doit suivre une procédure stricte encadrée par la loi. Cette procédure, souvent longue et formelle, illustre la rigueur nécessaire pour obtenir le recouvrement des sommes dues.

Les relances amiables : première étape indispensable

Tout commence par des relances amiables adressées par le syndic. Dans cette affaire, le syndic de copropriété a multiplié les rappels afin d’obtenir un règlement volontaire des sommes impayées. En l’absence de réaction, le syndic passe à une mise en demeure formelle envoyée au copropriétaire défaillant.

Le commandement de payer : un préalable obligatoire

Faute de réponse, un commandement de payer a été délivré. Cet acte, établi par un commissaire de justice, constitue une étape légale incontournable avant toute action judiciaire. Il notifie officiellement au copropriétaire qu’il dispose d’un dernier délai pour régulariser sa situation avant la saisine du tribunal.

L’assignation en justice : passage à la phase contentieuse

Face à la persistance du non-paiement, le syndicat des copropriétaires a saisi la justice. Ainsi, une assignation a été délivrée par acte de commissaire de justice. Le syndicat y réclamait :

  • 17 855,64 € de charges impayées arrêtées au 18 janvier 2024,
  • les intérêts au taux légal à compter du 30 novembre 2023,
  • 3 000 € de dommages et intérêts,
  • et 3 000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

Un rebondissement procédural

La procédure a connu un incident procédural majeur. Par jugement du 20 février 2025, le tribunal a révoqué l’ordonnance de clôture du 24 octobre 2024. Cette décision visait à permettre au syndicat de notifier régulièrement à la SCI défenderesse ses conclusions de désistement. Un nouvel acte de commissaire de justice, délivré le 19 mars 2025, a régularisé la notification conformément aux exigences légales.

Une procédure longue et encadrée

L’instruction s’est finalement clôturée le 14 mai 2025, et l’affaire a été plaidée le 12 juin 2025 en audience publique. Le jugement a ensuite été mis en délibéré au 11 septembre 2025. Cette chronologie illustre la durée souvent incompressible des procédures de recouvrement en copropriété, qui peuvent s’étendre sur plusieurs mois malgré la rigueur des démarches entreprises.

Chronologie de la procédure judiciaire
Chronologie de la procédure judiciaire

Quels sont les effets du désistement d’action sur les frais de justice ?

Les articles 394 et suivants du Code de procédure civile encadrent le désistement d’action.

Selon le jugement : “le demandeur peut se désister de sa demande en vue de mettre fin à l’instance et ce désistement est parfait par l’acceptation du défendeur. Cette acceptation n’est pas nécessaire si le défendeur n’a pas conclu au fond ou n’a soulevé aucune fin de non-recevoir au moment du désistement”.

Dans cette affaire portant sur le recouvrement de charges de copropriété impayées, le tribunal a tiré toutes les conséquences du comportement du copropriétaire. La SCI Le Plateau de Bouaflé n’ayant pas constitué avocat ni présenté de conclusions au fond, le désistement du syndicat des copropriétaires a pu être constaté sans son accord exprès. Le tribunal a donc acté le désistement de la demande initiale portant sur 17 855,64 € de charges impayées, arrêtées au 3e trimestre 2024 inclus.

Le syndicat a motivé son désistement par le règlement intégral de la dette :

“La SCI Le Plateau de Bouaflé a réglé, postérieurement à la délivrance de son assignation, la totalité de l’arriéré des charges de copropriété dues.” Autrement dit, le copropriétaire a payé — mais trop tard, c’est-à-dire après le lancement de la procédure judiciaire.

Malgré ce paiement, le tribunal a estimé que le syndicat avait légitimement engagé la procédure. Il a donc condamné la SCI au paiement des frais de justice, considérant que son inaction initiale avait directement provoqué l’action en recouvrement.

Cette décision rappelle une règle essentielle :

Régler ses charges après coup ne suffit pas à effacer les conséquences d’un impayé.
Même en cas de désistement du syndicat, les frais de procédure restent à la charge du copropriétaire défaillant dès lors que son retard a entraîné une action judiciaire.

Quels sont les frais incompressibles en cas de charges de copropriété impayées ?

Dans toute procédure judiciaire en matière de copropriété, les frais de justice se répartissent selon des règles précises. L’affaire opposant le syndicat des copropriétaires à la SCI Le Plateau de Bouaflé en offre une illustration concrète.

Les dépens : des frais incontournables

Les dépens constituent la première catégorie de frais supportés par la partie perdante.
Ils regroupent notamment :

  • les émoluments du commissaire de justice,
  • le commandement de payer,
  • ainsi que la notification des conclusions.

À ces frais s’ajoutent les frais de greffe engagés tout au long de la procédure. Le syndicat des copropriétaires avait dû avancer ces sommes pour faire valoir ses droits face aux charges impayées. Dans son jugement, le tribunal a condamné la SCI Le Plateau de Bouaflé “aux entiers dépens de l’instance”. Autrement dit, elle doit rembourser l’intégralité de ces frais au syndicat qui en a fait l’avance.

L’indemnité complémentaire de l’article 700

Au-delà des dépens, l’article 700 du Code de procédure civile permet au juge d’accorder une indemnisation complémentaire.

Ce texte prévoit que : “Le juge condamne la partie tenue aux dépens ou la partie perdante à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.”

En pratique, cette indemnité couvre les honoraires d’avocat et les frais annexes non remboursables autrement. Dans cette affaire, le tribunal a fixé cette somme à 1 500 euros, soit un montant inférieur aux 3 000 euros réclamés initialement par le syndicat. Cette somme vise à compenser les frais de défense engagés pour le recouvrement des charges de copropriété impayées.

Une demande de dommages et intérêts rejetée

Le syndicat avait également sollicité 3 000 euros de dommages et intérêts pour le préjudice subi du fait du retard de paiement. Cependant, cette demande a été rejetée, le tribunal ayant constaté l’absence de reprise de cette prétention dans les dernières conclusions du syndicat, sans moyens de droit ni de fait à l’appui.

Selon la pratique des tribunaux, les montants accordés au titre de l’article 700 varient généralement entre 1 000 et 3 000 euros en première instance, selon :

  • la complexité du dossier,
  • les diligences accomplies,
  • et la situation économique des parties.

Charges impayées : le jugement exécutoire de droit impose un paiement immédiat

Dans cette affaire, le tribunal a rappelé une règle essentielle du droit procédural : l’exécution provisoire de droit.

Les articles 514 et suivants du Code de procédure civile, dans leur rédaction issue du décret n°2019-1333 du 11 décembre 2019, ont profondément modifié la portée des jugements de première instance. Depuis le 1er janvier 2020, toute décision rendue en première instance est exécutoire à titre provisoire de plein droit, sauf si la loi ou le juge en décide autrement. En d’autres termes, le jugement produit ses effets immédiatement, même si la partie condamnée décide de faire appel.

Dans ce dossier, le tribunal a explicitement rappelé que : “L’exécution provisoire du jugement est de droit.” Cette précision n’est pas anodine. Puisqu’elle signifie que la SCI ne peut retarder le paiement des sommes dues — dépens et indemnité de 1 500 € au titre de l’article 700 — en invoquant un éventuel recours en appel.

Concrètement, la SCI doit s’exécuter dès la notification du jugement. Le recours éventuel ne suspend donc pas le paiement. Cette règle vise à renforcer l’efficacité des décisions de justice et à garantir la sécurité financière du syndicat qui a avancé les frais pour recouvrer les charges impayées. Grâce à cette exécution provisoire de droit, les syndicats de copropriétaires peuvent obtenir plus rapidement le remboursement des frais engagés, sans subir de longs délais d’appel. Cette mesure, introduite pour désengorger les tribunaux et accélérer les règlements de litiges, constitue un levier majeur de protection pour les copropriétés confrontées aux impayés.

Comment les syndicats de copropriétaires peuvent-ils optimiser leurs chances de succès ?

En matière de charges de copropriété impayées, la réussite d’une procédure repose avant tout sur la rigueur du formalisme juridique. Chaque étape compte, du premier courrier de relance jusqu’à la plaidoirie finale.

Des étapes préalables incontournables

Le syndicat des copropriétaires doit respecter un parcours strictement encadré par la loi :

  1. Relances amiables,
  2. Mise en demeure formelle,
  3. Commandement de payer délivré par commissaire de justice.

Chaque acte doit être notifié dans les formes légales au copropriétaire défaillant. Dans cette affaire, la révocation de l’ordonnance de clôture illustre parfaitement l’importance de cette rigueur : le tribunal a dû rouvrir la procédure pour permettre une notification régulière des conclusions de désistement.

Des montants chiffrés avec précision

Le montant des charges impayées doit être exactement arrêté à une date donnée. Le syndicat avait d’abord réclamé 17 855,64 euros arrêtés au 18 janvier 2024, puis actualisé ce chiffre au 3e trimestre 2024 dans ses conclusions. Cette précision comptable évite toute contestation sur le quantum de la dette et démontre le sérieux de la gestion financière du syndicat.

Des conclusions conformes à l’article 768 du Code de procédure civile

La rédaction des conclusions exige une vigilance absolue. En effet, toute demande non reprise dans les dernières conclusions est réputée abandonnée. Ce principe, énoncé à l’article 768 du Code de procédure civile, a joué un rôle déterminant dans ce dossier. Puisque le syndicat a perdu sa demande de 3 000 euros de dommages et intérêts faute de l’avoir réintroduite dans ses dernières écritures.

L’importance d’un avocat spécialisé

Le choix d’un avocat rompu au droit de la copropriété s’avère essentiel pour défendre efficacement les intérêts du syndicat. Dans cette affaire, le syndicat était représenté par Maître Éric Canchel (SELEURL Canchel, barreau de Paris, vestiaire D0937). Son expertise a permis d’obtenir la condamnation de la SCI aux frais de procédure, en démontrant que le syndicat avait été contraint d’engager la procédure pour obtenir le paiement de sa créance.

Un dossier solide, gage de crédibilité

Enfin, un dossier complet et documenté constitue l’arme la plus efficace face à un copropriétaire défaillant. Conserver toutes les preuves de relances, mises en demeure et échanges permet de prouver la mauvaise foi ou la négligence du débiteur. Cette traçabilité renforce la position du syndicat devant le juge et accélère le règlement du contentieux.

Isabelle DAHAN

Isabelle DAHAN

Rédactrice en chef de Monimmeuble.com. Isabelle DAHAN est consultante dans les domaines de l'Internet et du Marketing immobilier depuis 10 ans. Elle est membre de l’AJIBAT www.ajibat.com, l’association des journalistes de l'habitat et de la ville. Elle a créé le site www.monimmeuble.com en avril 2000.

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