Le 11 septembre 2025, le Tribunal judiciaire de Paris a rendu une décision majeure concernant le droit à la prise en copropriété. Cette décision, référencée sous le numéro RG 24/06584, éclaire les copropriétaires sur leurs obligations lorsqu’ils souhaitent installer une borne de recharge pour véhicule électrique. L’affaire oppose les consorts X au syndicat de copropriété d’un immeuble parisien. Ces derniers ont installé une borne électrique sans respecter la procédure légale. Résultat : le tribunal ordonne la dépose de l’installation et la remise en état des parties communes. Cette jurisprudence rappelle un principe essentiel. Le droit à la prise en copropriété n’est pas absolu. Il doit respecter des formalités strictes définies par le Code de la construction et de l’habitation. Notification complète, délais de contestation, autorisation de l’assemblée générale : autant d’étapes obligatoires. Quelles sont précisément ces obligations ? Comment éviter les erreurs coûteuses ?
Sommaire :
- Qu’est-ce que le droit à la prise en copropriété ?
- Quelle procédure respecter pour installer une borne électrique ?
- Quels sont les motifs légitimes d’opposition au droit à la prise ?
- Quelles sanctions en cas de non-respect du droit à la prise ?
- Comment sécuriser son projet d’installation de borne électrique ?
À retenir – Droit à la prise en copropriété
- La notification doit être complète.
- L’autorisation de l’assemblée générale reste obligatoire.
- Le projet collectif prime sur l’installation individuelle.
- Le délai de trois mois du syndic est strict.
- Les sanctions peuvent être lourdes.
Qu’est-ce que le droit à la prise en copropriété ?
Définition juridique du droit à la prise
Le droit à la prise en copropriété constitue un dispositif légal permettant aux copropriétaires d’équiper leur place de stationnement d’une borne de recharge électrique. L’article L.113-16 du Code de la construction et de l’habitation encadre ce droit. Il autorise l’installation d’équipements dédiés à la recharge des véhicules électriques ou hybrides rechargeables.
Selon ce texte, “le propriétaire d’un bâtiment doté de places de stationnement d’accès sécurisé à usage privatif ou, en cas de copropriété, le syndicat des copropriétaires représenté par le syndic ne peut s’opposer sans motif sérieux et légitime” à cette installation.
La loi impose également un comptage individualisé des consommations électriques. Les frais d’installation restent à la charge du demandeur. Pour rappel, ce dispositif répond à l’objectif de transition énergétique et facilite l’adoption des véhicules propres.
Qui peut exercer le droit à la prise en copropriété ?
Plusieurs personnes peuvent bénéficier du droit à la prise en copropriété. D’abord, les copropriétaires propriétaires d’une place de stationnement. Ensuite, les locataires ou occupants de bonne foi disposant d’un emplacement privatif.
Dans le cas jugé par le Tribunal de Paris le 11 septembre 2025, Monsieur X invoque sa qualité d’héritier pour exercer ce droit. En effet, l’article 724 du Code civil prévoit que “les héritiers désignés par la loi sont saisis de plein droit des biens, droits et actions du défunt”. Le tribunal reconnaît cette qualité en s’appuyant sur l’attestation notariale fournie. Monsieur X peut donc légitimement notifier son projet au syndic. En outre, cette reconnaissance facilite l’exercice du droit à la prise pour les héritiers, même lorsque la succession n’est pas encore clôturée.
Quelle procédure respecter pour installer une borne électrique ?
Les documents obligatoires à fournir
L’article R.113-8 du Code de la construction et de l’habitation impose des formalités strictes pour exercer le droit à la prise en copropriété.
En premier lieu, le demandeur doit notifier son intention par écrit au syndic. Cette notification doit obligatoirement comporter trois documents techniques :
- Un descriptif détaillé des travaux à entreprendre, incluant le type de borne installée et le bilan de puissance électrique.
- Un plan technique d’intervention précisant les modalités de passage des câbles et les zones d’intervention.
- Un schéma de raccordement électrique conforme aux normes de sécurité en vigueur.
Dans cette affaire, les consorts X ont simplement adressé un courrier décrivant sommairement le passage du câble. Or, ce courrier ne comportait aucune pièce jointe technique. Même le courrier ultérieur, accompagné de devis des sociétés ainsi que de photographies, ne satisfait pas aux exigences légales selon le tribunal.
Les délais de réponse du syndic
Puis, une fois la notification complète reçue, le syndic dispose d’un délai de trois mois pour réagir. S’il souhaite s’opposer au projet, il doit saisir le président du tribunal judiciaire selon la procédure accélérée au fond.
L’article R.113-8 précise que cette saisine doit intervenir “à peine de forclusion” dans les trois mois à compter de la notification. Passé ce délai, le copropriétaire acquiert définitivement le droit à la prise en copropriété. Il peut alors faire procéder aux travaux conformément au descriptif fourni. Le syndic doit également informer les copropriétaires du projet lors de la prochaine assemblée générale. Dans cette affaire, cette obligation a bien été respectée.
L’autorisation de l’assemblée générale est-elle nécessaire ?
L’installation d’une borne électrique nécessite-t-elle l’autorisation de l’assemblée générale ? La réponse dépend de l’impact sur les parties communes. Si les travaux affectent les parties communes, l’autorisation devient obligatoire. En effet, le droit à la prise en copropriété ne dispense pas de cette règle fondamentale issue de la loi du 10 juillet 1965.
Dans le jugement du 11 septembre 2025, le tribunal souligne cette exigence. Les consorts X ont fait passer des câbles électriques “par les parties communes entre le domicile situé au premier étage du bâtiment D et le parking” sans autorisation préalable. Le constat d’huissier établit la réalité de ces travaux sur parties communes. De fait, cette violation constitue une faute engageant leur responsabilité. Le respect du droit de propriété collective prime sur le droit individuel à la prise.
Quels sont les motifs légitimes d’opposition au droit à la prise ?
La décision de réaliser une installation collective
L’article L.113-16 du Code de la construction et de l’habitation prévoit un motif légitime d’opposition.
Ainsi, il dispose que “constitue notamment un motif sérieux et légitime au sens du premier alinéa la préexistence de telles installations ou la décision prise par le propriétaire ou, en cas de copropriété, le syndicat des copropriétaires de réaliser de telles installations en vue d’assurer l’équipement nécessaire dans un délai raisonnable”.
Le syndicat peut donc refuser une installation individuelle s’il décide de réaliser une installation collective. Cette décision doit intervenir en assemblée générale. Dans l’affaire jugée, l’assemblée générale vote une résolution qui approuve “l’installation, la gestion et l’entretien d’une infrastructure de recharge pour véhicules électriques et hybrides rechargeables par WAAT”. Mais, cette même assemblée rejette simultanément, la demande individuelle des consorts X en confirmant ce projet collectif. Le tribunal considère donc cette décision comme un motif sérieux et légitime pour s’opposer au droit à la prise en copropriété, même en l’absence de délai précis de réalisation.
Les autres motifs d’opposition reconnus
D’autres motifs peuvent justifier un refus du droit à la prise en copropriété. La préexistence d’installations collectives constitue un premier motif expressément prévu par la loi. De même, l’impossibilité technique pour des raisons de sécurité en représente un second. Le non-respect de la procédure légale offre également un fondement d’opposition.
Dans notre cas parisien, le tribunal cumule plusieurs motifs :
- Absence de documents techniques requis par l’article R.113-8,
- Travaux sans autorisation sur parties communes en violation de la loi du 10 juillet 1965,
- Projet collectif validé en assemblée générale.
Le tribunal relève également l’absence de convention fixant les conditions d’accès et d’intervention du prestataire aux parties communes, pourtant imposée par les articles L.113-17 et R.113-9 du Code de la construction et de l’habitation. Ces éléments combinés justifient pleinement l’opposition du syndicat.
Quelles sanctions en cas de non-respect du droit à la prise ?
L’obligation de remise en état
Dans cette affaire, le tribunal ordonne des sanctions immédiates contre les consorts X. Première obligation : “supprimer ou faire supprimer l’installation électrique réalisée au niveau de leur emplacement de stationnement et sur le parcours transitant dans les parties communes jusqu’au compteur de leur appartement, par une entreprise qualifiée”.
Les parties communes doivent retrouver “leur état antérieur auxdits travaux”. Le délai accordé s’élève à deux mois à compter de la signification du jugement. À noter, cette remise en état s’impose malgré l’obtention d’un certificat de conformité Consuel. Puisque le tribunal estime que “le respect des normes de sécurité” ne suffit pas à légaliser une installation irrégulière.
Les astreintes et sanctions financières
Le non-respect du délai de remise en état entraîne des astreintes financières. Ici, le tribunal fixe une astreinte de 100 euros par jour de retard. Cette astreinte court pendant deux mois après l’expiration du délai initial de deux mois. Au total, le montant peut atteindre 6 000 euros en cas d’inaction complète.
Les consorts X doivent également payer solidairement 549,20 euros au syndicat pour les frais du procès-verbal de constat d’huissier. De plus, ils supportent les entiers dépens de l’instance et versent 1 000 euros au syndic et 1 000 euros au syndicat des copropriétaires au titre de l’article 700 du Code de procédure civile. Ces sanctions illustrent le coût élevé d’un non-respect du droit à la prise en copropriété. L’exécution provisoire est de droit, ce qui rend le jugement immédiatement applicable malgré un éventuel appel.
Comment sécuriser son projet d’installation de borne électrique ?
Respecter scrupuleusement les formalités
Pour exercer sereinement le droit à la prise en copropriété, plusieurs précautions s’imposent :
- Constituer un dossier technique complet avant toute notification. Faire appel à un installateur qualifié IRVE (Infrastructure de Recharge de Véhicule Électrique) pour établir le descriptif détaillé, le plan technique d’intervention et le schéma de raccordement électrique conformément à l’article R.113-8.
- Notifier le projet au syndic par lettre recommandée avec accusé de réception en joignant impérativement tous les documents exigés.
- Attendre la réponse du syndic ou l’expiration du délai de trois mois.
- Solliciter l’autorisation de l’assemblée générale si les travaux affectent les parties communes.
- Conclure la convention d’accès et d’intervention prévue aux articles L.113-17 et R.113-9 du Code de la construction et de l’habitation avant le début des travaux.
Anticiper les projets collectifs
Avant d’exercer son droit à la prise, le copropriétaire doit impérativement vérifier l’existence de projets collectifs au sein de sa copropriété. Cette étape préventive permet d’éviter les litiges et d’assurer une installation conforme.
La première démarche consiste à consulter les procès-verbaux des dernières assemblées générales, disponibles auprès du syndic. Ces documents permettent de savoir si un projet collectif d’installation de bornes de recharge a déjà été voté ou envisagé. Il est également recommandé d’interroger directement le conseil syndical sur l’existence éventuelle d’études en cours. C’est ce qu’illustre, cette affaire, où le syndic avait informé les consorts X par courrier de “l’existence d’une étude menée en parallèle par le conseil syndical pour réfléchir à une solution collective.”
Le copropriétaire doit aussi examiner le règlement de copropriété, qui peut contenir des clauses spécifiques encadrant les installations électriques individuelles. En outre, ces dispositions peuvent limiter ou conditionner la mise en place d’un point de recharge personnel, notamment lorsqu’un projet collectif est déjà engagé.
Lorsqu’un projet collectif est validé ou en cours de validation, il est fortement conseillé de s’y rattacher. Cette solution présente plusieurs avantages :
- absence de conflit entre copropriétaires,
- installation conforme aux normes et validée par le syndicat,
- tarifs négociés grâce à la mutualisation des coûts,
- maintenance professionnelle assurée par des prestataires agréés.
En outre, une installation collective simplifie la gestion des accès aux parties communes et la répartition des charges liées à la consommation d’électricité. Avant toute démarche individuelle, mieux vaut s’informer et coopérer. Le recours à un projet collectif, lorsqu’il existe, garantit une installation plus sûre, plus économique et juridiquement encadrée.