Quelles modalités d’intervention pour adapter les logements au vieillissement des personnes ?
Le vieillissement de la population est une véritable révolution silencieuse. Avec une espérance de vie d’un trimestre supplémentaire par an depuis 20 ans, dans moins de 20 ans, 20 millions de français auront plus de 60 ans. L’âge moyen de la cessation d’activité se situe autour de 59 ans, l’espérance de vie atteint 85 ou 87 ans et les personnes vieillissent en bonne santé et donc longtemps en autonomie d’action.
L’immense majorité d’entre elles exprime le souhait de vieillir à domicile. En France, au-delà de la déclaration, c’est une réalité puisque 85% des plus de 90 ans vieillissent chez eux. Vieillir n’est pas une maladie mais il expose à des risques, notamment ceux des poly-mini-handicaps sensoriels (auditif et visuel pour les plus courants) et le logement est le premier espace qui doit être adapté.
Cependant, les personnes âgées, attachées à leur domicile ne sont souvent pas à même de percevoir les risques d’accidents domestiques que représente un tapis ou un défaut d’éclairage. C’est ainsi que chaque année, les chutes causent 10 000 décès et plus de 134 000 incapacités sont constatées avec, bien évidemment, un coût conséquent pour l’assurance maladie.
Alors, faut-il adapter ou déménager ? Déménager suppose plusieurs conditions : l’offre d’un nouveau logement qui correspond aux ressources de la personne et à proximité de son ancien domicile pour ne pas la couper de son environnement.
Ces conditions sont très difficiles à réunir surtout que le nouveau logement, pour apporter un confort d’usage pour la personne, doit être adapté. Or la production neuve ne représente, chaque année, qu’1% du parc existant. L’accueil en structure spécialisée représente, quant à lui, un surcoût annuel des finances publiques de 1800 €. Or, lorsque l’on sait que le coût moyen des aménagements qui permettent le maintien à domicile en sécurité s’élève à 4000 €, ce coût est neutre pour le financeur public dès lors que la personne âgée reste à son domicile au-delà de deux ans.
L’adaptation de l’habitat existant est donc de loin la meilleure solution d’autant qu’elle répond aux souhaits partagés des personnes âgées et de leur famille. Toutefois, la question du financement des aménagements est posée. Propriétaire comme locataire, les revenus des personnes âgées ne leur permettent pas toujours de financer les travaux nécessaires. En outre, même dans l’hypothèse d’une aide de l’ANAH, le résiduel de ce coût demeure une charge pas toujours possible à financer.
Or, le recours aux crédits traditionnels n’est plus possible en raison de leur âge. Il convient donc de mettre en place des micro-crédits travaux sans garantie ni assurance, ce à quoi certains professionnels sont prêts à s’engager. Il n’est pas demandé de financement public supplémentaire tant de l’Etat que de l’échelon local.
Si vieillir en bonne santé est une chance, l’habitat participe à la solution et bien vieillir à domicile est bien la moindre des choses que l’on peut souhaiter. C’est aussi répondre à la question : comment voulons nous vieillir ?
Muriel Boulmier, Directrice générale du Groupe Ciliopée, auteur des rapports « L’adaptation de l’habitat au défi de l’évolution démographique : un chantier d’avenir » en 2009 et « Bien vieillir à domicile : enjeux d’habitat, enjeux de territoires » en 2010. Elle propose une série de mesures pour améliorer l’habitat des seniors. Ces rapports se concentrent plus particulièrement sur les moyens à mettre en œuvre pour réussir à grande échelle l’adaptation du bâti compte tenu des enjeux liés au vieillissement démographique et à la dépendance.
Intervention lors des Entretiens de l’Habitat organisés par l’Anah le 9 décembre 2010