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Copropriété

Pour ou contre la dématérialisation de la copropriété ?

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Compte-rendu de la table ronde organisée le 10 avril dernier par l’Institut du management des services immobiliers et la Fédération française de l’Internet immobilier sur le thème : « Dématérialisation de la copropriété : quel impact sur le modèle économique des syndics ? »

Cette table ronde en deux temps donnait tout d’abord la parole aux associations de (co)propriétaires puis aux professionnels : syndics et éditeurs de logiciels. La discussion équilibrée, a permis de confrontrer les avis de tous avec du « Pour » et du « Contre » des deux côtés. Avant de rentrer dans le contenu des échanges, il serait bon de rappeler les dispositions introduites dans la Loi Alur qui visent à rendre nos copropriétés « numériques ».

En effet, la loi relative à l’accès au logement et à un urbanisme rénové dite loi Alur (L. n° 2014-366, 24 mars 2014, JO 26 mars) introduit une nouvelle obligation pour les syndics professionnels, celle de proposer, à compter du 1er janvier 2015, « un accès en ligne sécurisé aux documents dématérialisés relatifs à la gestion de l’immeuble ou des lots gérés, sauf décision contraire de l’assemblée générale prise à la majorité de l’article 25 de la présente loi. Cet accès est différencié selon la nature des documents mis à la disposition des membres du syndicat de copropriétaires ou de ceux du conseil syndical. » (L. n° 65-557, 10 juillet 1965, article 18, I, nouveau).

Qu’en pensent les défenseurs des propriétaires et copropriétaires ?

Selon Emile Hagège de l’Association des Responsables de Copropriété (ARC), l’Extranet des copropriétés ne réglera rien de plus en matière de transparence des syndics : « C’est un vieux fantasme de croire que les syndics vont mettre en ligne tous les documents de la copropriété. Reste à savoir ce que l’on y mettra. Est-ce que l’on aura accès au Grand Livre des comptes, alimenté au jour le jour ? Si l’on n’a pas cela, je ne vois pas ce que cela apportera de plus, d’autant que sur le plan de la technologie, on a pu constater des problèmes d’interopérabilité entre les différents systèmes informatiques des syndics. »

Pour David Rodriguez de l’Association Nationale de Défense des consommateurs (CLCV), l’Extranet de copropriété est « un beau gadget » puisque les copropriétaires eux-mêmes n’en sont pas demandeurs. « Nous ne sommes pas contre mais nous n’en voyons pas l’utilité. Dans la pratique, on se pose plusieurs questions : que va-t-il se passer si l’on change de syndic ? Le service va-t-il être gratuit ? Si le syndic reste maître de l’Extranet, cela nous semble insuffisant en matière de transparence. Mais surtout, on sait déjà que tous les syndics ne pourront pas répondre à cette obligation. »

Pourtant ce n’est pas l’avis de Paul Philippot, délégué général de l’Union Nationale des Propriétaires Immobiliers (UNPI) qui estime indispensable la mise en place des outils numériques notamment pour répondre aux exigences de l’article 54 de la Loi Alur qui vise à mieux informer les acquéreurs de lots de copropriété. « Cet article est d’application immédiate or si l’on considère la liste de tous les documents qui doivent être annexés à la promesse de vente, ce texte est inapplicable et demande de recourir à des traitements informatiques lourds. Aujourd’hui les transactions sont bloquées car la sanction est lourde. Lorsque les documents précisés dans l’article 54 ne sont pas annexés à l’acte notifié, le délai de rétractation ou de réflexion ne court qu’à compter du lendemain de la communication de ces documents à l’acquéreur. Il est donc urgent de numériser les documents, de les archiver et de les mettre à disposition des copropriétaires et futurs copropriétaires. »

Qu’en pensent les syndics professionnels ?

Pour Stéphane Glucksmann Directeur Général Adjoint Délégué Citya Immobilier, « le législateur est allé bien au delà des demandes des copropriétaires qui restent malgré tout très attachés à la culture papier notamment pour les appels de fonds. Nous proposons déjà un Extranet à nos clients avec la possibilité pour les copropriétaires de payer en ligne leurs appels de provisions de charges mais seulement 30% de nos clients utilisent ce service. »

« Il ne faut pas confondre dématérialisation de la copropriété et communication sur Internet. Tout ne sera pas mis en ligne sur un site Internet mais cela permettra de réaliser des gains de productivité pour les professionnels », souligne Georg BAUER, président de Bauer et associés. « Nous ne sommes pas encore prêts, il faudra attendre une réelle appétence de la part des copropriétaires, en attendant nous pouvons, sur demande spécifique des membres du conseil syndical, mettre à disposition des documents numérisés adressés sur les boîtes mails », ajoute-t-il.

Selon Jérôme DAUCHEZ, président du Directoire – ?DAUCHEZ, « il est dans l’air du temps de diminuer la densité de papier. Les outils pour la dématérialisation sont disponibles mais cela demande de s’adapter et d’opter pour de nouvelles méthodes de travail. Nous sommes dans une période de transition, une nouvelle logique va se mettre en place par des outils et des pratiques. » « Ce qui est sûr, c’est que nous allons gagner du temps au profit de nos métiers et de nos clients. Nous allons pouvoir accompagner les besoins d’information et valoriser notre main d’œuvre », ajoute-t-il.

En ce qui concerne le modèle économique, le service sera certainement facturé mais son coût sera-t-il inclus dans le forfait de base proposé par les syndics ?

« La copropriété est bien réelle, elle n’est pas dématérialisée, il s’agit bien d’un immeuble avec des copropriétaires, la dématérialisation des documents reste accessoire, notre rôle est avant tout de gérer des biens en étroite relation avec les copropriétaires. Il ne s’agit pas de savoir si le service sera payant ou gratuit car on ne fera pas de vente forcée, si le client n’en ressent pas le besoin », explique Georg BAUER. Et il ajoute : « Avec la Loi Alur, on est au début d’un processus qui va profondément modifier les équilibres économiques de notre activité, cela va remettre à plat l’équilibre entre honoraires annexes et honoraires de base. On est déjà engagé dans un mouvement de lisibilité et de prévisibilité des honoraires qui va s’amplifier. Toutefois, la Loi Alur nous demande un certain nombre de prestations supplémentaires, la vraie question va être de savoir ce que l’on va mettre dans les honoraires de base, comment chaque professionnel va chiffrer sa prestation de base ? »

«  On ne maîtrise pas encore le poids de tout ce que l’on va nous demander en plus, ce qui est sûr dans un premier temps c’est que l’on devra procéder à une mise à niveau des moyens dans les cabinets tout en formant les collaborateurs. Les conséquences économiques seront variables selon la taille des cabinets et l’impact sur les honoraires s’en ressentira. En tant que chef d’entreprise, la question que je me pose aujourd’hui est de savoir comment je vais conserver l’emploi de mes collaborateurs tout en préservant mes marges », souligne Stéphane Glucksmann.

 

Pour Jérôme DAUCHEZ, il est certain que « le coût de la dématérialisation va se traduire dans les honoraires par une hausse du forfait de base, probablement de l’ordre de 200 € par rapport au coût global des prestations. »

L’avis des éditeurs de logiciels

« Nous avons plus de 9.000 professionnels actifs, il y a quelques années nous avions quelques dizaines de contrats d’Extranet et depuis deux ans, nous voyons l’évolution. L’année dernière nous avons réalisé plusieurs centaines d’ouvertures d’Extranet pour nos clients professionnels de l’immobilier. C’est le constat que nous pouvons faire aujourd’hui », indique Jacques BIGAND, président du Groupe informatique GERCOP. « Sur 500 clients, on en a 150 qui utilisent l’Extranet, on a une forte adhésion des professionnels mais aussi des copropriétaires. Cela marche également très bien en gestion locative pour l’administrateur de biens comme pour le locataire », note pour sa part, Soly Savdié, président de Egide Informatique.

« La dématérialisation est un vaste sujet, il y a tout d’abord la mise à disposition de tous les documents. Nous avons conçu notre outil pour qu’il soit simple d’utilisation avec une pré-organisation par type de document soit une douzaine de classeurs par métier. La gestion comptable et la gestion électronique des documents viennent alimenter directement les Extranets. Ces systèmes viennent renseigner les professionnels eux-mêmes en tenant compte de la mobilité. Pour répondre à ces nouveaux usages, l’évolution de nos systèmes d’Extranet utilise la norme « responsive », un système d’affichage qui s’adapte quelque soit le support (écran d’ordinateur, smartphone, tablette, etc.). A moins de cinq ans, on ne pourra pas dissocier la dématérialisation de la mobilité », ajoute Jacques BIGAND.

« L’Extranet permet d’avoir une information différenciée selon les profils de copropriétaires et pour les locataires. Mais pour moi, la grande ouverture est la communication aux tiers : les entreprises, géomètres, notaires… Le gain de temps pour les professionnels est considérable de plus les données sont sécurisées grâce à un archivage permanent », conclut-il.

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Isabelle DAHAN

Rédactrice en chef de Monimmeuble.com. Isabelle DAHAN est consultante dans les domaines de l'Internet et du Marketing immobilier depuis 10 ans. Elle est membre fondatrice de la Fédération Française de l'Immobilier sur Internet (F.F.2.I.) www.ff2i.org et membre de l’AJIBAT www.ajibat.com, l’association des journalistes de l'habitat et de la ville. Elle a créé le site www.monimmeuble.com en avril 2000.

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