Au cours de sa séance du jeudi 20 février 2014, le Sénat a adopté les conclusions de la commission mixte paritaire relatives au projet de loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové et ainsi définitivement adopté le projet de loi. Focus sur le volet Copropriété.
Pour apaiser les relations au sein de la copropriété et permettre une plus grande transparence, la loi du 10 juillet 1965, qui régit les copropriétés, est réformée.
Encadrer les tarifs des syndics
Jusqu’à présent, les frais de gestion courante des syndics étaient facturés dans un forfait annuel fixe global. D’autres frais, dits frais particuliers, pouvaient faire l’objet d’une facturation « à la pièce », et le prix unitaire devait être précisé dans le contrat. La liste les charges réputées courantes a été fixée par l’arrêté dit Novelli. Malgré ces dispositions, des abus ont été constatés. Certains syndics affichent des forfaits très bas qui attirent des copropriétés peu averties. Par la suite, ils facturent très chers et au titre de prestations particulières certains frais qui ressortissent pourtant à la gestion courante (impression des comptes rendus d’assemblée générale, diagnostics techniques obligatoires).
Pour endiguer l’accroissement des frais liés aux prestations particulières, la loi Alur a procédé à une inversion :
- la liste des frais particuliers est déterminée par décret ;
- toutes les autres prestations sont réputées « de gestion courante » et ne peuvent donc faire l’objet d’une facturation supplémentaire en dehors du forfait annuel.
Rendre plus transparente la gestion des fonds via l’obligation de compte séparé
Dans la très grande majorité des cas, les syndics professionnels font voter par l’assemblée générale la dispense de compte séparé, en invoquant les coûts supplémentaires qui seraient générés. Ce coût supplémentaire dissuade souvent le syndicat des copropriétaires de faire le choix du compte séparé, alors même que c’est le principe affirmé par la loi du 10 juillet 1965. En conséquence, le syndic ouvre un compte à son nom, compte unique ou compte avec des sous-comptes pour chaque syndicat de copropriétaires qui l’a mandaté. Le compte ouvert au nom du syndic est rémunéré par la banque au profit du syndic. En cas de liquidation judiciaire du syndic, les copropriétaires doivent supporter une procédure judiciaire lourde, longue et coûteuse pour récupérer leurs fonds placés dans le compte unique.
Pour établir plus de transparence dans l’activité du syndic et l’usage qu’il fait des fonds du syndicat des copropriétaires (gestion courante, appels de fonds pour travaux, etc.), la loi Alur modifie l’article 18 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis et supprime la possibilité de dérogation à l’obligation de l’instauration du compte séparé. De cette manière, les fonds appartenant au syndic, d’une part, et à chaque copropriété, d’autre part, seront bien distincts. Et chaque copropriété pourra demander les relevés annuels de son compte, ouvert à son nom et géré par le syndic.
Afin de tenir compte de la particularité des petites copropriétés pour lesquelles les enjeux financiers sont moins importants et une certaine mutualisation est nécessaire afin de limiter les coûts de gestion, un cas de dérogation au compte séparé demeure possible, uniquement pour les copropriétés de moins de 15 lots principaux et après un vote de l’assemblée générale des copropriétaires.
La loi Alur stipule qu’il est interdit pour les syndics de proposer des honoraires différenciés selon que l’assemblée générale fait le choix d’un compte séparé ou non. Et si une copropriété décide de déroger à l’obligation de compte séparé, il est prévu que le compte unique fasse apparaître dans les écritures de la banque un sous-compte, individualisant au niveau comptable les versements afférents au syndicat des copropriétaires. Le syndic a obligation de transmettre au président du conseil syndical une copie des relevés bancaires.
Enfin, pour permettre aux professionnels de faire les adaptations nécessaires à la mise en œuvre de ces nouvelles dispositions, il est prévu que la suppression de la dérogation au compte séparé entre en vigueur dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la loi et s’applique à partir de la date de renouvellement des mandats de syndics en cours.
Faire entrer la copropriété dans l’ère du numérique
La loi Alur comprend une mesure relative à la dématérialisation des communications entre le syndic et les copropriétaires, en particulier pour les convocations aux assemblées générales. Sans être obligatoire, cette dématérialisation peut occasionner des économies et des simplifications pour les copropriétaires qui le souhaitent. Autre disposition nouvelle : le syndic doit mettre en place un « extranet copropriétés », qui permet d’accéder à distance aux documents de la copropriété.
Instaurer une obligation de formation continue pour les syndics
Jusqu’à présent, il n’existe pas de formation continue obligatoire pour les activités d’entremise et de gestion immobilières, alors même que les dispositions législatives et réglementaires en la matière se complexifient et nécessitent une expertise de plus en plus grande. La diversification du rôle du syndic de copropriété donne une nouvelle dimension à cette activité, autrefois majoritairement cantonnée à des tâches de gestion comptable et de relance des impayés. Le besoin de formation apparaît de façon prégnante lorsqu’on considère le rôle que pourrait être amené à jouer le syndic dans le cadre de la transition écologique de l’habitat, qui implique la mise en œuvre de nouveaux outils (diagnostic de performance énergétique, plan de travaux d’économie d’énergie, contrat de performance énergétique, etc.).
L’instauration d’une obligation de formation continue pour tous les professionnels instaurée par la loi ALUR va permettre d’assurer un niveau de compétences minimal et de contrôler la mise à niveau régulière des connaissances des professionnels, afin qu’ils apportent à leurs interlocuteurs, propriétaires comme locataires, un service de qualité adapté aux exigences actuelles de toutes natures.
Créer de nouvelles instances de régulation
Jusqu’à présent, il n’existe pas de code ou de règles déontologiques officielles communes à l’ensemble des professions immobilières. Pour pouvoir sanctionner certains professionnels peu scrupuleux et rétablir des relations de confiance entre les consommateurs et le reste de la profession, qui constitue la très grande majorité, la loi Alur crée un nouveau cadre de régulation. Ce cadre consiste, d’une part, en la création d’un conseil national de la transaction et de la gestion immobilières, qui aura la responsabilité de représenter la profession et de veiller à la moralité et à la compétence des professionnels.
Ce conseil sera à majorité constitué de professionnels choisis sur proposition des syndicats professionnels, en veillant à assurer la représentativité de la profession. Il comprendra également des représentants des associations de défense des consommateurs agréées œuvrant dans le domaine du logement, ainsi que des représentants des ministres en charge de la Justice, du Logement et de la Consommation.
La loi crée d’autre part une commission de contrôle des activités de transaction et de gestion immobilières, qui sera chargée de veiller au respect des règles et des principes déontologiques au sein de ces activités et, le cas échéant, de sanctionner les agissements contraires à la réglementation ou à la déontologie. Cette commission sera de nature administrative, sous l’autorité de représentants de l’État et de magistrats, afin que soient garanties l’indépendance et l’impartialité de ses décisions. Elle pourra être saisie par l’intermédiaire des associations de défense de consommateurs. Ainsi, les consommateurs disposeront d’une voie de recours plus simple et plus rapide qu’un contentieux judiciaire.
Créer un registre d’immatriculation des copropriétés
Il n’existe pas de système de collecte nationale des données relatives aux copropriétés. En la matière, les données statistiques dont on dispose aujourd’hui sont rares, et il reste difficile de connaître précisément l’état du parc ainsi que le nombre de copropriétés qui sont en difficulté. Sur le million de copropriétés qui sont dénombrées (représentant 8 millions de logements), on estime à 15% la part de ces copropriétés qui seraient en difficulté.
Pour améliorer la connaissance des copropriétés, mieux détecter les facteurs de fragilité, la loi ALUR instaure un registre d’immatriculation des copropriétés. Ce registre contiendra notamment les données permettant d’identifier le syndicat, les caractéristiques financières de la copropriété et les procédures administratives ou judiciaires dont le syndicat fait l’objet. Le contrôle d’immatriculation sera notamment fait à l’occasion des ventes de lots ou lors d’une demande de subvention adressée aux pouvoirs publics.
Le registre devrait être prêt avant fin 2016 et sera suivi par une immatriculation étalée dans le temps : avant fin 2016 pour les syndicats de copropriétaires de plus de 200 lots, avant fin 2017 pour ceux comportant plus de 52 lots et avant fin 2018 pour les autres.
Mieux informer les acquéreurs
Les difficultés que connaissent certaines copropriétés résultent souvent d’une mauvaise information des copropriétaires au moment de l’achat du bien. Ceux-ci n’intègrent pas toujours dans leur plan de financement le paiement des charges ni les provisions pour travaux. Les propriétaires modestes sont ainsi surreprésentés dans les copropriétés en difficulté.
La loi ALUR va protéger les futurs acquéreurs et prévenir la dégradation des copropriétés, car elle renforce l’information en amont de l’achat d’un bien. Cette information passe notamment par :
- la présence de mentions obligatoires sur la publicité de vente de lots en copropriété : nombre de lots, montant moyen des charges, procédures en cours ;
- la constitution d’un dossier obligatoirement annexé au contrat de vente informant l’acquéreur sur la situation juridique et financière du syndicat, le niveau des charges courantes, l’état technique de l’immeuble et du lot de copropriété, les travaux votés ou prévus et les répercussions financières prévues pour l’acquéreur ;
- l’obligation pour le syndicat de créer une fiche de synthèse regroupant les principales données techniques et financières de la copropriété. Son contenu sera fixé par décret. Cette fiche doit être transmise sous 15 jours à un copropriétaire qui en fait la demande.
Ces informations doivent être transmises suffisamment tôt pour que l’acquéreur puisse éventuellement se rétracter s’il juge qu’il n’a pas les moyens d’assurer les charges de copropriété prévues.
Faciliter la prise de décision lors des AG
L’organisation des copropriétés s’avère souvent trop complexe et les prises de décision sont souvent bloquées du fait d’un fort absentéisme lors des assemblées générales de copropriété. La loi ALUR comprend plusieurs mesures afin d’améliorer la gouvernance et d’assouplir les règles de décision de l’assemblée générale de la copropriété.
Favoriser la réalisation des travaux, notamment via la création d’un fonds travaux
Pour répondre à l’enjeu de rénovation du parc, il est nécessaire d’inciter les copropriétaires à mettre en œuvre une politique de gestion patrimoniale dans une perspective de long terme. L’entretien et l’amélioration réguliers des bâtiments permettent de maîtriser les charges et de valoriser les logements. La loi ALUR crée ainsi un fonds travaux pour faciliter la réalisation de travaux inéluctables (notamment la rénovation énergétique, la réfection des toitures, le renouvellement des équipements de chauffage collectif, etc.) et étaler dans le temps la charge pesant sur les copropriétaires en provisionnant en amont les sommes qui seront nécessaires pour financer ces travaux.
Ce fonds est obligatoire pour toutes les copropriétés mais, selon leur taille, les modalités de financement varient (plafonnement du montant global, etc.) et seront précisées par décret. Le fonds de prévoyance fait l’objet d’un compte bancaire séparé que le syndic doit ouvrir dans le même établissement bancaire que le compte séparé du syndicat des copropriétaires.
La loi ALUR prévoit aussi, pour toutes les copropriétés, la programmation de travaux éventuels pour maintenir le bâti en bon état ainsi que la possibilité de faire réaliser un diagnostic complet, tous les dix ans. Ce diagnostic comprend une analyse technique de l’état du bâti et des équipements, de la situation de l’immeuble au regard de la réglementation, de la performance énergétique du bâtiment, de la gestion patrimoniale de l’immeuble. Il peut inclure des propositions de mesures pour optimiser ou réduire les charges. Ce diagnostic est fait par un tiers indépendant et la décision de réaliser ce diagnostic peut être prise à la majorité simple de l’assemblée générale des copropriétaires.
Renforcer la prise en charge des copropriétés dégradées
Afin de permettre une intervention rapide et précoce, la loi ALUR prévoit d’abaisser le seuil d’impayé de la copropriété à partir duquel se déclenche la saisine du juge pour désignation d’un mandataire ad hoc. L’analyse de la situation de la copropriété par un expert indépendant peut donc se faire dans les copropriétés de plus de 200 lots dès 15% d’impayés, contre 25% auparavant. De plus l’implication des élus locaux dans le déclenchement des procédures de redressement des copropriétés est facilitée. Pour faire face aux dettes accumulées, l’administrateur peut désormais gérer les impayés, les étaler, voire même les effacer sous contrôle du juge.
La loi ALUR instaure également la possibilité d’« exproprier » uniquement les parties communes de la copropriété en état de carence. La gestion de ces parties communes peut ainsi être prise en charge par une société d’économie mixte, la commune ou par un bailleur financièrement capable de mener à bien les travaux nécessaires. Ce nouveau régime juridique est expérimenté pendant une dizaine d’années, et des conditions de retour à la copropriété par rétrocession sont prévues.
Enfin, un statut d’opération de requalification de copropriétés très dégradées est créé et permet de déclarer d’intérêt national les projets de redressement des ensembles les plus dégradés de France. La réalisation de l’opération peut être confiée à un établissement public foncier qui peut lever pour cela une fiscalité spécifique (taxe spéciale d’équipement).
Petite loi – Texte n° 302 adopté par l’Assemblée nationale le 19 février 2014
Source : http://www.territoires.gouv.fr/