Cécile Duflot a annoncé le 19 juin 2013 de nouvelles dispositions pour lutter contre l’habitat indigne. 500 000 logements et environ un million de personnes sont concernées en France par ces situations inacceptables. Ces mesures seront présentés dans le projet de loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (Alur), en Conseil des ministres le 26 juin 2013.
Aujourd’hui, il existe une panoplie d’outils à la disposition de la puissance publique, État et collectivités, pour lutter contre l’habitat indigne, mais leur utilisation est parfois longue et complexe. Le Gouvernement entend améliorer l’efficacité de ces dispositifs afin de contraindre plus fortement les bailleurs à réaliser les travaux qui leur ont été prescrits et donner un coup d’arrêt aux activités des marchands de sommeil.
Mettre un coup d’arrêt à la délinquance des marchands de sommeil
Les marchands de sommeil se spécialisent dans l’achat à bas prix de biens locatifs de mauvaise qualité qu’ils louent dans des conditions indignes et dégradantes à des loyers élevés, voire exorbitants, en totale disproportion avec la qualité de l’habitat.
Pour lutter contre ces pratiques, le projet de loi prévoit d’empêcher les personnes déjà condamnées pour hébergement contraire à la dignité humaine, de pouvoir acquérir des biens immobiliers et de les mettre en location. Cette mesure empêchera une personne physique d’acheter en son nom propre et également via une société (entreprises unipersonnelles, SCI, SARL) dont il serait gérant, associé ou dirigeant, les marchands de sommeil utilisant très souvent des sociétés écrans pour développer leurs activités.
Avant de procéder à la signature d’une vente, les notaires formuleront une demande de renseignement aux services du casier judiciaire pour vérifier les antécédents de l’acheteur. Pour protéger le vendeur, le texte prévoit la nullité de la vente aux torts de l’acquéreur concerné par cette condamnation, ce qui permet au vendeur de conserver le bénéfice du dépôt de garantie versé au moment de la promesse de vente.
La présence des marchands de sommeil au sein de copropriétés constitue l’un des facteurs de fragilisation de la situation financière de ces dernières et donc, à terme, de la dégradation de l’état du bâti. La spirale de dégradation de l’immeuble s’accélérant, les propriétaires occupants quittent la copropriété, souvent en cédant leur lot à un prix faible au marchand de sommeil.
Pour le cas spécifique des copropriétés, des dispositions spécifiques sont prévues dans le projet de loi pour empêcher l’expansion des marchands de sommeil dans une même copropriété. Il est ainsi prévu de :
– interdire à un copropriétaire l’achat de lots dans une copropriété où il est déjà propriétaire et où il a accumulé des dettes et des impayés : au moment d’une vente, le notaire contacte le syndic pour obtenir certains documents, comme l’état daté. Il informe alors en même temps le syndic du nom de l’acquéreur potentiel. Si celui est copropriétaire, le syndic est alors tenu de délivrer au notaire un certificat attestant que cette personne n’a pas fait l’objet d’une mise en demeure de payer du syndic restée infructueuse depuis plus de 45 jours. Si c’est le cas, le copropriétaire doit payer ses dettes dans un délai de trente jours, faute de quoi la vente de ne peut se conclure et l’avant-contrat est réputé nul et non avenu ;
– empêcher les copropriétaires endettés de bloquer les procédures de saisie de leur bien, en ne tenant pas compte de leur vote en assemblée générale : si le marchand de sommeil possède déjà plusieurs lots, il peut être en mesure, en cas de fort absentéisme à l’assemblée générale, de bloquer facilement toutes les procédures que le syndic veut engager à son encontre. Ainsi, la loi sera modifiée de façon à empêcher qu’un copropriétaire endetté ne prenne part au vote de l’assemblée générale qui doit autoriser le syndic à agir en justice pour obtenir la saisie en vue de la vente d’un lot de ce copropriétaire débiteur vis-à-vis du syndicat ;
– de garantir le recouvrement des frais de procédure, afin de remédier à l’inquiétude des copropriétaires qui peuvent hésiter à engager des démarches devant la justice de peur d’avoir à débourser beaucoup d’argent. Les frais d’avocat engagés par le syndicat seront imputés au seul copropriétaire condamné, et l’assiette du privilège spécial immobilier, c’est-à-dire des créances qui sont remboursées en priorité par les fruits de la vente, dont bénéficie le syndicat, sera étendue pour intégrer les frais d’avocats.
Contraindre les propriétaires indélicats à faire des travaux
Le projet de loi comprend également des mesures visant à inciter les propriétaires à engager les travaux. Ainsi, il est prévu de créer une astreinte financière journalière. Cette mesure vise à inciter les propriétaires à effectuer au plus vite les travaux prescrits par les autorités compétentes. Elle sera de 200€ par jour de retard, si la date limite pour faire les travaux est dépassée. Le produit de cette astreinte sera en partie utilisé pour financer le relogement de victimes de marchands de sommeil et les personnes vivant dans des conditions dangereuses pour leur santé ou leur sécurité.
Une autre mesure consiste à faire payer au propriétaire défaillants tous les frais avancés par l’Etat en cas de travaux réalisés d’office, en particulier les coûts liés à la maîtrise d’ouvrage des travaux, qui représentent un manque à gagner de 7 millions d’euros pour la puissance publique.
En ce qui concerne les logements désignés comme non décents par rapport à des caractéristiques minimales de confort et d’équipement, mais aussi par rapport à des normes de sécurité et de salubrité, rappelons que la loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbain, estime que seul un logement jugé « décent » peut être loué et ouvrir droit à différentes aides publiques (allocation logement sociale (ALS) ; allocation de logement familiale (ALF) ; aide personnalisée au logement (APL)).
L’allocation logement peut donc être suspendue dans le cadre d’une procédure en recours par le locataire devant la juridiction civile. Dans ce cas, l’organisme payeur invite le locataire à entamer une démarche amiable ou judiciaire auprès de son bailleur visant à demander la mise en conformité de son logement s’il veut continuer à percevoir son allocation. La suspension de l’allocation pénalise le locataire qui signale la situation, et non le propriétaire. Le Gouvernement a jugé nécessaire de modifier ce dispositif pour instaurer un système de consignation des allocations de logement par les organismes payeurs, dans l’attente de la réalisation, par le bailleur, des travaux nécessaires pour rendre le logement décent. Pendant cette période, le locataire ne devra plus au bailleur que la part résiduelle (hors allocation) de son loyer.
Donner les moyens d’agir aux intercommunalités
Par ailleurs, pour remédier à l’éparpillement des compétences en matière de lutte contre l’habitat indigne, la ministre a annoncé vouloir créer un acteur unique de cette politique. L’intercommunalité apparaît comme l’échelon le plus approprié, car elle permet d’atteindre la taille critique pour mettre en œuvre des procédures complexes et parce qu’elle garantit un niveau de décision ni trop proche ni trop éloigné du terrain.
Source : www.territoires.gouv.fr