L’article 42, alinéa 2, de la loi du 10 juillet 1965, d’ordre public, ne fait aucune distinction entre les actions qui ont pour objet de contester les décisions des assemblées générales de copropriétaires. La forclusion instituée par les dispositions de ce texte régit toute action en annulation d’une délibération de l’assemblée générale, peu important qu’elle soit fondée sur un moyen tiré de l’atteinte portée à un droit de jouissance privative dont le demandeur est titulaire sur une partie commune de l’immeuble en copropriété.
LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Vu l’article 42, alinéa 2, de la loi du 10 juillet 1965 ;
Attendu que les actions qui ont pour objet de contester les décisions des assemblées générales doivent, à peine de déchéance, être introduites par les copropriétaires opposants ou défaillants, dans un délai de deux mois à compter de la notification desdites décisions qui leur est faite à la diligence du syndic ;
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Paris, 15 mai 2008), que Les époux X…, titulaires du lot n° 52 constitué d’un emplacement de stationnement dans la cour de l’immeuble en copropriété du …, ont assigné le syndicat des copropriétaires de cet immeuble (le syndicat) en annulation de la 14e « résolution » de l’assemblée générale du 18 mars 2004 décidant de remplacer les chasses roues amovibles installées de part et d’autre de la porte cochère par des chasses roues fixes, et en remise en place des chasses roues amovibles ainsi qu’en allocation de dommages et intérêts ;
Attendu que pour accueillir ces demandes, l’arrêt retient, par motifs propres et adoptés, qu’en limitant l’accès à l’emplacement de parking à certains véhicules, l’assemblée générale du 18 mars 2004 a remis en cause les droits des époux X… tels qu’énoncés par le règlement de copropriété en y imposant des restrictions, et ont donc porté atteinte à leur droit de jouissance sur leur bien ;
Qu’en statuant ainsi, alors que l’article 42, alinéa 2, de la loi du 10 juillet 1965, d’ordre public, ne fait aucune distinction entre les actions qui ont pour objet de contester les décisions des assemblées générales de copropriétaires, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 15 mai 2008, entre les parties, par la cour d’appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Paris, autrement composée ;
Condamne les époux X… aux époux ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, condamne les époux X… à payer au syndicat des copropriétaires du … la somme de 2 500 euros ; rejette la demande des époux X… ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept juin deux mille neuf.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt.
Moyen produit par la SCP Boullez, avocat aux Conseils pour le syndicat des copropriétaires du ….
Le pourvoi fait grief à l’arrêt confirmatif attaqué D’AVOIR annulé la résolution n° 14 de l’assemblée générale du 18 mars 2004, et d’avoir, en conséquence, ordonné au Syndicat des copropriétaires de l’immeuble du … de procéder sous astreinte, à la remise en état des chasses roues mobiles antérieurs, à défaut d’autre solution permettant une ouverture utile d’environ 2 mètres, tout en protégeant la porte cochère, après avoir écarté la fin de non-recevoir que le Syndicat des copropriétaires de l’immeuble, tirait de l’expiration du délai de deux mois imparti à M. et Mme X… pour agir en annulation de cette résolution, et D’AVOIR condamné, en conséquence, le Syndicat des copropriétaires de l’immeuble du …, à indemniser les époux X… du préjudice qu’ils avaient subi, du fait de la perte de loyers ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE le point 14 de l’ordre du jour prévoyait que l’assemblée générale du 18 mars 2004 vote sur la remise en peinture de la face extérieure de la porte cochère de l’immeuble ; que cette assemblée dans la résolution 14 a voté cette remise en peinture et compte tenu des dégradations causées aux portes, a voté un point non prévu à l’ordre du jour soit la transformation à l’entrée de la porte cochère des chasse-roues mobiles en chasse-roues fixes ; que le Syndicat soutient l’irrecevabilité de la demande des époux X… sur le fondement de l’article 42 alinéa 2, de la loi du 10 juillet 1965 ayant introduit leur action en contestation de l’assemblée générale plus de deux mois après la notification du procès-verbal de cette assemblée ; que ce délai ne peut être opposé en l’espèce, dès lors que les époux X… soutiennent que cette décision affecte la jouissance privative de leur lot 52 tel que défini par le règlement de copropriété en restreignant notablement les possibilités d’accès à leur emplacement de stationnement dans la cour de l’immeuble et qu’ils invoquent ainsi une atteinte à leur droit de jouissance privative ; que la recevabilité de l’action des époux X… retenue par les premiers juges sera confirmée ;
ET AUX MOTIFS ADOPTES QU’il s’avère dans le règlement de copropriété que le lot appartenant aux époux X… est défini comme assurant la jouissance exclusive de l’emplacement d’automobile dans la cour portant le n° 52 du plan du rez-de-chaussée ; que, par conséquent, en limitant l’accès à l’emplacement de parking à certains véhicules, l’assemblée générale du 18 mars 2004 a remis en cause les droits des époux X…, tels qu’énoncés par le règlement de copropriété, en y imposant des restrictions, et ont donc porté atteinte à leur droit de propriété sur leur bien ;
ALORS QU’aux termes de l’article 42, alinéa 2, de la loi du 10 juillet 1965, « les actions qui ont pour objet de contester les décisions de l’assemblée générale doivent, à peine de déchéance, être introduites par les copropriétaires opposants ou défaillants, dans un délai de deux mois à compter de la notification desdites décisions qui leur est faite à la diligence du syndic » ; qu’il s’ensuit que d’application générale et absolue, la forclusion instituée par les dispositions de ce texte régit toute action en annulation d’une délibération de l’assemblée générale, peu important qu’elle soit fondée sur un moyen tiré de l’atteinte portée à un droit de jouissance privative dont le demandeur est titulaire sur une partie commune de l’immeuble en copropriété ; qu’en écartant la fin de non-recevoir que le Syndicat des copropriétaires de l’immeuble du … tirait de l’expiration du délai imparti aux consorts X… pour contester l’assemble générale du 18 mars 2006 qu’ils n’avaient pas critiquées dans les deux mois de sa notification, après avoir décidé que la demande des époux X… est soumise à la prescription décennale des actions personnelles dès lors que la résolution de l’assemblée générale porte atteinte au droit de jouissance exclusive que le règlement de copropriété leur confère sur l’emplacement de parking dans la cour de l’immeuble, la cour d’appel a violé l’article 42, alinéa 2, de la loi du 10 juillet 1965.
Décision attaquée : Cour d’appel de Paris du 15 mai 2008
Source : Legifrance
Cour de cassation, chambre civile 3
Audience publique du mercredi 17 juin 2009
N° de pourvoi: 08-17327 (Cassation)
M. Lacabarats (président), président
SCP Boullez, SCP Delaporte, Briard et Trichet, avocat(s)