Comment en finir avec les dérives du dispositif Scellier ?
Une analyse sur le Scellier de Jean-Michel Ciuch, Directeur Général d’Immogroup Consulting, société d’estimations immobilières. Deux types de handicaps ont façonné le marché locatif privé au cours de ces dernières années : la stagnation des loyers et la concurrence du marché de l’accession dopé par une déflation historique des taux d’intérêt.
Le produit locatif neuf s’est de plus en plus imposé aux yeux des pouvoirs publics comme l’outil le plus efficace, par le levier de la défiscalisation, pour soutenir le secteur du bâtiment. Le dispositif Scellier est venu pallier l’effondrement des ventes de logements neufs intervenu fin 2008 dans le sillage de la crise financière.
Toutefois, les failles du nouveau dispositif sont apparues rapidement suite à l’intégration dans son périmètre d’agglomérations ou de communes déjà gravement affectées par le dispositif Robien (Montauban, Angoulême, Limoges, Poitiers…). Et le constat d’une inadéquation grandissante des loyers maxima Scellier supérieurs de 5% à plus de 50% aux loyers de marché dans certaines agglomérations. Ainsi après avoir subi avec le dispositif Robien une dérive de la production neuve de logements, le marché connaît aujourd’hui avec la loi Scellier une dérive des loyers générée par la fixation de plafonds à des niveaux inadaptés.
Les dérives du dispositif Scellier furent dénoncées au printemps 2010. Quatre mois plus tard, la révision du dispositif était annoncée sur trois points : la création d’une zone supplémentaire A bis sur les marchés estimés les plus tendus, la délivrance d’agrément pour la zone C et une modification des plafonds de loyer à compter du 1er janvier 2011. Pourtant, cet ajustement ne traite pas les dysfonctionnements générés par la loi antérieurement à cette date. Il n’apporte qu’une réponse partielle et arbitraire à l’inadaptation des maxima Scellier aux marchés locaux.
Les loyers plafonds en secteur libre ont été abaissés forfaitairement de 14% en zone B1 et B2 et de 26% en zone A. Dans l’absolu, la révision des loyers apparaît suffisamment conséquente pour renforcer la protection de l’investisseur. Concrètement, son caractère forfaitaire ignore la réalité et les fondamentaux de ce marché, à savoir : la grande diversité des secteurs concernés et les différences de niveau locatif induites par les typologies de logement.
L’essentiel de la production Scellier se compose en effet de « deux et trois pièces ». Sur un échantillon d’une centaine de villes, le risque locatif est présent pour seulement 4% d’entre elles pour le Type 1 (studio) mais 41% sont concernées à partir du Type 2 et 100% le sont pour les types 3 et les surfaces familiales. Autrement dit pour nombre de villes, la révision du dispositif Scellier n’a permis de réduire très sensiblement le risque que pour les petites surfaces.
Il est à noter que cette distorsion peut être accentuée par le mode de calcul de la surface du logement à prendre en compte pour l’appréciation du plafond de loyer en loi Scellier, la surface habitable étant augmentée de la moitié de la surface des annexes (caves, sous-sols, remises, balcons, combles aménageables…) dans la limite de 8 m².
A contrario, l’abaissement forfaitaire des loyers plafonds s’avère très pénalisant sur les micro-marchés porteurs d’une forte rentabilité pour les petites surfaces, qui sont situées en centre-ville ou en secteurs résidentiels recherchés, là où le coût du foncier est le plus élevé. Le nouveau dispositif fiscal incitera les promoteurs à redéployer l’essentiel de leur production sur des territoires secondaires et périphériques afin de préserver leur marge, secteurs où le foncier est certes moins cher, mais la demande locative aussi moins vive et passablement solvable !
Pourquoi ne pas évacuer les risques maîtrisables de ce dispositif par la mise en place de commissions d’agrément, alors que le principe en est déjà acté pour la zone C ? La problématique logement est au cœur des préoccupations des français. Pourquoi refuser son approche micro-immobilière, la seule à même de concilier les intérêts des promoteurs et des investisseurs et de répondre pertinemment aux besoins de logements locatifs par une offre ciblée ?
En remplaçant le dispositif Robien par la loi Scellier puis en révisant cette dernière, les pouvoirs publics ont fait preuve de pragmatisme et corriger une approche libérale de l’immobilier génératrice de nombreuses dérives. Reste maintenant à élargir cet interventionnisme bénéfique qui doit être exclusif d’une vision technocratique des marchés.
Source : www.immogroupconsulting.fr
Jean-Michel CIUCH, Directeur Général de la société Immogroup Consulting