Pour déclarer la commune bailleresse recevable à agir contre les copropriétaires, l’arrêt retient que tout créancier du syndicat peut agir directement en paiement de la dette de celui-ci en proportion de la part contributive de chaque copropriétaire telle que fixée par le règlement de copropriété, que la commune peut donc leur réclamer paiement par le biais de l’action oblique distincte en son fondement contractuel du bail à construction, qu’enfin cette demande ne se heurte en rien à la prescription quinquennale, s’agissant de recouvrement de sommes fixées par décision de justice à l’encontre d’un copropriétaire par le biais de l’action oblique. En statuant ainsi, sans rechercher si, s’agissant de charges incombant aux copropriétaires défendeurs à l’action oblique, la prescription décennale n’était pas acquise, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision au regard de l’article 1166 du Code civil et de l’article 42 de la loi du 10 juillet 1965.
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l’arrêt suivant :
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Pau, 18 octobre 2004), que la commune d’Aragnouet a donné à bail à construction à la SCI Hôtel du Piau une parcelle de terrain pour y construire un immeuble à usage d’ hôtel et ce, moyennant un loyer de 10 francs le mètre carré ; que le gérant de la SCI a fait établir un règlement de copropriété destiné à s’appliquer à l’hôtel en construction qui stipulait en son article 22 qu’au nombre des charges communes incombant aux copropriétaires figurait le loyer du terrain ; que M. X… et Mme X… ainsi que la SCI Leca, constituée entre eux, ont respectivement acquis du 27 juin 1985 au 18 juillet 1999, divers lots ; que le syndicat des copropriétaires ne réglant pas les loyers, la commune a obtenu par une décision irrévocable la condamnation de celui-ci à lui payer une certaine somme représentant les loyers impayés de 1983 à 1995 inclus ; que n’ayant pu obtenir du syndicat paiement de sa créance, la commune a émis à l’encontre des époux X… et de la SCI Leca des titres exécutoires ; que Mme X… a assigné la commune en annulation de ces titres et en fixation de sa dette non prescrite ;
Sur la recevabilité du pourvoi contestée par la défense :
Attendu que la commune d’Aragnouet soutient que le pourvoi formé par Mme X… est irrecevable en application de l’article 608 du nouveau Code de procédure civile comme étant dirigé contre un arrêt confirmant un jugement qui a seulement écarté l’autorité de la chose jugée et la prescription, et qui, « avant dire droit » sur la validité des titres exécutoires, a ordonné une expertise ;
Mais attendu que la cour d’appel ayant statué sur la recevabilité de l’action oblique exercée par la commune d’Aragnouet à l’encontre des copropriétaires, et de ce fait tranché une partie du principal, le pourvoi est recevable ;
Mais sur le premier moyen :
Vu les articles 1166 du Code civil, ensemble l’article 42 de la loi du 10 juillet 1965 ;
Attendu que pour déclarer la commune recevable à agir contre les époux X… et la SCI Leca, l’arrêt retient que tout créancier du syndicat peut agir directement en paiement de la dette de celui-ci en proportion de la part contributive de chaque copropriétaire telle que fixée par le règlement de copropriété, que la commune peut donc leur réclamer paiement par le biais de l’action oblique distincte en son fondement contractuel du bail à construction, qu’enfin cette demande ne se heurte en rien à la prescription quinquennale, s’agissant de recouvrement de sommes fixées par décision de justice à l’encontre d’un copropriétaire par le biais de l’action oblique ;
Qu’en statuant ainsi, sans rechercher si, s’agissant de charges incombant aux copropriétaires défendeurs à l’action oblique, la prescription décennale n’était pas acquise, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu’il y ait lieu de statuer sur le second moyen :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l’arrêt n° RG/03/00820 rendu le 18 octobre 2004, entre les parties, par la cour d’appel de Pau ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d’appel de Toulouse ;
Condamne la commune d’Aragnouet aux dépens ;
Vu l’article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne la commune d’Aragnouet à payer à Mme X… la somme de 1 800 euros ; rejette la demande de la commune d’Aragnouet ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l’arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du premier mars deux mille six.
Décision attaquée : Cour d’appel de Pau du 18 octobre 2004
Cour de Cassation, Chambre civile 3
Audience publique du 1 mars 2006
N° de pourvoi : 05-11522 (Cassation partielle)